Face aux résultats pour le moins disparates de sa campagne massive de rénovation énergétique, le gouvernement semble désormais vouloir mettre l’accent sur la qualité des interventions, notamment en renforçant les contrôles. Une prise de conscience certes tardive, mais indispensable.
Passé au second plan de l’actualité médiatique, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a délivré, le 9 avril 2020, 50 propositions pour construire un nouveau modèle de société plus durable. Parmi les recommandations majeures transmises au gouvernement, les 150 citoyens qui se sont réunis lors de sept sessions de travail entre octobre et avril ont demandé la rénovation globale de 20 millions de logements d’ici 2040, et d’ici 2030 pour les 5 millions de passoires thermiques que compte encore le pays. Dans la même logique que la loi énergie-climat promulguée en novembre 2019, cette proposition de la Convention citoyenne pour le climat se montre toutefois plus exigeante. Elle fixe un objectif de performance énergétique de niveau A, B ou C pour les logements rénovés, contre seulement E pour l’actuelle loi. Pour atteindre ce degré d’exigence, les travaux devront porter sur la globalité du bâtiment, et pas seulement sur un ou plusieurs aspects de la rénovation. Cette ambition rejoint celles également exprimées par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et le Haut conseil pour le climat. En avril, les deux institutions ont officiellement appelé à un renforcement de l’investissement public pour la transition énergétique de 19 milliards d’euros supplémentaires par an afin d’accélérer la rénovation énergétique des logements. Le secteur du bâtiment est en effet le premier consommateur d’énergie en France et deuxième émetteur de CO2 après celui des transports. Avec une durée de vie moyenne de 50 ans, le choix des matériaux et des équipements d’un bâti neuf recèle donc un impact important sur le parc immobilier de demain, et donc sur la réussite ou non de la transition énergétique.
« Le piège de la course aux chiffres »
Parmi les cinq leviers identifiés pour décarboner le bâtiment, l’I4CE souhaite imposer un objectif de résultat sur les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. L’heure de la remise en question a donc sonné pour la politique de rénovation énergétique gouvernementale. Car s’il en a bien fait une priorité depuis déjà plusieurs années, l’État français semble s’être fourvoyé en privilégiant la quantité à la qualité. Aveuglé par son objectif de rénover 500 000 de logements par an, le ministère de la Transition écologique et solidaire se félicite ainsi que plus d’un million de foyers français engagent des travaux de rénovation énergétique chaque année. Mais ni le Cler (Réseau pour la transition énergétique), ni l’ADEME n’en valident les résultats, bien au contraire. « La plupart des travaux entrepris ne sont pas suffisant, estime Jean-Baptiste Lebrun, directeur du Cler. On est plutôt sur des gestes comme le changement de chaudière ou des fenêtres. Le gouvernement compte tous les gestes et initiatives qui ont trait à la rénovation énergétique mais ce n’est pas du tout à la hauteur. » De son côté, l’ADEME a publié en octobre 2018 une étude montrant que seuls 5 % des travaux de rénovation énergétique portant sur 5 millions de maisons individuelles avaient permis des gains de plus de deux classes énergétiques… « La communication du gouvernement nous entraîne dans le piège de la course aux chiffres, ajoute Jean-Baptiste Lebrun. Nous faisons entre 200 000 et 300 000 rénovation par an, qui ne sont absolument pas au niveau BBC. Le rythme à avoir est très important, il faut massifier, mais « faire plus » ne veut pas dire pour autant qu’il faille faire n’importe comment. »
Baisse des aides et contrôles renforcés
Suite aux milliers d’abus, de fraudes et de malfaçons constatés sur le terrain, notamment via sa campagne d’isolation à un euro, l’exécutif a dû revoir son dispositif de Coup de pouce aux économies d’énergie pour les travaux d’isolation et de chauffage. Par un arrêté publié le 1er avril 2020, l’opération a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2021, mais avec une baisse des forfaits et primes à l’isolation à partir du 1er septembre 2020 et un contrôle renforcé des travaux. L’efficacité des opérations dans les combles pourra ainsi être vérifiée par un tiers, tout comme celle des planchers bas, dont le niveau de contrôle devrait atteindre 20 % pour les ménages en précarité énergétique. De même, le respect du délai de rétractation de 7 jours entre la signature du devis et le début des travaux devrait être surveillé de plus près. Enfin, un nouveau coup de pouce prévoit d’accompagner les rénovations globales de copropriétés pour « quitter le fioul ». Il s’agit « d’inciter financièrement les propriétaires de bâtiments résidentiels collectifs en France métropolitaine à rénover leur chaufferie non performante alimentée par des énergies fossiles, et plus globalement leur patrimoine immobilier », précise la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère.
Le cas (flagrant) de l’isolation
Parmi les mesures de contrôle précisées par l’arrêté, une vigilance accrue sera réservée à la qualité de la pose des isolants, et notamment la mise en place des aménagement nécessaires comme les pare-vapeur. Si cet élément en particulier concentre l’inquiétude du législateur, c’est parce qu’il est au centre d’un scandale révélé après plus de 20 ans de procédure par la Cour de cassation : l’Isolgate fin 2019. D’après des expertises techniques ordonnées par le tribunal de commerce de Versailles, il est ressorti que l’efficacité des laines minérales – isolant le plus populaire en France – était très largement altérée (jusqu’à 75 %) sans pose d’un pare-vapeur et d’écran de sous-toiture pour les accompagner. Or, beaucoup de professionnels n’étaient pas informés par les fabricants des règles de pose. Le renforcement des contrôles vise donc à garantir une pose de qualité pour une isolation plus performante. In fine, l’État gagnera aussi à ce que les 17 milliards d’euros d’aides à l’isolation qu’il distribue chaque année soient utilisés à bon escient…
Bonjour,
qui va faire les contrôles ? Par échantillons ? Par dénonciation ? Où peut on faire part d’un défaut et demander un contrôle ?
Merci par avance