Au début de la construction européenne, deux éléments clés étaient réunis : l’énergie et le couple franco-allemand. Motivées par le même idéal d’une Europe unie, pacifique et prospère, la France et l’Allemagne étaient à l’origine de la Communauté européenne du charbon et de l’acier qui progressivement unissait les pays européens sur le plan économique et politique.
Depuis les années 50, de nombreux projets dans le domaine de l’énergie continuent à rapprocher les peuples. Le dernier, la création de l’Union de l’énergie, a comme objectif de garantir à tous les consommateurs de l’UE – entreprises et citoyens – l’accès à une énergie sûre, compétitive et durable.
Dans ce contexte, le colloque « France-Allemagne : énergies, technologies et réseaux » était une excellente initiative afin de souligner :
– les changements dans le paysage énergétique et les enjeux auxquels nous devons faire face ;
– les moyens d’actions mis en œuvre à travers l’Union de l’énergie pour renforcer le marché de l’énergie ;
– l’importance d’une coopération régionale accrue et le rôle clé des réseaux
Les enjeux auxquels nous devons faire face
Aujourd’hui, les objectifs de la politique européenne de l’énergie sont clairs : nous devons garantir notre sécurité d’approvisionnement, contribuer à la durabilité et compétitivité de notre économie, assurer des prix abordables pour tous, et, enfin, répondre aux impératifs climatiques.
Nous devons ensemble relever ces enjeux auxquels nous sommes confrontés. Ils sont vastes et complexes et les événements géopolitiques actuels entre la Russie et l’Ukraine le rappellent fortement.
En plus, le marché du gaz subit d’importants changements au niveau mondial, avec notamment le développement du GNL ainsi que les évolutions technologiques et l’évolution du bouquet énergétique qui ont entraîné une profonde transformation du secteur électrique. L’augmentation de la part des énergies renouvelables est considérable comme les nouveaux modes de production décentralisés – mais également des « smart grids » et « smart homes » – mettant le consommateur au centre de la scène. Dès à présent, deux tiers des nouvelles capacités électriques en Europe sont renouvelables et 27,5 % de l’électricité est produite par les énergies renouvelables.
La France et l’Allemagne se sont engagées activement dans la transition énergétique avec des objectifs ambitieux et qui ont inscrit l’intégration des énergies renouvelables, le renforcement des réseaux de distribution, le développement et le financement des « smart grids », mais également l’efficacité énergétique, la révolution numérique du smart data et des objets connectés au premier rang de leurs priorités communes à l’occasion du dernier Conseil des ministres franco-allemand du 7 avril 2016. L’Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE) en est la parfaite illustration.
Cette ambition commune entre la France et l’Allemagne est un moteur pour la réalisation des objectifs que s’est fixée l’UE pour 2030 : une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre, une amélioration d’au moins 27 % de l’efficacité énergétique et un minimum de 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale.
L’Union de l’énergie pour répondre à ces défis
Le 25 février 2015, la Commission lançait l’Union de l’énergie basée sur 5 volets étroitement liés et se renforçant mutuellement:
– la sécurisation de nos approvisionnements ;
– un marché intérieur de l’énergie totalement intégré ;
– l’efficacité énergétique pour contribuer à la modération de la demande ;
– la décarbonisation de l’économie ;
– la recherche, l’innovation et la compétitivité.
D’ici à la fin de l’année, la Commission présentera la révision des Directives efficacité énergétique, énergies renouvelables ainsi qu’une nouvelle organisation du marché de l’électricité afin de favoriser l’intégration des énergies renouvelables, développer les échanges transfrontaliers et accroître la sécurité énergétique.
La nouvelle organisation du marché de l’électricité a pour but de réconcilier la part croissante des énergies renouvelables avec davantage de stabilité, d’investissements, de sécurité, de flexibilité et un rôle croissant des consommateurs.
Dans ce contexte, le travail réalisé par l’OFATE et les projets présentés dans le cadre de la plate-forme de coopération ADEME-DENA en matière de stockage et de réseaux intelligents sont essentiels pour renforcer le marché européen de l’électricité.
En effet, une coopération régionale accrue est au centre de la nouvelle organisation du marché européen de l’énergie et est un élément essentiel de l’Union de l’énergie.
L’importance d’une coopération régionale accrue et le rôle clé des réseaux
L’élaboration de la politique énergétique des Etats membres, au sein d’une Union de l’énergie, doit se faire en étroite coopération avec les pays voisins. La coopération régionale est essentielle pour réaliser les objectifs de sécurité, durabilité et compétitivité et est largement soutenue par les Etats membres et le Parlement européen.
D’importants progrès en matière de coopération régionale ont déjà été réalisés au niveau européen et doivent être accélérés, notamment grâce au :
– couplage des marchés et la coordination des enchères ;
– l’adoption de presque tous les codes de réseaux gaz et électricité ;
– l’adoption d’une Communication en février 2015 sur l’objectif de 10 % d’interconnexion électrique, avec la possibilité d’atteindre 15 % en 2030. L’Allemagne et la France ont d’ailleurs toutes les deux atteint leur objectifs de 10 % d’interconnexion électrique ;
– la mise en place de groupes régionaux BEMIP, CESEC, péninsule Ibérique, mer du Nord ainsi que le Forum Pentalatéral avec son fort engagement français et allemand.
Dans ce contexte, il est aujourd’hui plus important que jamais de hisser significativement le niveau de coopération entre la France et l’Allemagne qui représente presque un tiers de la population et du PIB européens.
Ceci vaut notamment pour les régions telles que le Grand-Est (Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine) et le Baden-Württemberg qui représentent le premier point entre la France et l’Allemagne.
Observations finales
La France et l’Allemagne ont inscrit au premier rang de leurs priorités communes la réalisation de l’Union de l’énergie. Ceci devrait stimuler les investissements nécessaires pour le renforcement du marché et de l’infrastructure.
Une coopération axée sur l’énergie devra viser à cerner tous les enjeux de la transition énergétique et des modifications encourues par les réseaux de transport et de distribution, tant au niveau économique (projets d’investissements binationaux et mécanismes de soutiens disponibles au niveau européen) qu’au niveau de l’innovation et de placer le consommateur au centre de cette « nouvelle donne ».
Les projets européens sur la transition énergétique et sur l’Union de l’énergie reposent aussi sur l’action régionale et sur la coordination entre le local, le régional, le national et l’Europe. Sans doute, l’axe Grand-Est-Baden-Württemberg sera à même de mettre en œuvre une dynamique pionnière dans l’identification de ces nouveaux projets pilotes régionaux et de définir les conditions du succès des initiatives franco-allemandes.
Dominique Ristori*
* Directeur Général de l’Energie (Commission européenne).