Tout le monde communique, avec des images et des mots, avec des tweets et des #. Les entreprises ne font plus de la publicité (devenir public, c’est pourtant clair) mais de la communication. Les politiques, après avoir eu un porte-parole, ont un cabinet, une équipe de communication. Avec quelles conséquences ? Pas toujours heureuses… Et si trop de com’ tuait la com’ ? Ce livre raconte « tout » sur la modernité installée par le numérique. Elle oblige à repenser tous les objectifs et toutes les méthodes ! Guillaume Pepy, dont Bernard Emsellem a été justement le directeur de la communication, explique dans la préface l’urgence où s’est trouvée la SNCF d‘entrer dans le numérique pour partager l’information : la communication doit être stratégique dans un grand groupe, chez tous les « grands » qui font partie du patrimoine national comme dans toute organisation plus modeste.
Au début, le système était clair : un émetteur envoie un message à un récepteur. Le message peut s’adresser à un récepteur unique mais le plus souvent à plusieurs. À l’interne (et là on comprend bien que le mécanisme soit interactif) ou à l’externe, cas où le récepteur est « innombrable ». Comme on ne le connaît pas individuellement, on lui envoie d’autant plus du « créatif » et du « fulgurant » pour le frapper. Aujourd’hui, cette méthode a atteint ses limites. D’abord parce que l’authenticité de l’information est mise en doute ; ensuite et surtout parce que la rapidité du numérique permet une réaction en retour qui doit être bien reçue.
Ce qu’on ose appeler la « cible » n’accepte plus la « verticalité » : c’est une communication maintenant dégénérée que celle-ci. Le destinataire a totalement changé en quelques décennies. Celui qui ouvre son iPhone plusieurs fois par heure, sept jours sur sept, est un sujet ; il a une réaction propre, il entend exprimer son individualité. Il désire évidemment plus d’« horizontalité ». Si sa bienveillance s’est tellement émoussée, c’est qu’il entend tous les médias traiter dans l’instant le même événement, débattre le même problème, le même jour, en grossissant le trait pour être chacun plus pertinent que l’autre, et surtout en évitant la vraie pédagogie du sujet. Procédés qui lui paraissent offensants… Et il croit volontiers que les journalistes ne sont indépendants ni des politiques ni de la finance. Quant aux politiques, ne les voit-on pas plus aptes à parler qu’à agir ? Se poussant au premier plan de la com’ ? En conséquence, les réseaux sociaux, qui ne sont pas plus « authentiques », peuvent tirer à vue !
En contrepartie, ce qui n’est pas assez dit, c’est que les sujets dont la complexité appartient à des spécialistes ne peuvent être galvaudés et que même les journalistes, même les politiques doivent les aborder après réflexion, avec clarté, avec humilité quand la connaissance n’y est pas. Tout le monde, quel que soit le niveau de compétence, ne peut pas tout savoir et tout comprendre.
L’actuel outil est donc obsolète. Il faut, comme professionnel, « recomposer les gestes, les pratiques et les expériences ». Il faut tenir compte de l’individualisme installé dans le monde occidental , de l’autonomie du public. Il faut voir l’effacement des frontières. On ne croit plus à « pour vivre heureux vivons cachés », « l’info, c’est le pouvoir » !… Mais, pour le citoyen, il ne faut pas non plus rêver la possibilité de tout apprendre tout seul et d’avoir son avis sur tout. On peut recevoir, écrire, envoyer au monde entier. On « by-pass » le principe que l’information est un métier ! Les obstacles de la langue, les informations à vérifier, l’incomplétude de ces informations, doivent amener à se (re)tourner vers les sources que peuvent être les professionnels.
Quelles sont les tâches à assigner au futur communicant ? Elles s’organisent autour de trois clés : l’information, la relation et l’intention.
L’information. Contenu objectif, contenu structuré, oublier le principe dangereux de la transparence : tout ne doit pas être diffusé, galvaudé. Préférons-lui la clarté.
Relation. Cette clarté suscite automatiquement l’échange. Une considération réciproque doit amener les parties à s’écouter et se répondre sans biaiser.
Intention. Savoir où l’on veut aller, le faire savoir. Il n’y a rien de coupable à influencer le jugement de quelqu’un si les arguments sont honnêtes. Le travail est difficile ; il se planifie en objectifs principal puis secondaires, puis le process pour y parvenir. Sans négliger l’analyse des retours avec sang-froid, ce qui est capital.
En conclusion, ce livre, en détaillant les trois points cités ci-dessus, se trouve un outil efficace des politiques ou des entrepreneurs tandis qu’il donne grandement à penser au récepteur, consommateur, électeur, cet élément de la « cible » que nous sommes.
Jeanne Perrin
Bernard Emsellem
Editions François Bourin