Le contexte international et national actuel tend à une réduction des émissions de gaz à effet de serre (ci-après « GES »). À ce titre, la France est engagée dans la transition énergétique. Notamment, plusieurs textes ont été adoptés et favorisent le déploiement de nouveaux modes de transport, totalement décarbonés :
- La loi de transition énergétique de 2015[1], qui va permettre à la France de renforcer son indépendance énergétique, de réduire ses émissions de gaz à effets de serre et donne à tous des outils concrets pour accélérer la croissance verte ;
- L’Accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015 à l’issue de la 21e Conférence des Parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il est entré en vigueur le 4 novembre 2016. L’objectif de l’Accord de Paris est de renforcer la réponse globale à la menace du changement climatique, en favorisant la réduction des émissions de GES notamment.
Le trafic routier représentait près de 25 % des émissions de GES en France en 2017[2].
Dans ce contexte, les véhicules électriques peuvent contribuer à atténuer la dépendance des transports routiers à l’égard du pétrole importé, contribuer à réduire la facture énergétique du pays, réduire les émissions de GES, améliorer la qualité de l’air en ville grâce à des émissions nulles à l’échappement et réduire les nuisances sonores[3].
Sur le déploiement des véhicules électriques et autonomes au niveau national
Dans son plan « Nouvelle France Industrielle », publié en septembre 2014[4], le gouvernement a mis en place un plan pour développer la filière de construction des batteries de longue durée et des piles à hydrogène, afin de permettre le stockage électrique et ainsi le déploiement d’une mobilité décarbonée.
En matière de GES les études de l’Ademe montrent que le véhicule 100 % électrique à batterie est la meilleure option pour l’automobile. Y compris en réalisant un calcul sur l’ensemble du cycle de vie, c’est-à-dire de la mine de lithium à l’usine de recyclage.
En effet, dès 2016, dans un avis sur les potentiels du véhicule électrique[5], l’Ademe affirme que le véhicule électrique est particulièrement adapté à de nouvelles offres de services de mobilité et permet d’accélérer la transition vers de nouveaux modes de déplacement et vers une mobilité décarbonée. Elle propose une liste de recommandations :
- Un véhicule électrique doit être utilisé intensément ;
- Le véhicule électrique doit être adapté aux besoins de déplacement ;
- Il est nécessaire de développer une offre de services autour des véhicules électriques ;
- Il est nécessaire d’utiliser le véhicule électrique comme un maillon d’une gestion énergétique plus intelligente.
De plus, l’Ademe et IFP Energies nouvelles ont publié en avril 2018 les résultats d’une « étude économique, énergétique et environnementale pour les technologies du transport routier français » (ci-après « E4T »)[6]. Cette étude analyse les grandes tendances de l’électrification des véhicules, son efficacité et sa capacité à réduire les impacts environnementaux du transport. Dans ce contexte, l’étude conclut que « l’électrification devient une nécessité pour pouvoir répondre aux enjeux climatiques et de santé publique ».
Pour chaque catégorie de véhicules étudiés (véhicules particuliers, véhicules utilitaires, poids lourds et bus), une évaluation sur les impacts environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie (incluant la production de l’énergie nécessaire au véhicule mais également sa fabrication) est produite.
Les résultats de cette étude sont les suivants :
- Pour les véhicules particuliers, mais aussi les utilitaires professionnels, la solution hybride rechargeable possède tous les atouts pour réduire la pollution locale et les émissions de GES. Ces véhicules doivent cependant être utilisés très régulièrement de façon à amortir l’impact de la fabrication de la batterie ;
- Les véhicules électriques utilisés dans les transports en commun sont des solutions efficaces pour réduire la pollution locale et les émissions de GES, d’autant plus si elles sont très utilisées (à l’instar des bus ou des offres servicielles) de façon à amortir l’impact de la fabrication de la batterie par l’usage. Cependant, la tendance actuelle à l‘accroissement de la taille de batteries, pour augmenter l’autonomie des véhicules électriques particuliers, est préjudiciable pour l’impact environnemental de ces véhicules. L’Ademe précise que ce point devra faire l’objet d’une attention particulière à l’avenir.
Enfin, le gouvernement a publié le projet de décret de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui contient douze articles[7]. Ce décret entérinera l’adoption de la programmation pluriannuelle de l’énergie sur la période 2019-2028 (art. 1 du projet de décret). Il fera l’objet d’une consultation publique une fois que les consultations des instances formelles seront terminées[8]. À ce jour, le Conseil National de la Transition Energétique a rendu son avis le 21 février[9], le CESE le 9 avril 2019[10] et le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a rendu son avis sur l’évaluation environnementale de la PPE[11].
L’article 6 du projet de décret décrit les objectifs pour la mobilité propre en précisant le nombre de véhicules électriques, hybrides, particuliers et utilitaires à déployer en 2023 et 2028, ainsi que le nombre de bornes de recharge pour l’électricité, le GPL, le GNV, l’hydrogène et le GNL maritime.
Cet article indique que les objectifs de développement de l’électromobilité sont les suivants :
Echéance | 31 décembre 2023 | 31 décembre 2028 |
Véhicules électriques | 660 000 | 3 000 000 |
Véhicules particuliers hybrides rechargeables | 500 000 | 1 800 000 |
Véhicules utilitaires légers électriques ou hybrides rechargeables | 170 000 | 500 000 |
Véhicules lourds à faibles émissions | 21 000 | 65 000 |
L’objectif de déploiement des infrastructures de recharge pour carburant alternatif est le suivant :
Echéance | 31 décembre 2023 | 31 décembre 2028 |
Electricité | ||
GPL-c | Infrastructure existante suffisante | |
Hydrogène | 100 stations | 400 à 1 000 stations |
GNV | 140 à 360 stations | 330 à 840 stations |
GNL Maritime | Développement dans tous les grands ports |
Le 30 avril 2019, le projet de loi énergie climat a été présenté en Conseil des ministres. La publication de cette loi est un préalable à la publication du décret de PPE puisqu’elle modifie l’article L. 100-4 du Code de l’énergie relatif à la politique énergétique nationale.
C’est dans ce contexte que le déploiement des véhicules électriques amorcé devra se faire en cohérence avec la responsabilité élargie des producteurs, qui sont responsables de la collecte et du traitement des batteries qu’ils mettent sur le marché.
Sur la mise en place d’une filière durable de recyclage des batteries des voitures électriques et autonomes
Le véhicule électrique est un véhicule « propre » mais sa fabrication, notamment la fabrication de la batterie, engendre des émissions de GES et des problématiques de recyclage.
En effet, si les véhicules électriques sont propres, les matériaux qui composent leurs batteries ne le sont pas forcément. Par exemple, les batteries lithium des voitures électriques contiennent des matériaux polluants, ce qui implique de se soucier de leur recyclage.
Le recyclage des batteries des véhicules électriques, obligatoire depuis 2006 en Europe, constitue un enjeu pour les constructeurs comme pour les acteurs de la filière de valorisation des déchets.
En effet, au niveau européen, ce régime a été introduit par la directive du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs[12].
Transposée en droit français par un décret du 22 septembre 2009[13], cette responsabilité est aujourd’hui codifiée aux articles R. 543-124 à R. 543-134 du Code de l’environnement.
Dans un récent rapport du gouvernement[14], le gouvernement a affirmé « soutenir le développement d’une filière européenne industrielle de production de batteries » en indiquant que la réduction du contenu carbone et le recyclage des batteries sont des enjeux importants dans le processus de production des batteries. À cette fin, le gouvernement soutient le projet UEX2, démonstrateur industriel de traitement et valorisation des batteries lithium rechargeables, qui a pour objectif de traiter, recycler, et de valoriser les batteries lithium de véhicules électriques et hybrides.
Sur la base de ce cadre légal et réglementaire de la REP applicable aux batteries des véhicules électriques, certains projets existent déjà et d’autres sont à venir, s’agissant de la constitution d’une filière durable de recyclage des batteries des voitures électriques et autonomes.
En conclusion générale
– Le contexte actuel d’engagement international et national vers la transition énergétique favorise le déploiement d’une mobilité électrique et propre ;
– Le véhicule électrique est adapté à de nouvelles offres de services de mobilité et permet d’accélérer la transition vers de nouveaux modes de déplacement optimisant l’utilisation du véhicule et n’imposant plus sa possession. L’utilisation du numérique, facilitée par la motorisation électrique, ouvre de multiples possibilités d’innovations et de nouveaux services (comme par exemple le véhicule autonome) ;
– En outre, les véhicules électriques peuvent faire plus que de la mobilité. Leurs batteries offrent des capacités de stockage d’énergie utiles pour contribuer à la régulation du réseau électrique et au développement des énergies renouvelables.
– Néanmoins, il conviendra de s’interroger sur leur ultime fin de vie, laquelle pose un réel sujet en termes de capacité de recyclage.
Safine HADRI, Avocate associée, Département Droit de l’environnement et développement durable, Cabinet DS AVOCATS
[1] La loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
[2] https://www.climat.be/fr-be/changements-climatiques/en-belgique/emissions-belges/emissions-par-secteur
[3] Les potentiels du véhicule électrique, Les avis de l’Ademe, Ademe, avril 2016
[4] https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/nouvelle-france-industrielle-sept-2014.pdf
[5] https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avisademe-vehicule-electrique.pdf
[6] https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/projet-e4t-bilan-impact-electrification-2018.pdf
[7] Projet de décret publié le 5 mars 2019 par le Ministère de la transition écologique et solidaire, consultable ici.
[8] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/gouvernement-publie-projet-programmation-pluriannuelle-lenergie-ppe-dans-integralite
[9] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/CNTE%20-%20Avis%202019.pdf
[10] https://www.lecese.fr/travaux-publies/comment-accelerer-la-transition-energetique-avis-sur-la-mise-en-oeuvre-de-la-loi-relative-la-transition-energe-0
[11] Avis de l’autorité environnementale consultable ici.
[12] Directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs abrogeant la directive 91/157/CEE.
[13] Décret n°2009-1139 du 22 septembre 2009
[14] Produire en France les automobiles de demain, Gouvernement, 14 février 2019, pages 20 à 23