La ruralité française offre un triste paradoxe : selon certains élus locaux, elle est dynamique, mais trop boudée par les responsables nationaux, qui lui préfèrent les centres urbains. Une erreur selon le promoteur et investisseur immobilier Olivier Pelat.
Séduction de l’électorat des campagnes
En 2017, Emmanuel Macron fut le candidat de la fin des partis. En 2022, sera-t-il celui de la ruralité ? En débarquant à Saint-Cirq-Lapopie (Lot), le 2 juin 2021, pour entamer une tournée aux allures de pré-campagne, le président français sait exactement ce qu’il fait. A un peu moins d’un an de l’élection présidentielle, mais après plusieurs mois d’une crise sanitaire exténuante, pour les personnels soignants comme pour les élus, le chef de l’État est là pour passer un peu de baume aux édiles locales : « Je ne vous oublie pas », leur témoigne-t-il en substance.
Mais le chemin est long, jusqu’à la présidentielle, et plutôt semé de ronces qu’enduit d’un goudron lisse. Certains, lors de son séjour dans le Lot, ne se sont pas privés de le lui rappeler : pour envisager une réélection, il faudra en passer par les territoires, où il règne « un sentiment d’abandon », comme le confiait à France Bleu le président des maires ruraux d’Occitanie et maire de Saint-Rome de Cernon, Pierre Pantanella. Malgré le secrétariat d’État à la Ruralité mis en place par Emmanuel Macron, « qui fait son boulot » selon l’élu, celui-ci estime être «écouté mais certainement pas entendu».
Désindustrialisation et métropolisation
Dommage, car « la ruralité est dynamique », plaide-t-il. Elle est même en pleine transformation, selon l’Insee, qui a publié fin avril l’édition 2021 de La France et ses territoires, un ouvrage qui fait le point sur la réalité des territoires tricolores, leurs disparités et conditions de vie. « Jusqu’en 2020, l’Insee définissait le rural comme l’ensemble des communes n’appartenant pas à une unité urbaine qui est caractérisée par le regroupement de plus de 2 000 habitants dans un espace présentant une certaine continuité du bâti », indique l’institut statistique. Une définition obsolète désormais.
La nouvelle classification de la ruralité contient 4 échelles, en fonction de « critères de type fonctionnel, notamment le degré d’influence d’un pôle d’emploi ». Ou comment mettre en surbrillance les communes où la population « stagne » et, à l’inverse, celles qui attirent des «populations plus jeunes», donc dynamiques. Sans surprise, selon l’Insee, plus on s’éloigne des « pôles », « plus il y a d’ouvriers et moins il y a de cadres ».
Ce sont précisément ces espaces, souvent désindustrialisés, victimes de la « métropolisation », qu’Emmanuel Macron est venu réconforter. « C’est pourtant le monde rural, souvent moqué et méconnu, qui nourrit la ville » explique Olivier Pelat, président d’Européquipements et promoteur immobilier très engagé dans la préservation du pays de Fontainebleau.
Olivier Pelat : « De nombreux dirigeants de notre pays ne connaissent pas les ruraux »
Pour rappel, ce n’est pas très loin de Paris qu’est né le mouvement des Gilets jaunes, fin 2018, quelques mois après qu’Emmanuel Macron avait reconnu un éloignement entre les Français et lui. « Le mouvement des Gilets jaunes vient en partie de Seine-et-Marne, le département où j’ai grandi » explique Olivier Pelat. « Ici, les habitants ne comprenaient pas les annonces gouvernementales (l’augmentation des taxes sur l’essence et la limitation à 80 km/heure). Vivre sans voiture dans les territoires ruraux est quasiment impossible. La voiture est un moyen indispensable de la vie courante pour accéder aux services publics et sanitaires, à des bassins d’emploi ou à des lieux culturels ». Et de poursuivre : « Entraver les déplacements en voiture était une erreur. De nombreux dirigeants de notre pays ne connaissent pas les ruraux. Le parc automobile est très majoritairement diesel. Vous privez de nombreux habitants de nos campagnes de venir dans les grandes villes. Ils ont l’impression d’être punis, oubliés et méprisés. »
Il y a donc fort à parier que dans les prochains mois, de nombreuses opérations séduction auront lieu en campagnes. Avec, à la clé, des promesses d’argent public, pour redorer, là un tissu industriel déclinant, là des services en lambeaux.
Peut-être même, qui sait, que les actes succèderont à la parole ?