La taxe carbone, bénéfique pour la planète et sans conséquence pour les emplois industriels ? Une étude de l’OCDE publiée le 4 février explique que l’augmentation du coût de l’énergie dans les entreprises a permis de réduire la pollution sans nuire à l’emploi.
La démonstration de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) est probante : en analysant les données de 8000 entreprises françaises entre 2001 et 2016, les économistes constatent que pour une entreprise moyenne, l’augmentation de 10% du prix de l’énergie entraîne une baisse de la consommation et donc une diminution des gaz à effet de serre de 9%. Selon Damien Dussaux, auteur de cette étude inédite sur le sujet, la taxe carbone est « efficace pour réduire la consommation d’énergies fossiles » : entre 2014 et 2018, elle a permis de réduire de 5% les émissions de gaz à effet de serre.
Les chercheurs indiquent que si la taxe carbone était doublée, comme cela était initialement prévu pour 2020, les émissions de gaz à effet de serre diminueraient encore deux fois plus, permettant alors d’atteindre les objectifs du budget carbone fixé pour 2023. Pour autant, ce scénario risque de ne pas se produire puisque le gouvernement a suspendu cette hausse fin 2018 pour répondre à la colère des « gilets jaunes », apparue notamment en réaction au prix du carburant.
Une taxe qui préserve la planète sans détruire les emplois
En outre, l’étude montre que la taxe carbone ne nuit pas à la compétitivité des entreprises et aux emplois des salariés. La transition verte entraîne certes des licenciements, mais « au niveau de l’industrie dans son ensemble, l’effet […] est nul en raison du redéploiement de salariés entre entreprises », explique M. Dussaux. En bref, les emplois sont transférés vers des compagnies moins énergivores. Cependant, l’OCDE précise que « le secteur vert demande des compétences plus élevées », et elle préconise des politiques de formation professionnelle et d’allocations qui pourront soutenir les travailleurs licenciés et atténuer les effets de ces ajustements d’effectifs.
L’étude remet aussi en question l’impopularité de la taxe carbone, qui ralentit sa mise en place en France. En effet, lorsque les sommes perçues sont réinvesties dans des politiques qui profitent aux contribuables, comme en Colombie-Britannique (Canada), la taxe est bien accueillie. Elle peut même relancer le marché de l’emploi en poussant les gens à « consommer dans d’autres secteurs » moins gourmands en énergie.
La crainte des « fuites de carbone »
Mais les économistes craignent surtout un possible effet pervers de la fiscalité verte : si les entreprises françaises choisissent de délocaliser pour permettre à la France de respecter ses engagements, les émissions de CO2 seront seulement déplacées à un autre endroit de la planète, ce qui n’a aucun intérêt pour l’environnement. L’OCDE fait savoir que les données sur ces « fuites de carbone » sont encore insuffisantes et feront l’objet d’une prochaine étude afin de mieux évaluer l’efficacité de ces mesures de fiscalité environnementale.