L’explosion des énergies renouvelables intermittentes en Europe crée des défis majeurs pour l’ensemble du réseau électrique. En effet, dans la mesure où le solaire et l’éolien sont des sources d’électricité intermittente, la courbe de charge permettant d’assurer l’équilibre en temps réel entre la production et la demande devient difficile à maîtriser. Le réseau de distribution s’en trouve perturbé : par exemple, dans certaines régions en Allemagne, l’énergie produite en pointe par les renouvelables peut représenter le double de la capacité du réseau existant. Il s’ensuit pendant des périodes aléatoires une déstabilisation du réseau conduisant à des prix négatifs, signe d’un dysfonctionnement majeur du système électrique.
La sécurité d’approvisionnement implique de mobiliser des capacités de production souples capables de fournir l’énergie pendant les périodes peu prévisibles où les énergies intermittentes ne produisent pas d’électricité. Le gaz représente une solution idéale tant au plan énergétique qu’environnemental. Cependant, l’effondrement des prix sur le marché européen a conduit les producteurs d’électricité à fermer ou mettre en sommeil 70 GW de capacité qui ne sont plus économiques et dont certaines sont très récentes. Il est aussi possible d’augmenter la flexibilité des autres sources classiques de production d’électricité (nucléaire, hydraulique au fil de l’eau) : mais on atteint rapidement les limites techniques et cela a un coût.
Le développement de technologies de stockage est présenté par certains comme la panacée qui résoudra tous les problèmes. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Les STEP (Stations de transfert d’énergie par pompage) représentent une solution mature, économique et d’ores et déjà largement développée. Mais il n’existe plus guère de sites disponibles en Europe pour déployer cette technologie. D’autres solutions sont mises en avant, telles que les volants d’inertie, les batteries, l’air comprimé voire l’hydrogène ou le méthane de synthèse. Il n’y a pas de solution miracle. Chaque technologie a ses caractéristiques et ses limites. Stocke-t-on de l’énergie ou de la puissance ? Stocke-t-on sur quelques heures ou quelques semaines ? Quel est le rythme de stockage et de déstockage ? Quels sont les coûts et les bénéfices ? Les performances de ces technologies sont très différentes en fonction des besoins. De plus, nombre de ces technologies ne sont pas matures et nécessitent des travaux de R/D avant de pouvoir être déployées à large échelle.
Enfin, il faut mettre en place un business model qui permette de déployer ces technologies. En effet les entreprises doivent disposer d’un cadre économique et réglementaire attractif et stable qui leur permettra d’investir dans ces technologies. Sur ce plan, la tarification des réseaux représente un enjeu majeur. Le stockage d’électricité est-il un service proposé par les acteurs sur le marché concurrentiel, ou bien est-ce partie prenante des infrastructures de transport/distribution ? Dans le premier cas, le marché fixera un prix du service de stockage. Dans le second cas, le coût de l’infrastructure de stockage doit être intégré dans les tarifs. A ce jour, cette question de principe n’est pas tranchée. La réponse à cette question permettra aux entreprises de construire un business model et d’investir dans ces technologies.
Olivier Appert*
*Président du Conseil français de l’Energie