Trans-humanisme. Le mot stimule l’imaginaire. Et le texte de Jean-François Allilaire ramène à celui des années 50-70 et surtout au réel, d’aujourd’hui et d’un avenir proche.
Le terme m’était inconnu sinon « humanisme », lié à toutes sortes de contextes pour soutenir des idéalisations, des bonnes intentions, au final parfois déceptives et pourtant tout un courant de pensée. Restait « Trans ». Transversalité, transformation, transhumance, transsexualité, transmission, transgression … Voyages et chemins de traverse, avec leur part de beauté et d’horreur pour les grandes pages du passé, les énormes possibilités de guérison conquises au fur et à mesure du temps et malheureusement leurs potentialités de dérives pour un futur qui se rapproche. Le trans- mais pas forcément la transe de l’humanisme.
La typologie de Jean-François Allilaire, entre autres, évoque les transformations des métiers et services de « soins » et accompagnement de la vie humaine et sociale. Derrière cette élaboration, une mise en garde, un appel à la vigilance. En filigrane ou en clair, par association, son texte renvoie écho à plusieurs autres constats problématiques :
– côté attentes par rapport à la science, en dehors de la sphère médicale et biologiste : manque général de connaissance des sciences de la vie, de leurs champs et applications, et donc des règles, pouvoirs et limites intrinsèques à la vie, considérée dans son acception globale, générale ou versus biomédical, philosophique ou religieux, ou encore par rapport à des critères tels que par exemple la vie psychique ou physique voire sociale, privée ou professionnelle avec toutes les confusions que recèle même la formulation – « la vie » –, qui plus est employée communément et quotidiennement ;
– côté sens et incidences des mots, ambiguïtés liées à certains termes, comme progrès, voire autorité, avec pour corollaire la conscience que l’on a – ou pas – des limites nécessaires au respect de la vie et des effets de leurs transgressions qui, selon leurs finalités et contextes, n’ont pas les mêmes résultats. Cette question restait une vue de l’esprit jusqu’à présent puisque les moyens de franchir les lignes jaunes n’étaient pas ou moins à notre disposition. Or la donne a changé ;
– côté ressenti, toute-puissance et violence non dites ou inconscientes, intrinsèques à certaines avancées, à l’œuvre dans la société avec leurs conséquences d’atteinte et destructivité de la vie d’êtres humains, voire d’une part de l’humanité, malgré un « plus jamais ça » qui a encore fort à faire.
Bref, ce fichu « toujours plus », cette obligation de croissance, d’immédiateté alors que « la vie », dans tous ses états, a besoin de temps, de diversité et de droit à l’erreur. Et paradoxalement, nos divisions, inaboutissements, blocages et autres manques pourraient alors peut-être jouer un rôle protecteur ou régulateur. A voir !
Christine Breitenstein