Les véhicules autonomes vont changer non seulement le paradigme concernant les usages et la responsabilité, mais on anticipe des changements plus profonds car ces nouvelles technologies vont impacter toutes les relations entre les humains et les véhicules. Il est déjà reconnu que la voiture représente un objet social et que c’est très probable que le véhicule autonome amènera vers des approches d’usage partagé, de fonctionnalité, plutôt que les approches actuelles spécifiques au modèle fordien de propriété.
Modèle économique
Ce nouveau paradigme de création de valeur par l’usage va conduire vers des transformations profondes des modes de production et commercialisation. Ceci fera évoluer le modèle économique des producteurs de voitures d’un modèle de vendeurs vers un modèle de managers de flottes et de solutions de mobilité.
Ce changement de modèle économique peut générer un impact direct sur les offres de mobilité d’un point A à un point B intégrant la diversité des usages et des moyens de transport ainsi que des approches intergénérationnelles et intermodales. Ces offres nouvelles satisferont tous les besoins spécifiques aux diverses générations et mentalités en intégrant tous types de véhicules et déplacements… de la mobilité douce, des trajets à pied, en vélo et jusqu’aux trains et avions…
Mais dans une perspective de Joint European Disruptive Initiative (JEDI), ces changements relèvent d’une approche interconnectée encore plus disruptive et liée aux enjeux de sécurité et souveraineté. Ainsi, les véhicules autonomes seront intégrés dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « smart city » et vont radicalement changer l’écosystème des villes intelligentes ainsi que la façon dont la valeur sera distribuée.
Pour le moment, dans le processus de conception, les industriels sont habitués à ce qu’on appelle Virtual Twin (full 3 D Mockup) pour tout objet industriel conçu et destiné à devenir une voiture, un bus, un avion…
Smart city
On peut s’attendre à ce qu’une solution complémentaire émerge des promoteurs et constructeurs immobiliers sur la base de l’approche BIM – Building Intelligent Model – ou bien des acteurs du secteur de télécommunications qui arrivent à gérer les infrastructures et les flux de Data pour répondre à des défis cruciaux que sont ceux liés au CIM – City Intelligent Model –, modèle fournissant des solutions intégrées 3D Virtual Twin pour une ville entière.
Cependant, dans l’immédiat et avec les moyens d’aujourd’hui, on ne peut pas arriver à de telles performances.
Même si on a des compétences et des outils pour la modélisation intégrale des objets industriels (grâce à des outils d’ingénierie concurrente, comme CATIA, PLM,…) quand on essaie de modéliser l’intégration des objets industriels dans une ville, on va devoir intégrer non seulement un manuel d’instructions et procédures de construction et assemblage de l’objet, par des industriels et les divers fournisseurs avec leur divers composants, mais aussi on va devoir gérer les flux des personnes, des déchets, de l’approvisionnement en énergie mais aussi en solutions sociales, culturelles… sur la base des exemples de cas d’usages et des simulations et anticipations des évolutions des comportements.
Dans le but de comprendre et gérer cette complexité, seules les approches de type réseau neuronal et d’intelligence artificielle symbolique peuvent aider à accomplir de tels défis et ouvrir la voie pour devenir prédictifs afin de capter la diversité des cas d’usages et des comportements.
On doit accomplir ces objectifs ensemble avec les ingénieurs, les informaticiens, les spécialistes des data mais aussi les usagers-citoyens, les influenceurs des réseaux sociaux, les sociologues, les politiciens, les anthropologues… Sinon, on risque de payer le prix de laisser la définition des « cas d’usage » seulement aux plateformes comme Uber, qui grâce à l’IA Connectique captent l’intérêt des utilisateurs et arrivent à extraire ces « cas d’usage » basés sur nos expériences au jour le jour à travers des usages faits par nous-même sur ces plateformes.
La seule façon de co-créer et capturer la valeur partagée, et ne pas la laisser au processus « d’uberisation de l’économie » est de devenir prédictifs en termes d’évolutions des usages et des comportements, ce qui peut être le type même de challenge JEDI « MoonShot like ».
Florin Paun, consultant, Joint European Disruptive Initiative (JEDI)