Le gaz, naturel aujourd’hui, renouvelable demain, a toute sa place dans un mix énergétique neutre en carbone.
L’Europe ne s’y trompe pas, et développe progressivement une vision du mix énergétique basée sur la complémentarité des énergies. Au cours des années passées, l’objectif énergétique premier de l’Europe portait principalement sur le renforcement des interconnexions et sur la création d’un marché unique. Ce travail étant en passe d’être achevé, une nouvelle phase doit désormais s’ouvrir, celle de la 3e révolution du gaz dans la perspective de la neutralité carbone en 2050.
Il est désormais établi au niveau de la Commission Européenne que le tout électrique ne permettra pas d’atteindre la neutralité carbone dans les meilleures conditions technico-économiques et qu’une place importante sera occupée par les gaz renouvelables et bas carbone, qui viendront progressivement se substituer au gaz naturel. Différentes études ont contribué à éclairer le rôle des gaz renouvelables et des infrastructures gazières dans la perspective de la neutralité carbone. Pour ne citer que la dernière, réalisée par Naviguant sur différentes technologies de production, le potentiel des gaz renouvelables est estimé à près de 280 milliards de m3 (près de 3 000 TWh), soit un gisement d’économies de 217 milliards d’euros pour le mix énergétique européen par rapport à une situation tout électrique. La place des gaz renouvelables et de l’hydrogène est confirmée par la vision de la Commission formulée dans sa « Stratégie pour une Europe Neutre en Carbone en 2050 », publiée le 28 novembre 2018.
Le 4e paquet gaz européen en préparation doit donner la priorité à la transition énergétique.
La Commission européenne a d’ores et déjà annoncé que le futur rôle du gaz et l’intégration des gaz renouvelables et bas carbone y seront promus. Cela signifie réorienter les priorités vers le soutien au développement du biométhane, du méthane de synthèse (Power to Gas) ou de l’hydrogène, et à la convergence accrue des marchés de l’électricité et du gaz (« sector coupling[1] »). C’est en effet la complémentarité entre les secteurs de l’électricité et du gaz qui permettra de réussir le challenge de la neutralité carbone dans les meilleures conditions de coût et de sécurité. Afin de soutenir le développement de technologies émergentes comme le Power to Gas ou la pyrogazéification, les gestionnaires de réseaux de transport européens devront être encouragés à innover, à développer la R&D, à réaliser des pilotes, voire à investir directement dans ces projets utiles tant à la sécurité d’approvisionnement qu’aux objectifs climatiques.
Bien entendu, les nouveaux responsables européens auront une influence sur les futures priorités de la Commission avec en toile de fond sa stratégie long terme de réduction des gaz à effets de serre. Il n’en demeure pas moins que le succès de la transition énergétique passera par un développement accéléré de la production et de l’injection de gaz renouvelables et bas carbone.
De son côté, la France dispose d’un potentiel unique de production de gaz renouvelables. Une étude de l’Ademe publiée en janvier 2018 confirme en effet que notre pays pourrait couvrir 100 % de ses besoins de consommation de gaz avec du gaz renouvelable à l’horizon 2050. Pourtant, le projet de Programmation Pluri-Annuelle de l’Énergie (PPE) comprend des dispositions moins ambitieuses que l’objectif de 10 % de gaz d’origine renouvelable dans la consommation de gaz en 2030 fixé par la loi de transition énergétique de 2015 ; ces perspectives sont de nature à remettre en question l’essor de la filière biométhane en France. Une réelle dynamique en matière de production de biométhane peut être observée puisque le volume des projets inscrits au registre des capacités dépasse les 8 TWh en 2023, l’objectif prévu par la PPE de 2016.
Cette vision restrictive du projet de PPE n’intègre pas les bénéfices induits de cette filière. Le développement de la méthanisation s’inscrit notamment dans l’économie circulaire, agricole et locale : valorisation des déchets, contribution à la résilience du tissu agricole et agroalimentaire, retour au sol du digestat comme matière alimentaire fertilisante naturelle, création d’activités et d’emplois locaux… Le biométhane participe à l’indépendance énergétique du pays avec la production durable d’une énergie renouvelable stockable dans les réseaux et produite à proximité des zones de consommation. Le développement de cette filière doit être encouragé, au regard de sa capacité de décarbonation des usages mobilité et chauffage et de création de valeur pour les territoires. Toute comparaison avec le coût d’autres énergies renouvelables devrait tenir compte de ces bénéfices pour la société.
Le biométhane fait partie des énergies renouvelables dont les Français pensent qu’il faut accélérer le développement comme ils ont pu l’exprimer lors du débat public organisé en juin 2018 piloté par la CNDP. C’est une énergie souhaitée également par les agriculteurs et soutenue par plusieurs associations agricoles dont la FNSEA, l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) et les Jeunes agriculteurs. C’est également une énergie recommandée par des ONG environnementales pour qui elle constitue un levier de décarbonation et d’économie circulaire efficace. C’est enfin une énergie souhaitée par les territoires qui voient en elle un moyen de redynamiser leur économie locale, comme en attestent les ambitions formulées par de nombreux Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET).
Il est encore temps pour la France de revoir son ambition et de montrer la voie d’un mix énergétique décarboné compétitif, sûr et durable, qui ferait une place substantielle aux gaz renouvelables pour relever ces défis.
Catherine Brun, Secrétaire Générale, Responsable Domaine Stratégie Affaires Publiques et Territoires, GRTgaz
[1] Concernant le sector coupling, il conviendra de veiller au renforcement de la cohérence des développements d’infrastructures électriques et gazières, et à la mise en place d’un système européen de certification qui permette de transformer de l’électricité renouvelable en gaz renouvelable, et inversement.