Ces journées où les Français ont été heureux
Les Français peuvent-ils être vraiment heureux ?
La France va mal ! Une ritournelle que l’on entend désormais par trop souvent, sans pour autant se prévaloir d’une argumentation plausible et bien fondée. Le catastrophisme à la mode néanmoins, dont le résultat produit vise avant tout à démoraliser les Français. Cependant, qu’il faille bien comprendre les racines du mal, celles que l’on pointe facilement du doigt, lorsque l’on évoque à tort ou à raison des instances barbares qui plombent la nation, ou du moins ce qu’ils en reste, diront certains, et tous, reconnaissons-le, ne sont pas forcément des fossoyeurs des basses œuvres, a contrario ou à contre-courant parfois, d’une élite souveraine, qui se veut à son tour et légitimement au chevet de l’Etat-nation, avec en toile de fond, la vaste idée, de « tout vouloir reconstruire » sur la base d’une nouvelle histoire de France qui se voudrait plus réaliste, et revisitée à la vitesse grand V, pour finalement parer à de futures et sinistres catacombes. Par ailleurs, force est de reconnaître que le catastrophisme ambiant sert de nombreuses officines, y compris politiques. Affirmer que la France va toujours plus mal est l’occasion de faire passer en force certains messages aux Français, sans aucune concertation préalable sur les vrais problèmes qui agitent le pays. Une grave erreur de prospective philosophique en effet ! Si l’on peut dire. D’autres, en revanche, certainement plus sensés, refusent la claustration autiste et originelle des charognards. C’est le cas notamment d’Hervé Gaymard, ancien ministre de Jacques Chirac et député de la Savoie, pour lequel le pessimisme doit pouvoir reculer d’un pas, et dont le dernier ouvrage, Bonheurs et Grandeurs, Ces journées où les Français ont été heureux, se veut le contre-pied de la faillite réglementaire, avec l’idée subtile que l’on construit un pays, non pas sur ses ruines, mais au contraire sur l’espoir grandissant, et rationnel, de l’héritage du bien commun. Ce qui n’empêche nullement de rêver en amont à une France libre, et fière qui ne soit pas fratricide, et sujette au déclin. Sans toutefois se fourvoyer en palabres inutiles, car c’est toujours un risque, ou bien encore en sordides pleurnicheries. Et ce d’autant que l’ancien ministre ne passe certainement pas pour un bonimenteur. Lui aussi a connu sa traversée du désert, vécue comme une profonde injustice. Il sait ce qu’il écrit, et en revendique avec ferveur le contenu et le ton. Une écriture certes subjective, avec une question qui peut s’avérer cruciale à la clé et qui ne manquera pas d’interpeller certains lecteurs. Lorsqu’on a soi-même exercé de hautes responsabilités gouvernementales à plusieurs reprises, est-on en mesure de mieux comprendre les Français ? La question est loin d’être anodine, car elle permet de mieux comprendre « Ces journées où les Français ont été heureux ». Treize grandes journées qui ont forgé la France, constituant son identité et sa destinée singulières. Pari intellectuel audacieux s’il en est ! Car l’identité Française n’est pas forcément la même pour tout le monde et qui vire vite et maladroitement au concept identitaire mal formaté avec des malentendus et des haines qui se profilent négligemment dans les esprits. Là encore la prudence doit rester de mise, car le peuple français demeure imprévisible dans les faits. C’est aussi un coupeur de têtes. La preuve ! « Ce livre est né d’une insurrection vitale contre le malheur français. » La formulation linguistique est lourde de conséquences, avec des pages qui suivent qui veulent sortir de « cette spirale dépressive », où jamais rien ne va plus, comme un jeu du hasard, mais plus souvent accolée au mensonge. Surtout ! « Combattre la haine de soi », comme ultime rempart à la déraison.
Jean-Luc Favre
Hervé Gaymard
462 pages
Editions Perrin