Arnold Munnich affirme dans cet ouvrage : « Nos gènes ne commandent pas notre destinée. » Cette affirmation est bienvenue alors que la génétique est « à la mode », alors qu’on voit dans le séquençage du génome la promesse d‘un l’homme nouveau sain, parfait, immortel ! Attention aux « faux prophètes et aux faux dévots » !
Cet essai démontre que la génétique permet d’abord des diagnostics, ce qui est le premier pas à accomplir vers le traitement d’une maladie très grave. Ainsi à l’hôpital Necker à Paris a été créée une batterie d’outils, un « panel de séquençage », concernant tous les gènes connus. On l’applique à un enfant que ses parents amènent pour un dysfonctionnement sévère. Si l’origine est reconnue par cette méthode (qui va très au-delà des diagnostics traditionnels tels que nous les connaissons), les soins sont entrepris. Sinon le cas est confié à la recherche. Ce programme de coopération a un nom : l’Institut Imagine. Pédopsychiatres et généticiens y collaborent.
Un séquençage accessible et pas cher dont il semble qu’une nouvelle société pourrait profiter aurait des conséquences désastreuses, entraînant des inquiétudes, des interventions inutiles. L’outil Internet (surtout efficace aux Etats-Unis) permet à des « sous-marins » d’inquiéter les populations, de préconiser des tests et de vendre des thérapies. Les fervents internautes réclamant alors comme un dû la connaissance et la libre disposition de tout leur propre patrimoine génétique. Or on a observé que la plupart des gens vivent sains avec des prédictions génétiques alarmantes. Par contre, les parents peuvent ne pas porter le gène et avoir un enfant qu’une cause organique conduit à une maladie : l’exemple le plus cité dans ce livre est celui de l’autisme. Quant à la longévité, elle n’est pas génétique, elle résulte de la conjonction de plusieurs facteurs environnementaux (c’est « la santé » telle que définie par l’OMS). Si par exemple on pense « prédire » la maladie d’Alzheimer, sachons d’abord qu’elle est corrélée à l’âge, donc de plus en plus fréquente dans une population vieillissante.
Le tout-génétique ne concerne que des situations privilégiées… « Rendons à César ce qui est à César » : aujourd’hui même, les médecins, les pédiatres, les neurochirurgiens ont réussi à guérir plus de patients, à sauver plus de jeunes enfants et conforter leurs familles « que toute la communauté des généticiens réunie ». Ils ont réussi à « ruser » pour inhiber une fonction, épurer une toxine…
La foi dans le « tout génétique » qui fait acheter (par exemple avec 23&Me) des prédictions incompréhensibles est le fait d’un credo, d’une recherche de spiritualité. Elle se retrouve dans plusieurs attitudes qui deviennent vite sectaires. De ce côté, les croyants sont mieux protégés. Restons sur terre, ne soyons pas fascinés sans raison par des prouesses… Où passe la frontière entre augmenter la longévité et respecter la dignité de la vie ? Il ne s’agit pas pour nous généticiens et chercheurs de lutter avec Dieu pour l’égaler mais de parachever la création. Ce que rien n’interdit, il est dans la nature de l’homme d’aller de l’avant. Avec honnêteté, persévérance et amour…
Jeanne Perrin
Arnold Munnich
aux éditions PLO