Ce livre étant hautement spécialisé, il n’est pas permis de se risquer à en faire une suite de citations. Le temps et la place manqueraient rien que pour en citer les auteurs. Il n’est pas question de s’aventurer non plus dans des interprétations approximatives d’un contenu qui se réfère sans cesse aux plus brillants des penseurs. Comme Viviane Chétrit-Vatine s’exprime à la première personne, on ne peut qu’essayer de répondre en quelques points à son adresse.
Tout d’abord, reprendre le titre mot à mot : il y a une séduction nécessaire au travail du psychanalyste puisqu’il doit inciter quelqu’un à « tout lui dire » alors qu’il est pour lui un étranger. « Séduction » n’a-t-il pas un petit air « diabolique » ? Incompatible avec l’éthique ? On comprend que, sans éthique, aucun exercice de la profession, aucune cure ne sont envisageables… Alors, qu’est-ce que l’éthique ? Elle est comprise par Emmanuel Levinas comme « une responsabilité pour autrui ».
Et c’est en ce sens que la responsabilité maternelle vis-à-vis du nourrisson fragile relève de l’éthique. Cette infériorité du « petit » est déjà constatée dans le règne animal… Pour Freud, l’éthique a une origine d’autoconservation, les réponses de la mère vont assurer la pérennité de l’espèce. Il ajoute, son expérience l’y autorise, que les soins attentifs d’une mère « ne vont pas de soi » ! De plus, la civilisation utilisera ensuite l’éducation comme moyen d’inhiber les éclats de l’agressivité (présente chez l’homme alors qu’elle n’est jamais sans motif chez l’animal) : retournée contre soi, cette agressivité provoque un combat d’où va naître la conscience morale. Viviane Chétrit-Vatine en conclut : « L’éthique est une espèce d’ordre de marche à l’usage du commerce des hommes entre eux. » L’ensemble de ses propos enrichit et adoucit heureusement cette formule très lapidaire.
La relation mère/enfant est asymétrique, celle du psychanalyste par rapport à son patient est du même ordre. Cette responsabilité de l’autre, qui, à l’opposé de la séduction, a un air de « sainteté », oblige celui qui en est l’objet ; puisque lui a appelé à l’aide et qu’on doit lui répondre. Pour être plus précis, l’enfant exprime une exigence immédiate, le patient exprime un besoin que l’analyse permettra de mettre au jour. Donc origine féminine certes, mais complexité plus redoutable dans ce cas. C’est dans le récit de plusieurs expériences que ce livre en apporte la preuve…
Par la voix de différents psychanalystes sont appelées des pages de textes sacrés. Or elles concernent toutes les confessions et même au-delà : « Responsabilité pour autrui », n’est-ce pas ce que chacun porte en soi s’il est tout simplement humain ?
Chétrit-Vatine Viviane
Le fil rouge, chez PUF
Jeanne Perrin