Voici le point de vue du distributeur qui n’est qu’un élément de la chaîne, un petit élément de la chaîne. Il y a le producteur, le transporteur, le distributeur, on fait partie de cette chaîne-là. Ce que l’on observe dans le monde, ce n’est pas un problème simplement français, c’est un déplacement de la valeur vers l’aval, ce qui fait que le distributeur va jouer un rôle de plus en plus important.
Qu’est-ce qu’on peut dire par rapport à cela, du seul point de vue du distributeur ? Il y a des orientations dans la loi de transition, et ces orientations ont un objectif qui est commun, qui est partagé, par l’ensemble des acteurs. C’est réussir une transition vers plus d’indépendance énergétique, plus de compétitivité, c’est extrêmement important. J’aime bien le terme des Anglais, même s’ils viennent de nous quitter, ils appellent ça affordability, c’est-à-dire que le client peut se le (courant) payer, on oublie toujours cette question, et c’est vraiment important, qu’en permanence en tant qu’acteur, on se pose la question de savoir comment on optimise l’ensemble de façon à réduire les coûts. En dernier, évidemment, c’est le renforcement de la lutte contre le changement climatique. Les trois grandes dimensions d’une politique énergétique, c’est cela, et c’est cela qu’on cherche à atteindre.
Parmi les transformations qui doivent être conduites, il faut développer trois points : l’efficacité énergétique, les nouveaux usages en se centrant sur le véhicule électrique, sachant qu’il y en a plein, et l’intégration des énergies renouvelables en couvrant l’aspect autoproduction, et un autre point qui n’a pas encore été développé, qui est la valorisation des gisements énergétiques locaux.
Sur l’efficacité énergétique, la loi prévoit 500 000 rénovations par an, on n’est pas dans le petit, on est dans le gros enjeu, c’est au-delà du neuf, c’est l’existant. Qu’est-ce qu’on peut dire par rapport à cela ? Le point de vue du distributeur d’abord, c’est qu’il n’est pas producteur, donc ce n’est pas lui, au travers de ses prix et de sa manière de fonctionner, de gérer le signal de différenciation des prix du mix, y compris le fait qu’il y a des moments où il y a des centrales qui sont plus émettrices de CO2 que d’autres, ce n’est pas le sujet. Il n’y a qu’un seul point où il faut intégrer effectivement la partie « impact de la production sur le distributeur », c’est les pertes. Puisque vous savez qu’en France, le producteur achète des pertes, donc dire aux gens s’il y a des pertes à un moment où il y a des centrales émettrices de production, ça va faire plus de CO2 émis, c’est une bonne idée de le dire. D’ailleurs on avait proposé à la CRE de travailler sur un prix notionnel du CO2, de façon à retracer de façon anticipatrice l’évolution espérée du prix du CO2.
Par contre, on a un rôle assez important en termes d’efficacité énergétique, d’abord à travers le déploiement du compteur (intelligent) Linky, qui n’est pas un objet technique, mais un outil de communication, un moyen d’information du client, il faut bien se sortir de l’image ancienne du compteur. À travers l’espace client ce qui va se passer, c’est qu’on va permettre au consommateur de comprendre sa consommation, au sens où on peut s’abonner pour connaître ses consommations, et donc pouvoir les analyser après. C’est le premier élément pour le consommateur. Une fois qu’on les a comprises, on peut donner accès à un prestataire pour qu’il vous fasse des offres de service, et ce prestataire peut utiliser les informations que vous avez collectées. Je prends toujours le même exemple, mais il est assez parlant : beaucoup de gens se sont posés la question de faire de l’isolation chez eux, souvent ils font ça de façon fiscale, c’est-à-dire : « On va regarder ce qui diminue mes impôts. ». Je ne suis pas sûr que ce soit nécessairement très efficace du point de vue de la rénovation. Là, on va pouvoir regarder les consommations, et dire à un prestataire : « Regardez et dites-moi de combien ça va baisser », et ensuite, et c’est intéressant, vérifier, puisqu’on peut aussi contrôler a posteriori. On ouvre tout un champ à la rénovation efficace. Avec le déploiement de Linky, les consommateurs vont pouvoir devenir réellement acteurs de prise de décisions lourdes et importantes.
Une fois qu’on a dit ça, quelles solutions mettre en œuvre ? Justement sur cette base, ce qui est intéressant, c’est de mettre en œuvre des solutions qui réduisent les appels de puissance globaux, parce que c’est en réduisant d’abord les appels de puissance de l’installation, qu’on réduit la consommation globale. Sachant que dans un deuxième temps, et c’est tout aussi important, il faut mettre en place probablement des automatismes. Parce que tous les pays qui travaillent sur le sujet se rendent compte que le consommateur « se fatigue » dans la durée ; un jour, il dit « je vais gérer, mais il faut qu’il gère dans la durée », donc il faut qu’il y ait des signaux de prix avec des asservissements qui fassent que, in fine, l’ensemble de la consommation soit optimisée.
Donc les deux messages : c’est à la fois le dimensionnement et aussi la partie gestion de la consommation. Là encore, c’est bien un message équilibré entre travaillons sur la puissance, travaillons sur l’énergie.
Pour le véhicule électrique, quelques ordres de grandeur. Il y a trois types de charges pour la recharge d’un véhicule électrique. Ce qu’on appelle la recharge normale, la charge accélérée, la charge rapide. Plutôt que donner des puissances, je vais vous parler d’équivalent :
– une charge normale, c’est l’équivalent d’un chauffe-eau. Quand vous achetez une voiture électrique et que vous la rechargez chez vous de façon lente pendant la nuit, c’est-à-dire en 8 heures, c’est comme si vous aviez un autre chauffe-eau chez vous ;
– si vous êtes en recharge accélérée, on change très vite de dimension, c’est un petit collectif de 7 à 8 logements, avec la même voiture, non seulement vous êtes passé du petit chauffe-eau, mais vous avez acheté un immeuble. En termes d’impact réseau, ce n’est pas totalement neutre ;
– et supposons que vous soyez un adepte de la recharge rapide, comme les grands propriétaires de voitures luxueuses, dans ces cas-là, vous avez acheté l’immeuble, un gros immeuble, dans un beau quartier, vous en avez certainement les moyens parce que vous avez acheté la voiture. Cela dit, en termes de réseau, ça a un impact encore plus important.
Qu’est-ce que ça veut dire finalement le véhicule électrique ? Ça ne veut pas dire, ne prenons pas de véhicules électriques. Parce que si on regarde le mix français aujourd’hui, une voiture électrique, c’est 12 grammes de CO2 au kilomètre, une voiture standard, c’est au minimum 120 grammes de CO2 au kilomètre. Vous voyez qu’en achetant un véhicule électrique, vous décarbonez le transport d’une certaine manière, mais c’est aussi important en termes d’impact.
L’énergie d’après nos simulations, ce n’est pas colossal parce que le véhicule électrique ne consomme pas beaucoup d’énergie. On pense qu’à l’horizon 2020 on va avoir 0,5 % de consommation en plus, ce qui n’est pas colossal, en incluant les bus, y compris ceux de Paris. Par contre, en puissance, ça peut être beaucoup plus significatif. Par exemple, en prenant une hypothèse de 350 000 véhicules, dont 60 % se chargeraient simultanément à 80 % de recharge normale, donc on n’est pas tout en recharge rapide, 15 % en recharge accélérée, 5 % en recharge rapide, on arrive à plus d’1,5-1,7 gigawatt. Quand on sait que la puissance totale, appelée à la pointe du système aujourd’hui, c’est 102 gigawatts, on est beaucoup plus important.
Ce qui me permet de revenir sur la question énergie/puissance. Dans le débat sur la loi de transition énergétique, il y a eu beaucoup de scénarios en énergie, très peu de scénarios en puissance. Or si vous regardez les années passées, le taux de croissance, les dix ans passés avant les deux dernières années de crise, la dynamique de la puissance était deux fois plus importante que la dynamique de la demande en énergie. Nos simulations nous disent, non pas que ça va croître et embellir, mais que c’est un phénomène qui ne va pas s’arrêter instantanément, et donc il faut se préoccuper de la question, et simplement ne pas l’oublier.
Qu’est-ce qu’il faut faire par rapport aux véhicules électriques ?
D’abord positionner les bornes, là où le réseau est suffisamment solide. Je vous ai expliqué qu’il y avait des impacts, donc il faut qu’ils soient suffisamment solides, parce que si on le met à des endroits où il n’est pas solide, il faudra investir et globalement ça va coûter cher.
Ensuite, choisir son type de recharge de façon intelligente, loin de nous l’idée de penser que tout être en recharge rapide, ça implique un travail de fond avec l’ensemble des acteurs, y compris les consommateurs sur qu’est-ce que c’est qu’un véhicule électrique, et quel est le modèle sur lequel on travaille ? Je prends toujours le même exemple : il y avait une très bonne publicité de Renault à Orly pour vendre la Zoé et la publicité était : « Avec la Renault Zoé, vous ne ferez plus ça », et le « ça » c’était passer à la pompe. Parce qu’avec une voiture électrique, il faut sortir du modèle, on passe à la pompe. Ça va être un modèle où on va faire des recherches peu importantes, mais, régulières. Il y a tout un travail sur l’intégration du véhicule dans le système qui est à organiser. ENEDIS y participe, les constructeurs automobiles y participent, on essaye d’y travailler avec les consommateurs. Il y a vraiment un sujet très intéressant.
Le dernier point concerne le mode de gestion des recharges. Si vous branchez votre voiture, ça peut consommer beaucoup. Typiquement, vous achetez une voiture, vous rentrez chez vous le soir, évidemment vous allez la mettre en charge tout de suite puisque vous n’allez pas retourner au garage la recharger. Si on laisse ça s’installer, et je dirais ce qui est normal, c’est que vous mettiez la prise de recharge dans la prise électrique, ce qui est moins normal, c’est que ça charge tout de suite, alors qu’on a un modèle alternatif excellent qui est le modèle du chauffe-eau qui est que ça démarre en heures creuses. Donc ce que promeut ENEDIS, c’est le signal heures creuses pour une grande partie de la recharge des véhicules électriques.
Donc oui, le véhicule électrique va bien décarboner le mix, oui, c’est une bonne idée d’y travailler, à condition de travailler sur la localisation des bornes, sur le type de recharge, et de faire ça de façon cohérente avec l’ensemble des acteurs.
Sur les renouvelables, la question a longtemps été d’insérer les ENR, et je vais vous dire pourquoi il faut un peu la dépasser. Cela dit, je voudrais revenir sur le message de localisation. On a en France un système qui est assez mal connu qui s’appelle les schémas S3R ENR. Ce système est à la fois démocratique et efficace. C’est-à-dire qu’il consiste, au niveau d’une Région, à mettre autour de la table l’ensemble des partenaires du développement des ENR éoliennes. Ces gens, donc le distributeur, le transporteur, les représentants des ENR, le préfet de Région, le président de Région, se mettent autour de la table et réfléchissent aux meilleurs endroits d’implantation des ENR, c’est-à-dire les endroits où « il y a le plus de vent et où c’est moins coûteux pour le réseau ». L’idée, c’est d’arriver à éliminer les projets qui sont les moins efficaces. Il n’y a rien de plus démocratique. Et par ailleurs, une fois que ça s’est fait, on calcule un coût global de renforcement des réseaux, et ce système est péréqué. Donc il y a bien un partage au niveau régional, ce n’est pas national, de la ressource investie et des coûts supportés par les différentes ENR.
Ce qui est ensuite important, c’est que pour une ENR donnée, le coût de raccordement qui est donné, c’est le coût complet à la marge de ce modèle péréqué, et pas un système où on en a enlevé une moitié, qui est une demande d’une partie des gens des ENR qui disent : « Il faut faire comme pour la consommation, réfacter, c’est-à-dire faire payer une partie de ce coût-là par les 35 millions de consommateurs. » Nous, ENEDIS, on n’est pas très favorable, parce qu’il y a ce choix de se mettre autour de la table, de positionner sa production et ce signal est important pour la localisation de la production. On a tendance à plutôt militer pour avoir un signal complet au niveau du coût de raccordement. Ce qui me permet de dire que les tarifs, ce n’est pas que les tarifs, c’est l’ensemble des prestations, les tarifs, les coûts de raccordement et les prestations qui vont autour. Voilà pour le S3R ENR.
On travaille aussi sur ce qu’on appelle les solutions de raccordement alternatives. Pourquoi ? Parce que j’ai développé les ENR, donc je connais bien le problème, vous allez voir votre transporteur ou distributeur particulier, et il vous dit : « Il est beau votre projet que vous avez bien peaufiné et, malheureusement, compte tenu du fait qu’il va falloir renforcer le poste, il y en a pour cinq ans du fait des procédures administratives. » Effectivement, c’est un peu ennuyeux parce qu’on repart avec un beau projet, dont on ne sait pas d’ailleurs quel tarif il aura, ou quelle prime il aura puisque c’est dans cinq ans. Alors que si on vous dit : « J’ai une solution alternative qui consiste un peu à écrêter votre consommation, pendant un temps relativement limité, entre 2,5 et 5 % du temps, et vous pourrez le faire l’année prochaine ou dans deux ans », à ce moment-là, vous avez un choix. Et c’est ce qu’ENEDIS propose, et c’est ce que la CRE est en train de regarder, c’est de dire : « Voilà, vous avez deux solutions : la solution « raccordement complet », mais il faut dans certains cas attendre, et la solution « raccordement rapide », mais avec un trade off sur la production, qui permet finalement de dynamiser l’insertion des ENR. »
Pour nous, distributeurs, et je voulais insister là-dessus, cela implique qu’on fasse évoluer nos méthodes d’investissement, cela implique que l’on travaille sur la gestion des ENR qui ont été raccordées au réseau. C’est-à-dire qu’on prévoit comment elles vont fonctionner. Il y a tout un travail des fonctions techniques d’ENEDIS, mais aussi de l’ensemble des distributeurs français, sur comment on investit, comment on gère. On a changé de monde et donc il faut qu’on travaille là-dessus.
Sur l’autoconsommation, d’abord c’est essentiellement photovoltaïque. Le gros avantage de l’autoconsommation, c’est que ça rapproche la production de la consommation. Si on rapproche la production de la consommation, en théorie, on va faire des économies de réseau. Mais à une condition, et c’est là où on revient à la condition évidemment que ça réduise les puissances maximales injectées. C’est-à-dire que c’est une synchronisation réelle entre la production et la consommation. Si cela produit à un moment et consomme à un autre, au niveau du réseau vous ne faites aucune économie. Donc tout le message du distributeur, c’est de dire : essayons de faire en sorte que ces installations soient bien dimensionnées, et soient synchronisées au maximum de façon à ne pas induire des coûts supplémentaires sur le réseau.
Dernier point : la valorisation des gisements énergétiques locaux, les renouvelables, ce n’est pas que de l’insertion, c’est aussi réfléchir plus généralement à, comment on valorise les gisements énergétiques. Voici deux exemples pour essayer de vous faire comprendre, parce qu’on peut réfléchir à des foisonnements entre énergies.
Typiquement, si vous avez un réseau de chaleur, vous pouvez imaginer prendre ce réseau chaleur, et d’y mettre des pompes à chaleur. Pourquoi des pompes à chaleur ? Parce que les pompes à chaleur vont permettre de diminuer la température en tête de réseau. Et si vous faites les calculs dans certains cas, ce n’est pas vrai dans tous les cas, dans un certain nombre de cas, assez nombreux, vous arrivez à avoir globalement une efficacité énergétique renforcée. Et là qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez organisé un dialogue entre le responsable du réseau de chaleur et le responsable du réseau de distribution. C’est quelque chose qui ne s’organisait pas dans le temps et qui devrait s’organiser.
En Allemagne, vous avez des gens qui ont des surproductions d’énergie renouvelable, qu’ils ne peuvent pas écouler. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils ont eu pour idée de transformer en hydrogène cet excès et de l’insérer sur le réseau de gaz. Là, c’est un autre couplage, c’est un couplage réseau électrique – réseau gazier. Tout cela pour dire que la transition pour le distributeur, c’est au-delà d’une pensée en silo, c’est aussi une pensée transverse, et que cette pensée transverse, qui inclut d’ailleurs le stockage (dont je ne parlerai pas), il faut l’organiser au travers d’une gouvernance locale.
On a une formidable opportunité qui se présente, c’est l’obligation de mise en œuvre des plans climat, air, énergie, territoriaux qui seront obligatoires pour les EPCI de plus de 20 000 habitants fin 2018. On y est, c’est demain. ENEDIS y travaille, c’est-à-dire qu’on va être prêts à contribuer, pour valoriser cette dimension de la loi de transition.
Et cela m’amène à mon deuxième point qui touche aux conséquences. Cela modifie très profondément nos métiers. Cela nous oblige à investir pour gérer un système électrique alors qu’avant on investissait simplement pour mettre du réseau. Donc on devient gestionnaire système de réseau. Cela nous oblige à être plus digitalisés, c’est-à-dire à mettre en place toutes les techniques numériques qui peuvent exister, parce qu’on a besoin de collecter de l’information, de la traiter, de la répartir, donc on a tout un travail important. Cela nous oblige à mieux travailler localement, parce qu’étant une grande entreprise, on a tendance à penser à la tête, et à ne pas penser assez sur le terrain, donc cela nous oblige à voir des procédures qui soient plus ancrées territorialement, en particulier avec les collectivités. Cela nous oblige à réfléchir au mode de consommation, donc à être en interaction avec les consommateurs. Et nous oblige à être innovants, et c’est un point très important avec l’ensemble des filières industrielles, parce qu’on attend des développements à la marge, de ce qu’on gère, donc on ne peut pas fonctionner tout seul.
Vous voyez bien le message qui en résulte, c’est qu’ENEDIS va interagir, le distributeur va interagir avec tout un écosystème, et pour interagir avec un écosystème, évidemment, il faut un certain nombre de signaux qui soient adaptés.
Il y a deux dimensions dans les signaux, il y a la dimension prix et la dimension données. Je voudrais bien qu’on n’oublie pas une chose, c’est que j’ai parlé du local, mais dans le système électrique, il y a quelque chose qui est très important, c’est la cohérence verticale. On ne peut pas supposer qu’on va gérer le local, indépendamment de ce qui se passe au niveau régional, ou au niveau national, voire même au niveau européen. Donc on a un devoir qui est de réfléchir à la fois à la gestion locale et à l’intégration du système électrique. Autrement dit, ne pas gagner d’un côté, ce qu’on pourrait perdre de l’autre, ou réciproquement.
En termes de signaux de prix, notre message est assez simple, il dit modifions le tarif pour aller vers quelque chose qui soit plus adapté au mode de consommation. Et là on va à la fois dans le sens de signaux plus précis, donc, par exemple sur les tarifs résidentiels, avoir une option à quatre index, qui est une option proposée à la CRE. Mais aussi rééquilibrer la part puissance par rapport à la part énergie, dont on pense qu’aujourd’hui on n’est pas très nuancé parce qu’on a 80 % d’énergie et 20 % en puissance. On est plutôt sur 50/50, ce qui serait plus équilibré, donc une approche nuancée énergie/puissance.
Le deuxième point consiste à répondre aux attentes différenciées de service public. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs, ou de plus en plus différents, donc chacun va avoir un comportement. Un jour, vous en avez un qui va être autoconsommateur mais l’autre ne va pas vouloir être autoconsommateur, il est complètement différent, et un troisième qui va encore avoir un fonctionnement différent. Donc en termes de service client, on va devoir répondre à cette customisation, je ne sais pas comment dire, du service, c’est pour cela qu’on promeut l’idée que dans les tarifs on reconnaisse cette composante de « service public » et qu’elle soit segmentée par le client. C’est ça l’idée générale. Ce n’est peut-être pas à faire tout de suite, mais c’est certainement à penser dans la durée. Parce que, là encore, si on y met des ressources, autant affecter les coûts induits aux bonnes catégories de clients, et ne pas les faire payer par 35 millions de clients qui n’ont rien demandé.
Dernier point, le système étant de plus en plus avec une production qui n’est pas prévisible, voire qui est intermittente, il faut développer la flexibilité côté demande. Donc on a besoin d’avoir des signaux qui développent cette flexibilité. Ces signaux sont connus, heure pleine/heure creuse, ils gèrent aujourd’hui les chauffe-eau et on souhaite que le différentiel soit maintenu au titre des chauffe-eau, mais au titre du véhicule électrique, il y a une sorte de continuum dans la durée. On souhaite qu’au niveau de la saisonnalité, ou du reflet des différentiels coûts, on aille de l’avant et qu’on ait des tarifs à quatre index. Et on sait aussi qu’au niveau des tarifs, dits à pointe mobile, il y a une composante de gouvernance locale. Pourquoi ? Parce qu’il y a des dimensions locales et des dimensions « nationales ».
Les décisions aujourd’hui ne sont pas que des décisions économiques, il y a des décisions d’information sur le CO2, sur l’emploi, sur beaucoup de choses, et on pense que les données qu’ENEDIS va mettre à disposition doivent avoir, pour certaines, un statut de référence, d’ailleurs on se dit que c’est les données sur lesquelles on s’appuie pour prendre des décisions locales. Et nous on travaille, on voudrait encourager la normalisation et la standardisation des flux de données parce qu’il faut que les « logiciels » qui sont développés par plein de start-up, mais quel que soit le type d’entreprise, c’est important, puisse agréger un ensemble de données, les traiter et donner des solutions.
En conclusion, je vous ai expliqué à peu près comment on voyait l’intégration d’un distributeur dans la transition, cela dépasse largement le modèle ancien. C’est pour cela qu’on est riche de propositions, alors qu’avant on était un peu passif, et on laisse aux politiques deux sujets qui sont très importants : l’éducation des consommateurs à l’interprétation des signaux, parce qu’il y a tout un travail à faire sur la compréhension de la chaîne et comment on peut s’adapter. Et un second point : si on modifie les signaux, les questions de transition, comment gérer ces transitions, il ne faut pas les refuser a priori, mais les gérer, c’est un sujet politique, parce que cela prend du temps. Il faut trouver les moyens, se donner les moyens de gérer ces transitions.
Jean-Baptiste Galland*
*Directeur Stratégie, ENEDIS