Sébastien Candel, Professeur des Universités Président honoraire de l’Académie des sciences, est intervenu lors du Colloque « Déchets, recyclages, environnement » organisé par Passages-ADAPes le 9 décembre 2019 sur l’impact environnemental du nucléaire.
(Propos rapportés par Alain Vallée)
Les déchets rejetés par l’humanité sont aujourd’hui un problème majeur avec une production en forte croissance et des conséquences environnementales de plus en plus sévères. Rien que les déchets ménagers, 11 % de l’ensemble, représentent plus de 2 milliards de tonnes par an, et conduisent à des émissions de gaz à effet de serre importantes, équivalentes à environ 5 % des rejets mondiaux de gaz carbonique. Gérer, traiter et recycler l’ensemble des déchets sont des actes essentiels, afin de :
– protéger la santé humaine ;
– réduire l’impact sur l’environnement ;
– conserver et recycler les ressources.
En France, 325 millions de tonnes de déchets sont produits chaque année, en grande partie issus du secteur industriel (81 %) ; les déchets nucléaires n’en représentent, en quantité, qu’une très faible part : 1 800 tonnes de combustible usé sont retirées des réacteurs chaque année, puis entreposées de façon sûre et la plus grande partie en est recyclée. L’Académie des sciences et l’Académie des technologies françaises, conjointement avec l’Académie de l’ingénierie chinoise, ont émis un rapport sur la gestion des déchets nucléaires : « Joint recommandations for the nuclear energy future » (31 août 2017). Ce rapport s’articule autour de quatre thématiques :
– l’impact sur l’environnement et le contrôle de la radio activité provenant d’installations nucléaires en fonctionnement normal ;
– la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs à long terme, y compris ceux stockés dans des dépôts géologiques ;
– la gestion de la radioactivité induite par des accidents nucléaires graves ;
– et enfin, l’amélioration de la sûreté nucléaire en tant que moyen d’en limiter les impacts sur l’environnement et de contribuer à l’acceptation de l’énergie nucléaire par le public.
Sur les deux premiers thèmes, qui sont l’objet du colloque (empreinte environnementale et déchets), S. Candel a souligné l’impact environnemental bénin du nucléaire, hors situation accidentelle grave.
Empreinte environnementale du nucléaire
Le nucléaire électrogène, étant donné sa très forte concentration énergétique, consomme peu de matières premières industrielles, comme le montre la figure 1, comparé aux autres moyens de productions.
Figure 1
Comme il ne produit pas de gaz carbonique quand il est en fonctionnement, la seule source d’émission qu’il induit provient de la production de ces matières industrielles, le classant ainsi comme une des énergies qui a le moins d’impact sur le climat (fig. 2).
Figure 2
La radioactivité relâchée dans l’environnement, en fonctionnement normal, est à un niveau très bas, quelques pourcents de la radioactivité naturelle et n’a pas de conséquence environnementale décelable. Les centrales nucléaires n’émettent pas de polluants chimiques ou de particules fines et présentent une empreinte au sol très faible. Par contre, leur consommation d’eau est légèrement supérieure à celle des centrales thermiques, conduisant à des limitations pour celles situées le long de grandes rivières. Divers types de déchets sont produits, qui sont regroupés en plusieurs catégories selon leur durée de vie et leur niveau de radioactivité.
La gestion des déchets
Les déchets à vie courte proviennent de l’exploitation, de la maintenance et la déconstruction des centrales (filtres, pièces usagées, outillage, gravats…). Ils sont compactés dans des fûts en acier ou en béton pour être stockés dans des cellules de béton en centres de stockage de l’ANDRA (Soulaines, Morvilliers) ; ils représentent 90 % du volume des déchets radioactifs, contiennent 0.1 % de la radioactivité totale et perdent la moitié de leur radioactivité sur des durées inférieures ou égales à 30 ans, ce qui les rend presque complètement inactifs au bout de 300 ans. Les déchets à vie longue sont principalement issus du combustible nucléaire usé ; les assemblages combustibles déchargés du cœur sont entreposés dans les piscines de la centrale durant quelques années pour refroidissement, puis sont transportés, de nouveau entreposés, puis traités à La Hague où 95 % de la matière extraite est recyclée sous la forme de nouveau combustible utilisable dans les centrales et où les 5 % sont transformés en déchets vitrifiés, entreposés pour l’instant à La Hague. Ces déchets à vie longue et haute activité représentent 10 % du stock total de déchets radioactifs, concentrent 99.9 % de la radioactivité et perdent progressivement leur radioactivité, mais demeurent actifs sur des périodes qui se chiffrent en centaines, voire en milliers d’années et au-delà, pour certains isotopes. Ils sont destinés à un stockage géologique profond. La raison fondamentale de ce choix repose sur des considérations sociologiques car la stabilité des sociétés ne peut être assurée que pendant quelques siècles. Il est alors plus rationnel de confi er à la géologie le maintien de ces déchets loin de la biosphère dans des endroits présentant une grande stabilité pour des périodes de temps très longues.
Conclusions des Académies sur les déchets nucléaires
L’analyse menées par les 3 académies indique que la gestion des déchets radioactifs, dans les pratiques actuelles, a de très faibles impacts locaux et mondiaux sur la santé et l’environnement. Il est important d’utiliser les meilleures technologies disponibles et d’établir des organisations claires et transparentes pour sa mise en œuvre. La gestion des déchets ne doit pas être transférée aux générations futures et le stockage géologique est une solution pertinente car ayant un impact extrêmement limité à tout moment sur les sociétés et les écosystèmes.
Sébastien Candel, Professeur des Universités Président honoraire de l’Académie des sciences
Propos rapportés par Alain Vallée