À presque un de l’élection présidentielle américaine, tisser un récit empreint de politique-fiction demeure tout à fait ouverte. Les indices convergents pointent vers une confrontation inévitable lors de la prochaine élection présidentielle aux États-Unis, orchestrant un nouveau face-à-face entre Joe Biden et Donald Trump. Toutefois, il est possible d’explorer la notion de remise en question et d’expansion des horizons.
La sphère politique américaine connaît actuellement une agitation soutenue, étant marquée par les sérieux déboires judiciaires auxquels l’ancien président des États-Unis est confronté. Malgré le fait que ces événements aient récemment relégué au second plan les interrogations concernant la candidature de Joe Biden, y compris celles liées à son âge, ces inquiétudes persistent.
Ces deux éléments distincts nous incitent à considérer une possibilité jusqu’alors peu explorée voire négligée : et si ni l’un ni l’autre ne prenaient part à la course en novembre 2024 ? Même si rien à l’heure actuelle ne permet de traiter cette éventualité avec une extrême gravité, il est difficile de la rejeter catégoriquement.
Les affaires de Donald Trump, souci majeur des Républicains
À moins d’être complètement déconnecté du monde pendant les six derniers mois, il est impossible de ne pas être au courant des sérieux ennuis judiciaires dans lesquels est plongé Donald Trump.
Dans les mois à venir, l’ancien résident de la Maison-Blanche devra jongler avec une situation complexe, équilibrant entre la primaire républicaine et quatre procès en lien avec diverses accusations de malversations. Ces allégations couvrent sa manipulation des archives de son administration, ses actions après l’élection présidentielle de 2020 et l’incident impliquant le versement pour taire une ancienne actrice pornographique.
Ces procès, dont l’échéance approche, se tiendront respectivement en Floride, à Washington D.C., en Géorgie et à New York. Ce calendrier chargé ne manquera pas d’influencer sa campagne et pourrait potentiellement déboucher sur des verdicts de culpabilité assortis de peines de prison.
La Maison-Blanche a bien conscience de cette situation et met de plus en plus en avant le rôle de la vice-présidente Kamala Harris. Bien qu’il reste difficile de prévoir avec exactitude la direction que prendront les événements, le favori du parti républicain court un risque réel qui met en péril à la fois ses aspirations politiques et celles de son parti.
Si l’une de ces affaires aboutissait à une condamnation, particulièrement celles liées à ses tentatives de manipulation du résultat du vote en 2020, cela mettrait en doute sa position en tant que candidat du principal parti d’opposition aux États-Unis. Cette question deviendrait cruciale, surtout si d’aventure il devait être incarcéré avant le scrutin, même si cette éventualité demeure peu probable.
Actuellement, l’économie américaine est robuste et Joe Biden conserve une image positive (du moins pour le moment). Il faudrait de multiples scénarios pour contraindre Donald Trump à se retirer de la course et à abandonner son statut. Il est indéniable que l’élection offre une opportunité de repli pour lui, d’autant plus qu’il continue de bénéficier du soutien de la majorité de la base électorale républicaine, qui a l’intention de participer à la primaire. Il est à noter qu’une condamnation et une peine de prison ne l’empêcheraient pas légalement de se présenter comme candidat.
Cependant, la tempête judiciaire qui se profile dans les mois à venir devrait au moins inciter les électeurs républicains à peser soigneusement leur choix lors des primaires. De son côté, l’establishment conservateur pourrait bien concevoir un plan de secours afin de minimiser les dégâts en cas de retournement de situation.
L’âge, doute principal des électeurs côté Joe Biden
Au sein du camp des Démocrates, les enjeux prennent une dimension nettement moindre. Malgré les préoccupations persistantes au sommet concernant la baisse de popularité de Joe Biden, les électeurs soulignent fréquemment son âge dans leurs discussions. La même question se pose pour Donald Trump, qui, bien qu’étant plus jeune de deux ans, demeure pour l’instant un sujet de préoccupation secondaire. Cependant, certaines vidéos montrant Joe Biden trébuchant, sans conséquences apparentes et sans lien direct avec sa santé, ont un effet particulièrement néfaste sur sa communication.
Il est indéniable qu’à l’âge de 80 ans, Joe Biden détient le record de la personne la plus âgée à occuper la présidence des États-Unis. S’il venait à être réélu pour un second mandat de quatre ans, il quitterait la Maison-Blanche à l’âge de 86 ans. Les inquiétudes exprimées par les électeurs à ce sujet sont donc fondées. Bien que Biden ait jusqu’à présent démontré sa capacité à diriger le pays sur les plans physique et mental, prédire l’avenir reste complexe, d’autant plus lorsqu’il s’agit de se projeter cinq ans en avant.
Consciente de cette problématique, la Maison-Blanche met de plus en plus en avant le rôle de la vice-présidente Kamala Harris. Elle joue un rôle central dans la vidéo officialisant la nouvelle candidature du président, multiplie les déplacements à travers le pays et semble douée pour mobiliser des fonds afin de financer la campagne.
Âgée de 56 ans, elle se trouve dans la force de l’âge et possède désormais – du moins en théorie – une expérience suffisante pour prendre les commandes du pays si jamais Joe Biden devait se retirer de la course ou renoncer à son mandat en cours.
Kamala Haaris, l’atout ultime ?
Afin de distiller les ambiguïtés, l’objectif de l’administration est de mettre en évidence pour les électeurs que l’élection concerne un billet présidentiel complet, où à la fois le président et le vice-président sont élus, et non pas seulement une personne individuelle. Bien que cette approche puisse être critiquée, son but principal est de souligner qu’une éventuelle retraite de Joe Biden, principalement pour des raisons de santé, ne peut être complètement écartée, même si actuellement il n’y a aucun signe indiquant une telle possibilité.
En fin de compte, il existe la possibilité qu’un des deux favoris soit contraint d’abandonner. Contrairement au Parti républicain, qui semble incapable de mettre fin à l’ère Trump et de s’éloigner de ses sérieux problèmes judiciaires, le Parti démocrate possède une alternative pour faire face à toute situation inattendue. En ce qui concerne la probabilité que les deux ne figurent pas sur les bulletins de vote en novembre 2024, elle est très faible mais réelle.
Les multiples inculpations visant Donald Trump laissent entrevoir une campagne électorale hors du commun. Les calendriers politiques et judiciaires risquent de se heurter à plusieurs reprises. Plusieurs procès sont en préparation. « Le procureur de Washington, Jack Smith, a déjà évoqué le souhait que le premier procès ait lieu en janvier. Le dernier aura probablement lieu après l’élection », rappelle Nicole Bacharan. Entre les deux, un procès est notamment programmé en mai 2024 dans l’affaire des documents confidentiels. Cela risque de poser de nombreux problèmes d’agenda pour le candidat Trump, dont la présence pourrait être nécessaire au tribunal entre deux rassemblements, les jours de scrutin ou lors des multiples débats prévus dans les primaires républicaines.
Sur le plan financier, les inculpations visant Donald Trump sont toutefois presque une opportunité, selon la politologue : « Cela le favorise en lui permettant de se présenter comme un martyr. D’une manière quelque peu ambiguë, il utilise les fonds de sa campagne pour financer sa défense. » Ces dernières semaines, Donald Trump a en effet multiplié les courriels à l’attention de ses partisans, leur demandant de contribuer financièrement. « Le ministère de la Justice de Biden essaie de m’emprisonner À VIE », affirmait-il encore sans preuves dimanche, avant d’encourager ses « patriotes » à faire des dons allant de 24 à 1 000 dollars pour sa campagne.
En ce qui concerne sa position dans les sondages, il est peu probable que les inculpations aient un impact significatif : « À l’heure actuelle, il domine largement parmi les républicains. Et il n’y a pas vraiment de concurrent sérieux derrière lui. La campagne de [Ron] DeSantis est si peu convaincante que je ne le vois pas réussir à rallier les anti-Trump derrière lui », avance Nicole Bacharan. Selon le site FiveThirtyEight, qui agrège les sondages nationaux, l’ancien président devance de près de quarante points (53 % contre 14 %) le gouverneur de Floride, son principal rival lors des primaires, en termes d’intentions de vote. Surtout, observe la politologue, « Trump continue de tenir le Parti républicain entre ses mains, car sa base représente 30 % de l’électorat global. Pour les autres, si sa première comparution devant le tribunal avait quelque chose de nouveau, maintenant, après les inculpations liées au Capitole, aux documents confidentiels et à la Géorgie … tout cela devient plus complexe et moins intéressant à suivre. »