En février dernier, « l’Arche de Noé végétale », en plein cœur de l’Arctique, a reçu 60 000 échantillons de graines venues des quatre coins du monde. Cette chambre forte enfouie à une centaine de mètres de profondeur dans une montagne de l’archipel de Svalbard, en Norvège, a été conçue pour entreposer des semences du monde entier. La structure, gérée par Crop Trust, organisation internationale fondée sous l’égide de l’ONU, a pour ambition de préserver un maximum d’espèces végétales face aux périls qui menacent la planète.
Sauver la biodiversité, une nécessité de plus en plus tangible
Les nouveaux échantillons acheminés vers le Svalbard constituent le plus gros dépôt effectué depuis la création de la réserve. Pour Stefan Schmitz, directeur de la fondation Crop Trust, l’ampleur de cette livraison montre un « engagement mondial croissant » pour la conservation de la biodiversité : « A mesure que le rythme du changement climatique et que la perte de la biodiversité augmentent émerge une nouvelle urgence dans les efforts pour sauver les cultures vivrières menacées d’extinction », a-t-il déclaré dans un communiqué. De fait, 75 % de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdue en un siècle, estime l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Le « Grenier du monde » compte désormais 1 050 000 variétés de cultures de 5 000 espèces. Cela représente les deux cinquièmes de toutes les variétés estimées dans le monde. Des graines de cultures courantes (riz, blé, maÏs) et des variétés sauvages plus rares sont conservées dans ces alcôves souterraines où la température n’excède jamais -18°C, pour mieux assurer la conservation des semences. Le dernier arrivage contenait par exemple des graines de haricots et de courges appartenant à la nation amérindienne Cherokee ou encore de primevères et d’orchidées cultivées près de Highgrove, la résidence de campagne du Prince Charles.
Guerre et réchauffement climatique, des menaces avérées
La réserve, créée pour sauvegarder la biodiversité en cas de catastrophe naturelle, de guerre, ou encore face à la menace du changement climatique, a déjà fait la preuve de son utilité en 2015 pendant le conflit syrien : les graines de blé, de lentilles ou de pois chiches ayant disparu lors de la destruction de la banque de semences de la ville d’Alep, les chercheurs ont pu les récupérer en faisant appel au Svalbard.
L’Arche végétale a elle-même déjà été victime des aléas du climat en octobre 2016. De fortes pluies et la fonte du sol gelé — victime de la hausse des températures cette année-là — avaient provoqué des infiltrations d’eau. D’importants travaux ont été réalisés depuis pour assurer l’étanchéité du bunker et mettre au point des système de protection plus performants. La fondation Crop Trust affirme qu’aujourd’hui la chambre forte peut faire face aux pires scénarios en ce qui concerne la hausse des température et l’élévation du niveau de la mer.