Le Mal de pierres, le dernier film de Nicole Garcia, qui a pour interprète principale Marion Cotillard, m’a posé problème. Je l’ai vu deux fois et, à chaque vision, j’ai compris quelque chose de différent. Que penser en effet de cette jeune Gabrielle, l’héroïne du film, qui, vers 1950, vit dans la campagne provençale, dans une ferme où des journaliers espagnols récoltent la lavande… et, le soir, se met nue à sa fenêtre, allumant les désirs de ces hommes dans la force de l’âge ? Cette Gabrielle qui essaie de coincer son jeune professeur de lettres qui lui a prêté un roman – Les Hauts de Hurlevent –, qui confond réalité et fiction et lui écrit un billet enflammé : « Vous connaîtrez avec moi la chose principale, vous entrerez en moi. » ? En effet, du début à la fin du film, « la chose principale » pour Gabrielle est le désir d’être pénétrée par un homme. Est-elle érotomane ? Sa mère, personnage tout d’une pièce, menace de l’interner si elle n’épouse pas le journalier espagnol qu’elle lui destine. Elle se marie mais refuse cet homme. Voilà qu’elle a « le mal de pierres », des calculs rénaux, et va faire une cure dans un établissement thermal où elle tombe amoureuse d’un lieutenant de l’armée française qui revient d’Indochine et souffre d’urémie.
C’est à partir de là que les problèmes se posent pour moi quant à l’interprétation. S’invente-t-elle une merveilleuse histoire d’amour ? Connaît-elle le beau lieutenant seulement quelques jours, avant qu’il ne parte pour Lyon où on va l’opérer ? Pour ma part, je crois que Gabrielle fantasme le retour du lieutenant mais rien dans la façon de filmer ne permet de distinguer les deux interprétations. Le fantasme et la réalité sont tournés avec le même style, le même réalisme ; or je crois que le propre des fantasmes, c’est d’être intemporels et complètement irréalistes. Quelque chose dans la mise en scène aurait dû nous faire comprendre que Gabrielle vit en rêve cette histoire d’amour ; si j’opte pour cette version, c’est en fonction de ce qui se passe après : son mari, en visite à l’établissement thermal, a parlé au lieutenant qui lui dit être à bout de course. Il comprend la méprise de sa femme, ne lui en dit rien, comprenant que cela lui serait fatal. Est-elle guérie à la fin du film, lorsqu’elle va visiter avec son mari le village espagnol où il est né ?
Comme je l’ai dit, le film a posé problème pour moi. Demandons-nous aussi si le désir sexuel qui est le moteur de Gabrielle suffit à nous la faire aimer et à la rendre intéressante.
Les meilleurs morceaux du film sont les scènes tournées à la campagne, la récolte de la lavande, les repas au bord de la mer. Mais je n’ai guère cru pour ma part à toute la partie qui se déroule dans l’établissement thermal.
Pour Nicole Garcia, Marion Cotillard est l’incarnation du mystère féminin. Parfois on se demande si ce mystère ne couvre pas un grand vide.
Michelle Mayer