Face à l’aversion croissante des populations occidentales pour le plastique, mais aussi aux contraintes réglementaires toujours plus fortes, les acteurs de l’eau se réinventent et aspirent à fournir aux consommateurs une eau en bouteille responsable. Parmi eux, le géant français Danone semble bien décidé à être parmi les premiers à entamer la transition écologique et durable du marché, en menant une politique volontariste affirmée sur ces enjeux. Une transition guidée par un impératif écologique, mais qui répond aussi aux besoins de beaucoup de pays, qui subissent les conséquences sociales, sanitaires et sécuritaires, du manque d’eau.
Pour les acteurs du marché, l’urgence de la transition écologique
En quelques chiffres, le plastique, c’est 5 billions de sacs utilisés chaque année et entre 5 et 13 millions de tonnes déversées tous les ans dans les océans. 17 millions de tonnes de pétrole sont utilisées annuellement pour produire, chaque seconde, 10,1 tonnes de plastiques. Des volumes impressionnants qui interrogent aussi l’opinion, qui semble très largement s’en détourner. En effet, le 1er avril 2019, un sondage publié par l’association « Agir pour l’environnement » indiquait qu’une très large majorité des Français souhaitait une interdiction pure et simple des plastiques à usage unique. En premier lieu, les couverts, les pailles, mais aussi tous les contenants alimentaires. Au total, 88 % des sondés ont favorablement répondu à une telle interdiction, dont 90 % à la campagne et 84 % à Paris.
Un des objectifs les plus ambitieux, formulé dans les conclusions d’une étude publiée en 2020 par la revue Science, aspire à réduire de 80 % le volume de plastique produit d’ici 2040. Les experts fournissent même les clés pour y parvenir. En produire moins, en augmenter le taux de recyclage et en améliorer la collecte sont ainsi les principaux atouts à la disposition des acteurs du marché. Une stratégie sur laquelle s’est positionnée Danone qui précise par la voix de son directeur général Eaux France, Antoine Portman que, d’ici à 2025, « tous les formats et marques de notre portefeuille seront concernés et (que) nous n’utiliserons plus de plastique vierge pour nos bouteilles ».
Soit… 15 ans avant l’obligation légale, prévue en 2040 par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, portant notamment sur la fin du plastique à usage unique. Pour respecter cet engagement, Danone a promis un puissant mécanisme financier, fer-de-lance de la transition écologique du groupe. L’entreprise a ainsi annoncé mobiliser 2 milliards de dollars d’investissements dans le cadre de sa transition écologique. Un montant qui devrait couvrir l’ensemble de l’action climatique du groupe et, pour presque la moitié, la recherche et développement de nouvelles solutions d’emballages.
Si les acteurs se mobilisent, c’est parce que l’eau en bouteille a encore son utilité
Car, malgré certaines perspectives, la fin de l’eau en bouteille ne semble pas pour tout de suite. En effet, dans de nombreux pays, elle apparaît comme l’une des stratégies plébiscitées pour pallier le moindre accès à l’eau potable. Les conséquences sont aujourd’hui éprouvées, notamment dans les zones où la croissance démographique, puissante, fragilise encore une situation de stress hydrique déjà préoccupante. Selon les données du World Resources Institute (WRI), 1,7 milliard d’êtres humains subissent d’ores et déjà un accès défaillant à l’eau. Un état de tension aux conséquences transversales, entraînant entre autres insécurité alimentaire, vagues migratoires vers les pays du Nord, mais aussi conflits armés pour le contrôle des cours d’eau. Selon Khaled Igué, économiste béninois, 66 % des pays du continent n’ont pas la capacité de fournir à plus de 75% de leur population une couverture suffisante en services hydriques. Un fléau qui touche particulièrement les zones rurales. 43 % de la population des campagnes n’a pas d’accès à l’eau potable en Afrique subsaharienne.
S’y ajoutent aussi les conséquences sanitaires. Car l’eau, même quand elle est immédiatement accessible, est parfois insalubre quand les pouvoirs publics sont dans l’incapacité de mettre en œuvre des systèmes de traitement et d’assainissement viables à destination de leurs populations. Ainsi, deux millions de décès, selon l’OMS, sont, chaque année, imputés à des maladies diarrhéiques dues à la consommation d’eau insuffisamment assainie. 50 pays déplorent, chaque année, des cas de choléra, maladie pour laquelle l’ingestion d’eau contaminée est un facteur de risque majeur. La schistosomiase, maladie parasitaire liée à la présence de larves libérées par des gastéropodes d’eau douce, touche actuellement 260 millions de personnes, pour environ 180 000 décès annuels, notamment dans les pays les moins avancés.
« En l’absence d’accès à l’eau potable et courante, le recours à l’eau en bouteille s’impose comme une solution transitoire, mais incontournable, principalement dans les aires urbaines » explique Khaled Igué. Il affirme aussi que le continent ne doit pas attendre face « aux efforts colossaux à entreprendre pour atteindre le niveau d’infrastructures attendu ». Un engagement qui repose sur la participation financière des États avec, si besoin, le soutien des bailleurs de fonds internationaux et des acteurs privés.