Promises à l’extinction définitive le 9 août prochain, France 4 et France Ô ont retrouvé, à la faveur de la crise liée au Covid-19, une nouvelle légitimité. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander leur maintien à l’antenne.
Sauvées par le confinement ? France 4 et France Ô, les chaînes jeunesse et Outre-Mer du groupe audiovisuel public France Télévisions, devaient théoriquement vivre en ce printemps leurs derniers jours. La décision, annoncée en juin 2018 par l’ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen, faisait initialement partie du vaste plan de restructuration de l’audiovisuel public français initié par le gouvernement, souhaitant accélérer les investissements vers le numérique. Elle devait être effective le 9 août prochain, une partie des programmes de France 4 basculant alors vers ses consœurs, France 5 et France 3, l’autre vers la nouvelle plateforme numérique baptisée Okoo.
Mais ça, c’était « avant ». Avant la pandémie mondiale de coronavirus. Avant le confinement généralisé de la population. Avant que des millions d’enfants et d’adolescents français ne se retrouvent, du jour au lendemain, privés d’école et contraints de passer, souvent avec leurs parents, de longues journées enfermés à la maison. Comme toutes les entreprises, France Télévisions a dû s’adapter à cette situation inédite, bouleversant ses programmes et revoyant de fond en combles son organisation. Longtemps voués aux gémonies, la télévision a subitement retrouvé ses lettres de noblesse et le service public une nouvelle raison d’être : se substituer, autant que faire se pouvait, aux cours et enseignements provisoirement mis entre parenthèses.
« Ça n’a pas de sens de supprimer France 4 »
En conséquence, enterrer France 4 et France Ô ne semble plus faire autant sens qu’il y a peu, si l’on en croit les dernières déclarations de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte : « les innovations que France 4 a mises en place ont rencontré une véritable adhésion des citoyens », estime ainsi la patronne de l’audiovisuel public : « c’est un actif important sur lequel il faut capitaliser. Franck Riester (le ministre de la Culture) m’a demandé de réfléchir à un plan de maintien de France 4. Je lui ai fait des propositions dès le lendemain ». Quant à France Ô, « la crise nous a montré combien nos compatriotes ultramarins ont besoin de maintenir un lien avec leurs familles. Depuis le confinement, (la chaîne) a mis en avant tous les journaux de nos stations ultramarines pour préserver ce lien », détaille encore Mme Ernotte.
La présidente de France Télévisions n’est pas la seule dont la voix s’élève pour demander le maintien des deux chaînes en sursis. « Un moratoire d’au moins un an est nécessaire. Il n’est pas imaginable que France 4 s’éteigne le 9 août », a ainsi déclaré Bruno Studer, le président LREM de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Même son de cloche chez sa collègue Aurore Bergé, selon qui « la crise a encore plus mis en valeur le rôle singulier et nécessaire de France 4. Nous avons besoin d’une offre linéaire de contenus jeunesse avec une forte dimension éducative et culturelle, valorisant le secteur de l’animation. C’est une véritable mission pour notre audiovisuel public ».
« Ça n’a pas de sens de supprimer France 4 », abonde la sénatrice Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture au Palais du Luxembourg. Sous la pression des parlementaires, parfois issus de sa propre majorité, Franck Riester estime désormais que « nous ne sortirons pas de la crise comme nous y sommes rentrés (…). Aucune décision ne sera prise tant que nous n’aurons pas ces éléments qui doivent nous être fournis par France Télévisions ». Le ministre de la Culture a donc demandé à Delphine Ernotte de détailler un « pacte d’engagement » et « quelle pourrait être la grille des programmes de France 4 si (elle) était maintenue », « parce que, a-t-il récemment ajouté au micro d’Europe 1, nous avons vu que France 4 et France Ô avaient joué un rôle majeur, notamment pour les jeunes, pour continuer d’apprendre pendant la crise ».
Des cours adaptés à chaque niveau scolaire
Pour éviter le décrochage des élèves, dès le 23 mars, soit une semaine à peine après l’annonce du confinement, un programme de continuité pédagogique a donc été mis en place sur France 4. En partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, il avait pour objectif de fixer un rendez-vous éducatif tous les jours et pour les élèves de tous les niveaux, du CP au lycée. Ces cours, baptisés Lumni, ont été prodigués par des professeurs en exercice : Lumni Primaire le matin, Lumni Collège et Lumni Lycée l’après-midi. Enfin, un magazine dédié, La maison Lumni, présenté par Alex Goude, est multi-diffusé sur trois chaînes du groupe. Avec succès : sur les plus de 8 millions d’enfants âgés de 4 à 14 ans que compte la France, 2,2 millions ont été en contact avec le dispositif. Des chiffres plus qu’encourageants, qui devraient rassurer quant à l’avenir des « petites » chaînes de France Télévisions.
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