Interview croisée de Philippe Bolo, Député de Maine-et-Loire et d’Angèle Préville (AP), Sénatrice du Lot, corédacteurs du rapport parlementaire « Pollution plastique : une bombe à retardement ? ».
Sylvie Journaux : Tous les plastiques sont-ils mauvais ?
AP Non ils ne sont pas tous mauvais. Les plastiques ont rendu de nombreux services par leur légèreté et leur moindre coût. Ils sont parfaits pour fabriquer des objets qui doivent durer dans le temps, puisqu’ils permettent de réaliser des économies à tous les niveaux.
Quant aux mauvais plastiques, ce sont principalement ceux à durée de vie très courte, comme les plastiques jetables, ceux de mauvaise qualité, comme certains textiles synthétiques de la « Fast fashion ».
PB Je suis d’accord avec Madame la Sénatrice, ils ne sont pas tous mauvais. Globalement ils engendrent des bénéfices environnementaux – une voiture allégée grâce à des plastiques consomme moins de carburant et émet donc moins de CO2- sécuritaires – les circuits électriques de nos maisons isolés avec du plastique évitent les courts-circuits et donc les incendies – et, enfin, sanitaires – dans le cas des plastiques médicaux.
Même dans un système d’économie circulaire parfait, il est important de ne jamais oublier qu’il y aura toujours un problème de fuite. Expliquez-nous.
AP Les activités humaines ne sont pas parfaites, il y aura toujours des fuites de plastiques dans l’environnement parce que le plastique est léger, la gestion pas toujours optimale. Il y aura toujours des personnes qui ne ramasseront pas leurs déchets. Concernant les textiles de la Fast fashion évoqué plus haut, il faut savoir que leurs fibres ne se décomposent pas dans l’environnement et sont difficilement recyclables. Durant ces 15 dernières années, la fabrication textile mondiale a augmenté de 40 %. Une situation d’autant plus catastrophique qu’elle provoque du relargage de microfibres en continu tout au long du cycle de vie du produit. Il s’agit d’une pollution insidieuse car invisible.
PB Les fuites ont différentes origines et responsables : les transporteurs de matières premières (granulés), comme lors du naufrage d’un porte-conteneurs au Sri Lanka qui a déversé en mai dernier sa cargaison de granulés plastiques dans l’océan Indien et sur les plages ; le consommateur dont le comportement est irresponsable ; la gestion des déchets et leur exportation vers des pays tiers qui ne disposent pas des installations de traitement performantes.
Quelles sont les solutions alternatives aux plastiques ?
AP Il faut consommer différemment, moins, mieux, de meilleure qualité et responsable. De plus, si l’on veut relier cette consommation à notre souveraineté, il est essentiel d’agir. Je suis dans un département (le Lot) où l’on a plus de moutons que d’habitants. Malheureusement, la laine des moutons part directement en Chine, faute de filières de traitement. Actuellement, on essaie de relancer le chanvre pour confectionner des jeans. C’est à tout un chacun de réfléchir pour trouver des solutions afin de réduire l’utilisation des plastiques. Concernant le plastique à usage unique, nous nous sommes habitués à la facilité. Or nous avons fait autrement pendant des siècles, y compris dans la distribution. Des solutions se mettent en place, plus vertueuses. Elles sont à combiner avec des circuits courts (fabrication locale) et en créant de nouvelles filières.
PB Oui il existe d’autres matériaux à condition de considérer à chaque fois deux dimensions, à savoir la ressource, qui permet de fabriquer ce matériau alternatif et la gestion des déchets. Exemple : si le carbone fossile de pétrole est remplacé par du carbone biosourcé pour faire du plastique mais qu’il produit autant de déchet, le résultat n’a pas de sens. Par contre, si l’on remplace le plastique par un matériau alternatif permettant de moins utiliser de ressource ou une ressource renouvelable qui ne produit pas de déchet, là on a gagné ! L’ACV (analyse du cycle de vie) permet d’étudier si la substitution est plus vertueuse, sachant toutefois qu’à ce jour dans l’ACV du plastique, n’est pas pris en compte son vieillissement quand il est jeté dans la nature et donc la formation de micro et nanoparticules. L’ACV, comme la comparaison en termes de prélèvement de la ressource et production de déchets sont utiles pour orienter le bon compromis.
Pour quelles raisons avez-vous titré votre rapport « …une bombe à retardement ? »
AP Océans, air, sols, quel que soit le lieu, nous enregistrons la présence de fragments de plastiques, macro et microplastiques dont les plus petits (les nanoplastiques) de l’ordre des molécules entrent dans les cellules affectant tout le milieu vivant. D’où la « bombe à retardement » : un titre qui alerte, fait prendre conscience du problème pour prévoir et prévenir la suite afin d’agir et de réduire cette pollution. C’est notre responsabilité.
PB Il est effectivement urgent d’agir, d’autant que nous ne connaissons pas toutes les conséquences des micro et nanoplastiques. Il est urgent de réduire à la source, urgent de mener des recherches pour trouver des solutions alternatives, urgent de changer de comportement… parce qu’une bombe se désamorce avant qu’elle n’explose, surtout si elle est à retardement. Un titre qui peut paraître très pessimiste mais qui se veut très optimiste !
Sylvie Journaux
Retrouvez le 24 juin le webinaire live « Un monde sans pollution plastique est-il possible ? » sous la présidence de Philippe Bolo et Angèle Préville en partenariat avec Institut des Transitions