Pour situer un instant l’expérience dans laquelle s’enracinent les quelques réflexions que je vais partager avec vous, je vais compléter la présentation de Tillia. Tillia, c’est effectivement une société européenne et franco-allemande, complètement franco-allemande par ses associés fondateurs, son management, son expérience, une grande partie de son activité, que nous avons créée il y a cinq ans, essentiellement pour soutenir et accompagner la transformation de toutes les entités essentiellement de service public territorial, de ce domaine dont nous parlons aujourd’hui « les Stadtwerke ». Mais aussi en France : les établissements publics, les entreprises publiques, les industriels et, plus généralement, ce qu’on appelle les parties prenantes.
C’est une structure à laquelle il peut arriver de faire du conseil, mais qui est plutôt une structure d’écodéveloppement de projets, soit sur des projets nouveaux, d’innovation, d’investissement, soit sur des projets de productivité stratégique. J’en dirai un mot dans le cours de cet exposé de la productivité. C’est un sujet un peu ennuyeux, mais assez décisif pour le sujet qui nous réunit aujourd’hui. Je pense que ce colloque vient à point nommé. C’est un peu d’usage de le dire, mais pour une raison tout à fait précise qui est que les premières étapes de la transition énergétique en Europe ont été assez vives, également assez vivement contrariées pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, sauf dans les questions si c’est utile, mais qui ont été assez déséquilibrées. Dans la mesure où, particulièrement en Allemagne d’ailleurs, on a énormément investi dans la production / décentralisation.
Et, à l’intérieur de la production décentralisée, on a beaucoup valorisé les énergies renouvelables électriques et intermittentes et on a beaucoup moins investi dans la construction des systèmes énergétiques locaux et dans l’efficacité énergétique, même si la Commission européenne depuis trois ou quatre ans met beaucoup l’accent là-dessus en disant : attention, précisément, on observe ce déséquilibre qui nous pose un certain nombre de problèmes. Or, le lieu où se résolvent un certain nombre de contradictions et souvent de manière fertile dans le développement de l’énergie décentralisée, ce sont précisément les réseaux de distribution locale, pas seulement les réseaux d’électricité et de gaz, j’y reviendrai, les réseaux de chaleur aussi.
La chaleur, c’est 60 % de l’énergie qu’on consomme, et c’est une énergie qui est toujours et partout entièrement locale, alors que l’électricité a la particularité au contraire de se transporter relativement bien avec toutes sortes de difficultés que certains d’entre vous connaissent bien, mais relativement bien. Et d’être plutôt dans une vision globale de cette Europe de l’énergie qui se construit, une énergie d’ajustement, une énergie qui se transfère, et d’abord et surtout une énergie locale. Il y a donc une forme de paradoxe à avoir développé en priorité des énergies électriques, locales et intermittentes. Cette petite introduction étant faite, mes quelques remarques vont suivre un plan très simple. Je voudrais d’abord partager quelques réflexions avec vous sur les systèmes des sens décentralisés.
L’Allemagne intervient au fond dans les systèmes d’une Europe qui va aujourd’hui de Stockholm, ce qui n’est pas rien, en passant naturellement par le Benelux, la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche et évidemment l’Allemagne qui nous occupe particulièrement. Parce que ces systèmes ont muté de façon fascinante depuis une dizaine d’années, et puis dans un deuxième temps, je partagerai quelques réflexions avec vous sur ce qui se passe en France dont on sous-estime, je crois, l’importance puisqu’on vit en fait avec certaines limites qui tiennent notamment au rôle maintenu de nos grands gestionnaires nationaux de réseaux. On vit certainement l’étape de décentralisation énergétique la plus importante depuis la loi de 1906 qui confiait la distribution d’électricité et de gaz aux communes.
Premier point, que sont véritablement ces « Stadtwerke », ces intercommunales, leurs homologues scandinaves qui sont d’ailleurs extrêmement actives et extrêmement puissantes, et pourquoi ont-elles radicalement changé depuis dix ou quinze ans ? C’est très important de le comprendre. Ce sont des sociétés, je le rappelle, et ça a été dit par Ulrich Benterbusch notamment, qui ont évidemment pour rôle principal de gérer les réseaux. Réseaux d’électricité, de gaz, de chaleur, et d’eau et généralement des filiales de transport et d’assainissement, ce qui est important aussi. Ces sociétés, il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, les entreprises de conseil venaient me voir en me disant : « Les Stadtwerke, c’est fini. »
C’est un modèle hérité du premier XXe siècle, du XIXe siècle qui est fondé sur l’intégration verticale, de la production, des réseaux et du commerce de l’énergie. Tout ça n’a plus aucun sens avec la déréglementation européenne qui sépare, comme vous le savez, ces activités et qui les régule différemment selon qu’elles sont monopolistiques ou concurrentielles. Donc, ça n’a plus beaucoup de sens. Et puis, de toute façon, elles sont vieillottes, improductives, et en somme condamnées. Et il en allait de même pour les intercommunales. Nous, quand je dis nous, ce sont quelques-uns qui travaillaient avec moi, qui pour certains sont dans Tillia aujourd’hui, nous avons pensé le contraire assez tôt. C’est peut-être un mérite qu’on peut se reconnaître. On a pensé au contraire que le monde allait se reconstituer peu à peu autour de ces entités locales, parce qu’elles disposent d’abord de la confiance de la population qui est une chose dont on ne soulignera jamais assez l’importance dans ces métiers.
Mais parce qu’elles disposent également de structures qui permettent de construire des transversalités entre ces différentes énergies, et entre les énergies et les autres activités. Ce qui est absolument décisif et ce qui est la raison d’être d’une grande partie de l’énergie territoriale, et puis parce qu’elles disposent tout simplement de personnels formés, d’actifs, de bâtiments, de terrains et d’une façon générale d’une possibilité d’agir dans les territoires que personne ne peut leur disputer. Donc, on a pensé qu’elles avaient un horizon stratégique formidable. On était plutôt des militants du service public, et on avait envie que le service public se transforme en restant public et c’est pour cette raison qu’on a créé cette entreprise.
Alors, qu’est-ce qui s’est passé en Allemagne depuis sept ou huit ans ? Ulrich Benterbush en a parlé, mais je ferai peut-être un complément un peu plus en dynamique, puisqu’il m’a facilité la tâche en vous rappelant les fondamentaux du système allemand. Il s’est passé une chose tout à fait curieuse, il y a sept ou huit ans. Ces « Stadtwerke » qu’on disait assoupies et qui étaient elles-mêmes très inquiètes pour leur avenir, elles ont d’ailleurs un lobbying très fort à Bruxelles pour lutter contre tout ce qui leur vient de la Commission européenne dont elles considèrent en gros que c’est mauvais à 90 %. Il est arrivé plusieurs choses. D’une part, il y a eu cette formidable poussée citoyenne comme on dit en France aujourd’hui des structures locales au sein de l’investissement dans les énergies renouvelables.
Comme vous le savez sans doute, 60 % du parc allemand de 80 gigawatts d’ENR – le parc nucléaire français, c’est 56 gigawatts. 80 gigawatts, c’est beaucoup, même si c’est de la puissance évidemment, ça produit moins en intermittence – sont détenus par les petits commerçants, les coopératives au sens large, les agriculteurs et les parties prenantes locales. Donc, il y a eu cet extraordinaire élan d’enthousiasme et tous les sondages confirment, encore aujourd’hui à quel point, comme cela a été rappelé, pour les Allemands, la transition énergétique, c’est un sujet politique viscéralement important et que les gens ont à cœur de soutenir. Et donc, il s’est posé un certain nombre de questions, un peu comme en France d’ailleurs, mais avec une autre intensité et plutôt les gestionnaires de réseaux locaux ont vu arriver cette armée de gens qui voulaient créer des éoliennes, qui mettaient des panneaux photovoltaïques sur leur toit, qui créaient des installations de méthanisation et qui réclamaient des raccordements rapides, sûrs, pour sécuriser les projets.
Et cette demande dans un premier temps n’a pas été très bien entendue, notamment là où certains réseaux avaient été concédés. Les grands groupes allemands d’énergie n’étaient pas du tout préparés à accueillir et à comprendre cette espèce de jacquerie énergétique qui montait, venant de gens qu’on n’avait jamais vus dans cette industrie, qui n’étaient pas considérés comme des gens très sérieux. Et donc, les politiques locaux dont les « Stadtwerke » dépendent ont senti qu’il y avait là une tension entre un élan citoyen dont ils voyaient quand même les bénéfices, et puis des gestionnaires qui n’avaient pas l’air de comprendre fondamentalement ce qui se passait. D’autre part, ils ont demandé à leurs gestionnaires de réseaux de leur donner plus d’informations et là aussi la question de l’information est assez vitale en France aussi et va continuer à l’être pour un certain temps autour de cette question des réseaux.
Et les demandes n’ont pas été formidables, de sorte que là où les réseaux avaient été concédés, parce qu’ils l’ont quelquefois été, il y a eu une génération de grandes concessions qui sont venues à terme et des villes ont décidé de les reprendre. C’est ce qu’on a appelé la recommunalisation. Là où les « Stadtwerke » avaient gardé la totalité de leurs pouvoirs, elles ont passé des alliances assez fertiles qui les ont transformées avec ces nouvelles parties prenantes de l’énergie. On a vu émerger un nouveau système qui ensuite s’est déroulé de manière très puissante puisque, comme vous le savez peut-être ou pas tous, en Allemagne, le concessionnaire des réseaux en est propriétaire. Donc, quand un réseau change de main, il faut le racheter, ce que les communes ont fait. Les gens en France disent toujours : « Mais où est-ce qu’ils ont trouvé l’argent ? » Ils ont trouvé l’argent, parce que pour une banque, c’est un rêve de prêter de l’argent à une commune pour racheter un réseau. Donc, elles ont racheté ces réseaux.
Des centaines de milliards d’euros d’actifs sont repassées en main publique municipale. Et elles ne se sont pas arrêtées là. Il y a par exemple une entreprise qui s’appelle Thüga qu’Ulrich Benterbusch connaît bien, qui avait été créée il y a à peu près un siècle d’ailleurs, mais qui s’était beaucoup développée pour mutualiser les savoir-faire entre les entreprises locales. C’est-à-dire qu’en gros Thüga prenait une participation minoritaire au capital d’une « Stadtwerke » et lui apportait une sorte de soutien à la carte sur son développement. Cette société, filiale d’E.ON, E.ON l’a vendue, et ce sont les municipalités qui l’ont rachetée. Les municipalités ont absorbé en quelque sorte les superstructures industrielles qui s’étaient créées, pour d’une certaine manière recentraliser quand même la gestion de l’énergie.
Et donc, voilà l’importance et la force de ce qui s’est passé et de ce qui se passe en Allemagne avec les problèmes qu’on connaît. Et la situation aujourd’hui est assez paradoxale, parce que ces « Stadtwerke » ont finalement gagné presque toutes les batailles en termes de pouvoir de marché, de place et d’influence. Et elles sont en même temps dans une situation qui n’est pas facile. Si vous lisez la presse allemande en ce moment, vous verrez des articles sur « Stadtwerke en état d’urgence ou de danger ». Pourquoi ? Parce que comme nos structures françaises, elles sont aujourd’hui confrontées à des défis de productivité essentiellement auxquels elles n’ont pas eu véritablement à faire face jusqu’à présent, parce que les régulateurs serrent la vis, parce que le commerce de l’énergie est un métier difficile et risqué, et parce que quoi qu’on en dise, l’innovation est multiple chez eux.
Elle est présente dans la location de vélos électriques ou les premiers pas des « smart grids », mais elle ne crée pas pour ces entreprises une valeur qui compense l’argent qu’ils sont en train de perdre sur leur cœur de métier. C’est une chose et ça va faire un lien avec quelques réflexions que je vais partager avec vous sur la transition française. Ce sujet de la productivité aujourd’hui, il est essentiel. Une remarque qui éclaire bien, la plupart des « Stadtwerke » aujourd’hui si vous allez sur leur portail, faites-le, c’est intéressant, vous verrez qu’elles sont extraordinairement créatives, proches des citoyens, avec des propositions de services.
Elles sont en train de devenir en fait le gestionnaire énergétique, généraliste, des villes dans lesquelles elles se trouvent et de proposer des services, et c’est très bien. Quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit qu’elles ont un peu toutes la même stratégie quand même, et que les performances sont très différentes, parce qu’il y a derrière ça des sujets de gestion dont on ne parle jamais dans les colloques humanistes que nous aimons bien tous, mais qui sont des sujets fondamentaux et très lourds sur quoi elles doivent progresser. Il n’y a pas d’avenir créatif dans l’énergie pour ces sociétés locales si elles ne relèvent pas le défi de la productivité. C’est ça, la variable qui détermine leur capacité d’agir.
L’étape de décentralisation énergétique la plus importante
Alors, qu’est-ce qui se passe en France et en quoi est-ce que ça éclaire ce que nous essayons de faire ? J’ai dit qu’on vivait l’étape de décentralisation énergétique la plus importante depuis 1906 par l’effet essentiellement de trois lois qu’au Sénat on connaît bien, et qui ont passé pas mal de temps au palais du Luxembourg : la loi MAPTAM sur les métropoles qui a été votée en janvier 2014, les deux lois qui sont en train d’être votées, la loi NOTRe, la loi de transition énergétique. Par la combinaison de ces trois lois, les intercommunalités françaises, c’est-à-dire les métropoles, les communautés urbaines et l’agglomération, mais aussi les syndicats départementaux d’énergie et d’électrification qui sont les syndicats concédants de nos amis d’ERDF et qui sont des intercommunalités, et qui existent dans à peu près la moitié des départements, sont les autorités organisatrices de l’énergie.
Elles vont avoir tous les pouvoirs sur la maîtrise de la demande en énergie, les réseaux de chaleur, et qui dit les réseaux de chaleur dit toutes les énergies thermiques en amont, l’efficacité thermique des bâtiments en aval, et très vite à mon avis, et on ne voit pas ce point encore venir, mais c’est peut-être le plus important, l’articulation avec les réseaux électriques. Parce que les « smart grids » sont des réseaux multi-énergie. Ils ont la main sur les réseaux de chaleur. Ils ont la possibilité d’investir directement dans la production d’énergie renouvelable. Et donc, il y a un ensemble de pouvoirs finalement assez cohérents, qui s’articule aujourd’hui avec le monopole national d’ERDF et de GRDF, qui donne naissance à une situation entièrement nouvelle. Alors, il y a un défi formidable qui est également un défi de gestion.
Les métropoles qui vont être un peu l’avant-garde de cette évolution – aujourd’hui, il y en a 14 dans les plus grandes villes françaises – réfléchissent à ce que va être le service public de l’énergie. La métropole de Grenoble a lancé un appel d’offres dont on nous dit que nous l’avons gagné pour construire et inventer le service public de l’énergie de demain. Parce que tous ces pouvoirs, les villes françaises, contrairement aux villes allemandes, n’ont pas les vecteurs et n’ont pas l’organisation qui leur permet aujourd’hui de plain-pied de les exercer directement. Et c’est un défi absolument formidable. Pour ne prendre que deux ou trois questions importantes, la digitalisation dont on parle beaucoup ne pourra pas rester sans effet sur la façon dont ces services publics vont se construire.
Les villes gèrent aujourd’hui un certain nombre de services qui eux-mêmes se digitalisent. Ils gèrent des services d’information géographique qui ne sont pas toujours connectés avec ceux des distributeurs d’énergie. Tout ça ne va pas pouvoir rester en l’état. Il va y avoir une reprise en main par ces intercommunalités du pilotage, de l’énergie à coup sûr, et qui va passer par de nouvelles manières de travailler pour l’ensemble des acteurs. Et notamment, par une nouvelle manière de travailler des distributeurs nationaux. Je parlais de la question de l’articulation des réseaux de chaleur et des réseaux d’électricité. Nous travaillons dans un contrat de sept ans avec l’Etablissement public de Paris Saclay sur le développement du réseau de chaleur et de froid du plateau de Saclay qui est un des projets les plus innovants en matière de transition énergétique en France.
Réseau géothermique qui deviendra un « smart grid » s’il en est puisqu’il va desservir des bâtiments qui sont tous des îlots énergétiques ultraperfectionnés. On voit poindre assez vite la question de l’articulation de ce réseau de chaleur avec les réseaux électriques, l’essentiel de la gestion de l’intermittence demain, à mon avis, et quand je dis demain, c’est pour les dix ou quinze prochaines années, ne se fera pas tellement par les techniques de stockage électrique – on en parlait l’autre jour avec la recherche d’EDF – mais se fera plutôt par des articulations avec les systèmes thermiques, pompes à chaleur, cogénération énergétique des bâtiments. Donc, sujet très important, les communes ont la main sur les réseaux de chaleur. Elles peuvent les déléguer. Elles peuvent aussi les reprendre en gestion. Mais dans les deux cas, elles ont la main.
Nouvelles articulations entre les réseaux d’électricité et de gaz et les réseaux de chaleur. Ce sont donc ces approches systémiques qui vont se développer sous une contrainte de productivité assez forte. En Allemagne, par une adaptation qui doit se faire et qui n’est en réalité qu’amorcée. On en parle aujourd’hui, parce que, encore une fois, on a l’impression qu’elles ont gagné plusieurs batailles, et c’est vrai pour les raisons que j’ai dites. En même temps, je connais beaucoup de patrons de Stadtwerke, je vous assure qu’ils sont en situation d’anxiété aujourd’hui par rapport à leur activité. Et en France, c’est plus qu’une adaptation, c’est véritablement une invention d’un nouveau service public de l’énergie dans une économie générale qui est différente, dans une économie de la production d’électricité qui est différente. Il ne s’agira pas du tout de transposer tel quel le modèle allemand, belge ou néerlandais. Mais en revanche, il y a énormément à apprendre pour nous de ce qui se passe dans ces entreprises décentralisées qui, tout de même, pour une part, préfigurent des possibilités et des difficultés, il y a toujours les deux, auxquelles on va maintenant s’attaquer.
Je conclurai sur un point qui me paraît très important derrière le mot de décentralisation énergétique qui est plus consensuel qu’il n’était. Quand je présidais un groupe d’experts du débat national, il y avait encore des gens qui trouvaient que la décentralisation énergétique, c’était une mode coûteuse et un peu farfelue, je crois que c’est un discours aujourd’hui qu’on n’entend plus. En revanche, il y a une vraie question aujourd’hui très importante qui est : est-ce qu’on veut l’individualisme énergétique ? A quoi conduit une certaine pensée de l’autarcie énergétique à une échelle de plus en plus petite, vécue comme un optimum ? Ce qui est à mon avis une pensée fausse et dangereuse et qui a beaucoup animé les pionniers de la transition énergétique. La parité réseau, c’était le Graal. La parité réseau, c’est quoi ? C’est dire : je fais mon truc dans mon coin. Je me déconnecte. On aura beaucoup de mal à faire des infrastructures collectives sur cette pensée-là.
Quand tous ceux qui ont les moyens de le faire se seront déconnectés, il faudra s’occuper de ceux qui ne peuvent pas produire de l’énergie chez eux, qui sont dans des immeubles collectifs. Mutatis mutandis, je parlais de Saclay, c’est la même problématique. A Saclay, tout le monde est arrivé, l’Ecole polytechnique, les grandes écoles, les centres de recherche. Tout le monde est arrivé avec des gourous de l’énergie en disant : on n’a besoin de rien. Et puis, on a fait un travail profond pour leur montrer qu’il fallait une infrastructure collective, qu’il fallait mutualiser les choses, que ça avait du sens sur un plan économique et sur un plan énergétique. Je trouve que c’est le débat le plus intéressant de cette décentralisation énergétique, c’est qu’effectivement il faut décentraliser, mais il faut à mon avis inventer des formes de gestion collective et communautaire qui sont les vraies formes d’avenir et pas se laisser entraîner dans une sorte de confusion qui est de rechercher l’autarcie à un niveau de plus en plus faible.
Cyril Roger-Lacan,
Président de Tillia