Mon témoignage parmi vous sera autour des solutions gaz en matière mobilité : ce que nous observons aujourd’hui sur le marché de la mobilité gaz et évoquer quelques perspectives.
Marché actuel de la mobilité gaz
Nous y observons deux faits saillants : (1) une croissance linéaire et assez constante des usages traditionnels (bus ou bennes à ordures), et (2) une croissance exponentielle (certes partant d’un niveau réduit) des usages dans le secteur des poids lourds.
Dans les deux cas, ces croissances se font au détriment de solutions diesel et leur « moteur » est bien une prise de conscience des enjeux par différents acteurs de la logistique même si cela n’éteint pas le débat sur le rythme ou l’ampleur de ce qui pourrait être fait. J’y viendrai par la suite.
Alors, que viennent chercher ces acteurs professionnels de la mobilité quand ils font appel aux solutions gaz ?
Avant tout, des solutions qui peuvent répondre immédiatement à des questions environnementales qui se posent à eux. Que ces questions aient un fondement réglementaire ou qu’elles relèvent de choix stratégiques.
Mais si cette dimension environnementale est l’élément déclencheur du changement, ces acteurs du monde logistique ont aussi le souci et la nécessité vitale de conserver des performances économiques et opérationnelles.
Et c’est bien cette combinaison : atout environnemental + performances économiques et opérationnelles qui permet aujourd’hui le « passage à l’acte » et qui explique cet essor de la mobilité gaz.
Et nous en sommes convaincus, c’est cette même combinaison qui dans la durée, et ce quelle que soit la filière envisagée, est requise pour garantir le déploiement à grande échelle de solutions.
Concrètement pour le transport routier de marchandises, cela repose :
i. à la base, sur une impulsion forte de clients qui sont souvent des chargeurs de la grande distribution (Carrefour, Casino, Auchan, Intermarché, Ikea…). Et bien souvent ils n’hésitent pas à afficher sur leurs véhicules leur choix de motorisation au gaz, un atout qu’ils entendent valoriser. La demande se développe donc de manière sensible.
ii. Et puis, il y a une offre constructeurs qui se développe, plus intensément chez certains constructeurs comme Iveco, Scania, Volvo ou Renault Trucks. Elle procure une performance opérationnelle et économique équivalente à celle du diesel, tout en augmentant très sensiblement la performance environnementale :
- la performance opérationnelle c’est avant tout une autonomie et une puissance embarquée qui peut être délivrée à tout instant. Mais également des faibles temps de remplissage ;
- la performance économique ce sont des TCO en GNV équivalent voire inférieurs au diesel ;
- et enfin, cette amélioration de performance environnementale se matérialise sur le plan climatique par une réduction des émissions de CO2 (qui atteint 85 % avec le BioGNV) et sur le plan de la qualité de l’air, grâce à de faibles émissions de polluants (dioxyde d’azote et particules). Le projet de PPE identifie le GNV comme « l’alternative la plus robuste au diesel pour les véhicules lourds »
iii. La 3e condition, ce sont les stations d’avitaillement. Des investisseurs essentiellement privés, comme Total, Avia, Primagaz, Engie, Air Liquide, Endesa ou Naturgy ont des plans de déploiement ambitieux de stations. Le rythme d’ouverture de stations d’avitaillement s’accélère chaque année. De 50 stations en 2016, la France devrait en compter environ 250 en 2020.
Les clés du succès sont similaires pour les bus et bennes à ordures : une réponse immédiatement disponible à des questions environnementales et de bonnes performances économiques et commerciales, notamment pour des usages où puissance, autonomie et fiabilité sont des enjeux clés. Une différence, ce sont les donneurs d’ordre qui sont majoritairement des acteurs publics ou privés exerçant des missions de service public (collecte des déchets ménagers ou transports publics).
Un cas concret : la RATP modernise sa flotte de bus et elle a recours aux solutions électriques mais aussi aux solutions gaz qu’elle a décidé de passer de 20 % (la cible initiale) à 36 %.
Perspectives
À terme, l’enjeu c’est évidemment d’inscrire cette mobilité dans la stratégie nationale bas carbone. Et l’utilisation des gaz renouvelables pour réduire l’empreinte carbone dans les transports est un excellent vecteur.
Le développement rapide des capacités de production de biométhane permet et permettra d’incorporer une part croissante de gaz renouvelable dans le mix GNV : 9 % en 2018 et à trois à cinq ans on a l’équivalent de 14 TWh réservés dans le registre de gestion des capacités d’injection, soit plus que l’objectif PPE de biométhane injecté projeté pour l’année 2023 (8 TWh). C’est une des raisons qui justifie la mobilisation des différentes filières concernées ainsi que de nombre de territoires.
À l’horizon 2050, l’ADEME estime possible de basculer vers un mix gazier 100 % renouvelable, grâce aux procédés (i) de méthanisation (le biométhane), (ii) de gazéification (une technologie qui permet d’avoir accès à d’autres effluents comme les déchets) et (iii) de méthanation (qui active les passerelles entre électricité verte, hydrogène et méthane).
Dans ce contexte, l’atout de la solution gaz dans la mobilité individuelle, en complémentarité bien sûr avec les solutions électriques, mérite d’être relevé. Pourquoi tout miser sur l’électrique alors qu’une vision basée sur la complémentarité et exploitant les atouts et la souplesse du BioGNV, pourrait utilement et économiquement compléter l’offre électrique sur certains segments et territoires ? Nos pays voisins, comme l’Italie ou l’Allemagne, affichent ainsi des ambitions sensiblement supérieures.
On le sait, on le voit, ces sujets sont complexes. Ils ne peuvent être évalués et les orientations ne peuvent être prises à l’aune de critères trop réducteurs. À ce titre, la seule émission de CO2 à l’échappement (qui aujourd’hui sert de guide à la réglementation européenne) est clairement un critère trop restrictif (à titre d’illustration, il ne valorise pas les atouts des carburants renouvelables tels que le biométhane qui, selon cette approche, émet autant de CO2 que son équivalent fossile). D’évidence :
- sur le plan environnemental : ce sont les critères en Analyses Cycle de Vie (ACV) qui sont à privilégier. Le principe est inscrit dans les règlements européens mais pour les horizons de moyen terme. C’est une orientation essentielle ;
- et, si on y ajoute une dimension économique, l’objectif, c’est d’orienter les choix publics sur les bonnes dépenses avec par exemple des critères qui optimisent l’euro dépensé par tonne de CO2 évitée. Les calculs ont certes une dose de complexité. Mais il y a aujourd’hui des organismes qui sont capables de les mener. Ces calculs sont d’évidence utiles, surtout s’il s’avère que les « bons » choix pour la collectivité ne correspondent pas à l’idée ou l’envie spontanée.
Pierre Duvieusart, Directeur Général Adjoint de GRTgaz