Tunisie 1910/1960, Victor Sebag, un photographe dans le siècle, Cérès éditions, 2011
De la porte de France au circuit saharien, l’objectif de Victor Sebag immortalise la Tunisie de son siècle. Les éditions Cérès réunissent plus de 200 tirages, entre 1910 et 1960, portrait d’un pays entre idéal du progrès et crises nationales.
Victor Sebag représente l’œil qui fut témoin des ruptures tunisiennes du siècle dernier. C’est Mohammed Naceur Bey (15e husseinite) qui va sceller son avenir en 1910, en lui offrant son tout premier appareil photo, Désormais « plus rien n’échappera à son regard : la rue, la cour, le ciel, la mer et le désert. Devant son objectif défilent les beys, les aristocrates, les marginaux, les militants, les laïcs et les religieux ; se croisent les Tunisiens, les Français, les Italiens et tous les autres. Il fixera en image les palais du Bardo et la Kasbah, Moncef Bey à La Marsa, de Gaulle au Belvédère, Saint-Exupéry à Laouina, Chafia Rochdi à Carthage, Joséphine Baker à Dougga et les fileuses anonymes de Tozeur ».[1]
De Tunis à Paris, Victor Sebag place sa vie, sa carrière et son objectif au service de la représentation d’une nation, au cœur de décennies de reformulations politiques et socioculturelles.
« Le XIXe siècle s’éteignait lentement, les rivages de la Méditerranée connaissaient une fois de plus des bouleversements profonds, structurels et humains. »[2]
1910-1920, en ce début de siècle, les carrossables remplacent peu à peu chameaux et dromadaires sur les routes, Bizerte ouvre un centre aéronaval et bientôt les élégantes en col claudine feront Marseille-Tunis en hydravion, en quelques heures. Pourtant, les bédouins et pèlerins sont encore là, et le peuple souffre toujours au pied de la Médina. Jusqu’en 1960, et encore aujourd’hui, les terres tunisiennes attirent de riches et puissantes personnalités, de Joséphine Baker à Saint-Exupéry en passant par Charles de Gaulle venant fêter l’anniversaire de la libération de sa capitale. De tout cela, le photographe Victor Sebag rend compte à travers un grain sensible de noir et de blanc. Il encadre et sublime l’essence de ce pays où tous les chemins se croisent, cosmopolite et mouvant. Il nous parle d’une Tunisie portant fièrement en elle, y comprit en période de plein progrès, le poids de son histoire et de ses traditions culturelles.
C’est un pays qui veut faire entendre sa voix que les éditions Cérès veulent illustrer à travers cet ouvrage, dont la publication fut ralentie par les révolutions de 2010. A l’image de cette Tunisie d’aujourd’hui, revendiquant la jeunesse d’une pensée, dans toute son expression. Ce beau livre, magnifiquement illustré des œuvres photographiques de Victor Sebag, a pu voir le jour grâce à l’opiniâtreté de son fils Gérard, journaliste grand reporter à France-Télévisions. Une filiation réussie et reconnue par l’œil et la plume.
Aurélie Caillard
[1] Karim Ben Smail, éditeur de l’ouvrage.
[2] Citation de Gérard Sebag, introduction de l’ouvrage, Tunisie 1910-1960, Victor Sebag, un photographe dans le siècle, éditions Cérès, 2011.