En novembre sera désigné le prochain Président des Etats-Unis. Qui succédera à Barack Obama pour occuper le bureau ovale de la Maison Blanche ? Et qui présidera aux destinées de la – toujours – première puissance mondiale, même si la Chine est en passe dans les prochaines décennies de se hisser à la première place du concert des nations ?
Tout ce qui intéresse les Etats-Unis concerne l’ensemble de la planète. En cette époque marquée par la montée du populisme et une vague de nationalisme, l’Amérique n’est pas épargnée par cette droitisation des opinions publiques et des politiques – comme en témoigna la délétère campagne des primaires entre le démagogue Donald Trump et une Hillary Clinton privilégiant bien souvent ses intérêts personnels à l’intérêt général et au bien commun. C’est dans ce contexte politique pas très réjouissant et encore moins attractif que Georges Ayache, un ancien diplomate redevenu historien – à qui on doit une éclairante biographie de De Gaulle – a eu la bonne idée de publier un almanach des 44 Présidents des Etats-Unis, depuis Georges Washington qui incarna cette histoire « au commencement… » jusqu’à Barack Obama qui sera rétabli à la vie civile en janvier 2017.
La chronologie des portraits des anciens titulaires de la Maison Blanche nous introduit dans les grandes et aussi petites histoires d’une Amérique qui s’est bâtie autant sur des valeurs morales qu’à la recherche de la puissance et de l’influence dans le monde. Pour ce faire, dans cette galaxie des Présidents, on retrouve une mosaïque socioculturelle très large, d’anciens militaires (Washingtion, Einsenhower, Jackson), de très nombreux avocats, des dynasties (Adams, Bush), des plébéiens (Nixon, Truman), des profils d’origine patricienne (Roosevelt, Kennedy). Des inclassables aussi, mais dont la réussite surprendra (Reagan, Clinton) et des promotions civiques ( Lincoln, Obama). Bien entendu, tout classement est réducteur et à ce niveau de représentation, chaque postulant à la Maison Blanche se distingue par des qualités singulières et autant de défauts, sinon de déceptions. Parmi les figures exceptionnelles, Georges Ayache distingue trois « happy few » : le premier Président George Washington, l’homme du New Deal à la longévité exceptionnelle : Franklin Delano Roosevelt et le légendaire Juste : Abraham Lincoln. On pourrait y ajouter John Fitzgerald Kennedy, pour son charisme exceptionnel, et le destin funeste qui fut le sien. Mais au-delà de ce classement, il reste à souligner ce qui n’entre pas dans des cases de la réflexion rationnelle et trouve néanmoins une véritable signification. D’abord, la fonction présidentielle vient bien souvent transcender des personnages a priori sans grande envergure et qui se sont révélés dans l’exercice de leur mandat. C’est le cas d’un Lyndon Johnson, qui succéda à John Fitzgerald Kennedy après l’assassinat de ce dernier, et dont les réformes sociales furent de portée considérable. On n’attendait pas grand-chose de Nixon « le tricheur » et de Reagan, l’acteur d’Hollywood, mais si le premier sombra dans l’affaire du Watergate et le second remplit deux mandats, tous les deux réussirent un parcours exceptionnel dans le domaine de la diplomatie internationale.
Certes, la politique américaine n’est pas l’affaire exclusive de la Maison Blanche et Georges Ayache ne mentionne pas le fait que certains Présidents bénéficièrent de collaborateurs exceptionnels : Henry Kissinger avec Nixon et Ford, Robert McNamara avec Kennedy. Il y eut aussi des erreurs de « casting », Jimmy Carter n’avait pas la « carrure » présidentielle mais il se rattrapa après dans la défense des droits civiques. Des découvertes aussi avec Bill Clinton qui malgré ses frasques sexuelles réussit durant deux mandats à conduire avec brio la politique intérieure et la diplomatie internationale.
De tout cela, Georges Ayache se fait le portraitiste minutieux et chaque chapitre « présidentiel » est accompagné d’une riche documentation. Un beau travail de biographe où l’auteur demeure un historien scrupuleux tout en laissant transparaître quelques appréciations personnelles sur les qualités et les travers de ces quarante-quatre Présidents. Comment en serait-il autrement dès lors que l’Amérique demeure quoi qu’on dise une grande démocratie et qu’un Président des Etats-Unis est faillible comme un citoyen ordinaire.
Avant de fermer le ban de cette galerie de portraits, reste Barack Obama, « le premier pour l’histoire », comme Georges Ayache le décrit, le décrypte, avec une acuité bienveillante mais sans illusion pour un bilan de politique étrangère faible et contrasté. Si l’ouvrage de Georges Ayache est traduit en anglais, il pourrait être un livre de chevet pour le (la) 45e Président(e) des Etats-Unis. Et pour commencer, cette hyperbiographie est à lire comme une véritable radioscopie du pouvoir politique américain.
Emile H. Malet
Georges Ayache
éditions Perrin 2016