Il faut tout d’abord rappeler que l’électricité ne représente que 20 % de la consommation d’énergie et que l’hydroélectricité et la biomasse ont une contribution au mix énergétique très supérieure au solaire et à l’éolien. Cependant, l’intégration de ces énergies renouvelables intermittentes représente un défi majeur pour le système électrique européen.
Le défi des énergies intermittentes
Les énergies intermittentes ont connu en Europe une explosion. La puissance installée en éolien a été multipliée par 10 en 12 ans et par 500 pour le photovoltaïque. Par nature, la production de ces sources d’énergie est aléatoire. Le facteur de charge peut varier de quelques % à 30 % entre l’été et l’hiver, d’un jour à l’autre. Le système électrique a été optimisé pour faire face aux aléas de la demande. Il doit maintenant faire face à des aléas autrement plus importants de l’offre.
Cette explosion impose un renforcement considérable des réseaux de transport et de distribution d’électricité. Ainsi une étude montrait qu’en Allemagne il était nécessaire de construire, de 2006 à 2020, entre 3 500 et 4 000 kilomètres de ligne à haute tension. Or fin 2012, seulement 100 kilomètres ont été construits. Il est en effet très difficile de construire des lignes, compte tenu des oppositions locales.
Il s’ensuit que par moment trop d’électricité est produite et les prix sont négatifs : pour un économiste c’est le signe d’une situation anormale
Un potentiel limité pour les solutions classiques
Afin de faire face à une production plus aléatoire, il est indispensable de développer des sources de production souple pour faire face aux périodes où les sources intermittentes sont absentes. Le gaz représente la solution idéale tant au plan énergétique qu’environnemental. Malheureusement, l’effondrement des prix de marché induits par l’explosion des renouvelables rend non économique de nombreuses centrales : ainsi 50 GW de capacité gaz ont été fermées ou mises en sommeil ces dernières années.
Il est nécessaire aussi de rendre plus flexibles les installations de production conçues pour fonctionner en base, telles que le nucléaire ou l’hydraulique au fil de l’eau : mais on atteint rapidement des limites techniques et cela a un coût.
On cherche aussi à augmenter aussi la flexibilité de la demande : d’ores et déjà cela se fait pour les industriels. On n’en est qu’au début en ce qui concerne les particuliers.
Aujourd’hui les STEP (Stations de transfert d’énergie par pompage) jouent un rôle important dans l’équilibrage entre l’offre et la demande. Mais il n’existe plus guère de sites en Europe permettant de construire de nouveaux barrages.
Le challenge du stockage de l’électricité
Le stockage de l’électricité est présenté par certains comme la panacée qui règlera tous les problèmes. On avance de multiples technologies : volant d’inertie, batteries, air comprimé voire hydrogène ou méthane de synthèse… Chaque solution a ses caractéristiques et ses limites. Stocke-t-on de l’énergie ou de la puissance ? Stocke-t-on sur quelques heures ou quelques semaines ? Quel est le rythme de stockage et de déstockage ? Par exemple, les STEP ne peuvent stocker de l’électricité que pour quelques heures.
Par ailleurs, nombre de ces technologies n’en sont qu’au stade de la R/D ou de la première démonstration. Le déploiement de ces technologies prendra de nombreuses années.
Enfin, quel est le coût de ces technologies tant en investissement qu’en fonctionnement ? Y a-t-il un business model qui permette aux entreprises d’investir ? Ainsi dans un marché dérégulé, la rentabilité des STEP n’est pas garantie.
Ainsi l’intégration des énergies renouvelables intermittentes représente un défi majeur pour lequel il n’y a pas de solution immédiate. Il est nécessaire de développer des travaux de R/D. Les investissements à consentir seront considérables. De plus il sera indispensable de mettre en place des régulations adaptées.
Olivier Appert
Président du Conseil Français de l’Energie