En associant énergie – temps – espace, nous avons voulu approfondir les interactions entre l’énergie et le développement durable. Le développement durable, soutenable (comme disent les anglo saxons), permet une lecture de notre société sous le triple angle de l’environnement, de l’économie et des conséquences sociales. Mais, l’angle du développement durable est surtout un positionnement au-delà des contingences du court, voire moyen, terme, pour se poser la question des conséquences des choix pour la fin du siècle, les « générations futures », et pour l’ensemble des populations de la planète. Cette approche est particulièrement pertinente, indispensable, lorsque l’on parle d’énergie. On travaille effectivement sur des systèmes dont le cycle de vie dépasse les dizaines d’années voire le siècle. On parle aussi de systèmes dont les interactions, tant au niveau technologique (les réseaux), qu’environnementales (les ressources, les conséquences des accidents), ou géopolitiques (politiques de développement versus politique énergétique isolationniste) engagent les pays de façon bi- et souvent multilatéral.
Pour revenir plus concrètement aux trois piliers du développement durable, à l’aulne desquels les choix énergétiques doivent être soupesés :
Énergie et environnement : La question de l’impact environnemental se pose sur les trois strates de notre biotope : l’air, le sol et le sous-sol, c’est-à-dire, en termes écologiques : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la qualité de l’air, la qualité et la disponibilité de l’eau, la bonne utilisation des sols et la saine utilisation des ressources minières. En ce qui concerne l’énergie, le premier terme est au centre des préoccupations, mais la production d’énergie impacte tous les autres aspects. Toutes les technologies doivent travailler sur le devenir de leurs déchets et la limitation de leur emprise au sol.
Énergie et économie : L’accès à une énergie de puissance à un coût raisonnable est une condition essentielle du maintien voire du redéveloppement de l’industrie en France. Mais l’énergie est aussi un secteur industriel, pourvoyeur d’emplois. Un système énergétique doit se poser la question des emplois qu’il crée, de leur localisation et du niveau de qualification associé, afin que ces emplois soient porteurs de richesse économique pour le pays. N’oublions pas également que les usines de production d’électricité (en particulier centrales nucléaires) maillent le territoire national, apportant développement économique mais aussi social et culturel.
Énergie et société : Pour le citoyen, si le signal coût sur le prix de l’électricité n’avait pas été jusqu’à présent très significatif en France ; on voit qu’il l’a été en Allemagne où l’augmentation du coût de l’électricité a été un moteur de la réduction de consommation des ménages. Il est maintenant très présent en France, en particulier dans le domaine de la mobilité. Pour accorder énergie et développement durable, il est important d’anticiper le risque de fractures territoriales avec une coordination réelle entre l’action de l’État et celles des territoires.
Dans une vision de développement durable, l’équilibre entre les ENR et le nucléaire doit être instruit sur tous ces aspects : environnement, économie et société, avec une vision réaliste de la situation actuelle de la France : l’énergie nucléaire apporte une électricité décarbonée, une sécurité d’approvisionnement, la compétitivité et l’indépendance énergétique du pays, mais également renforce la place du pays sur la scène internationale.
Françoise Touboul, Directrice du développement durable, CEA