La France s’engage sur le chemin de l’économie circulaire, avec plusieurs objectifs, et notamment celui de poursuivre la réduction de ses émissions de CO2. Le secteur de l’énergie ne fait pas exception.
Depuis 2015, et l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la France est engagée sur le chemin de l’économie circulaire. La loi en fait un des piliers du développement durable, et précise que la transition vers l’économie circulaire “vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires”. Complétée par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022, cet arsenal législatif concerne plusieurs aspects : réduction de l’usage du plastique, recyclage, indice de réparabilité des objets, et impératif de mieux produire notamment en valorisant les déchets. Avec, in fine, la volonté de prendre la voie de la transition environnementale et de limiter nos émissions de CO2. Dans ce contexte, des voix s’élèvent pour accompagner la production d’énergie vers ce changement de modèle. Amandine Lepoutre, présidente du think tank Thinkers & Doers, appelait le 23 juin dernier dans une tribune la puissance publique à convertir les objets de consommation collective, dont les énergies, à l’économie circulaire : “Il reste au cœur de nos sociétés une fâcheuse « préférence pour le futur », du neuf, au détriment de ce qui est déjà là, en somme une préférence pour de nouveaux outils plutôt que de nouveaux usages”. Alors que l’énergie représente 70% des émissions de CO2 en France, beaucoup voient dans le passage d’un modèle linéaire à un modèle circulaire une opportunité pour le climat.
Quairos énergie, EDF PEI : Valoriser les coproduits dans une logique circulaire
Dans ce contexte, des procédés de valorisation des déchets et coproduits se développent, et contribuent à mettre l’énergie au cœur dans une dynamique d’économie circulaire. Exemple dans la Sarthe, avec Quairos Énergies. Cette entreprise a développé des procédés industriels permettant de produire de l’hydrogène vert à partir de biomasse agricole, et en économie circulaire, grâce à la gazéification. En utilisant le chanvre, la production d’hydrogène ne rentre pas en concurrence avec la production alimentaire. Il s’agit d’une plante d’assolement, cultivée entre deux récoltes de blé par exemple, qui permet la régénération des sols. Pour Jean Foyer, président de Quairos Energies, “Comme la gazéification produit deux gaz différents à la demande, on peut fournir du méthane vert dès maintenant pour le réseau de gaz. Ensuite, avec la même installation, on produit de l’énergie pour les trains, camions puis voitures et avions qui utilisent de l’hydrogène”. Selon Quairos Energies, une unité de production d’hydrogène vert peut fournir en énergie l’équivalent en carburant de 12 700 voitures diesel pendant un an.
Autre procédé en développement : l’utilisation de biocombustibles comme alternative aux énergies fossiles. C’est ce qu’EDF PEI projette à La Réunion et en Guyane, grâce à la conversion de centrales au fioul, qui fonctionneront à partir d’un biocombustible à base d’huile de colza ou de tournesol. La conversion des centrales ne nécessite pas d’équipements supplémentaires. Alexandre Sengelin, directeur de la centrale réunionnaise d’EDF PEI, l’explique : “La conversion sera assez simple. La biomasse liquide pourra être stockée dans les cuves actuellement utilisées pour le fioul et nous aurons très peu de modifications à apporter sur nos 12 moteurs.” Quant au biocombustible à base de colza, il s’agit d’un coproduit des “tourteaux” destinés à l’alimentation animale, illustrant ainsi une synergie entre mondes agricole et énergétique. Dans ses 4 centrales d’outre-mer, la conversion à la biomasse liquide permettrait d’éviter environ 1,5 million de tonnes d’émission directe de CO2 par an, estime EDF PEI. Ce biocombustible est par ailleurs biodégradable et son utilisation permet d’améliorer significativement la qualité de l’air local.
Vers un modèle plus structuré
Des projets qui témoignent d’une dynamique d’économie circulaire appliquée à l’énergie. A terme, c’est toute une industrie qui pourrait voir le jour en France. Des initiatives de structuration commencent déjà à émerger. Exemple avec GRTgaz, qui a lancé un groupe de travail dédié à la gazéification hydrothermale. Une technologie encore embryonnaire qui devrait permettre de transformer les biodéchets liquides en gaz renouvelable. Adeline Thomas, directrice de la stratégie transition territoriale de Saint Nazaire, s’enthousiasme : “C’est à la fois un projet de traitement des déchets, de production de gaz renouvelable et de valorisation locale des coproduits qui en sortent”. Pour Robert Muhlke, directeur en charge de ce sujet chez GRTgaz, il s’agit d’un modèle d’économie circulaire : en plus du gaz récupéré, les sels minéraux riches en phosphore ou potassium peuvent être utilisés en agriculture. GRTgaz espère industrialiser la technologie en France au plus tard en 2025. Un exemple du potentiel que pourrait avoir la structuration des initiatives d’économie circulaire en France. En 2016, une étude France Stratégie estimait d’ailleurs à 800 000 emplois le potentiel de l’économie circulaire. Et le document de référence de la loi anti gaspillage rappelle que l’objectif de la loi est de “créer 300 000 emplois supplémentaires, locaux, et couvrant toute la palette de qualification”. Tout en rappelant qu’une tonne de déchets recyclés permet de créer 10 fois plus d’emplois qu’une tonne enfouie.