J’espère contribuer modestement au réveil des consciences, mais je vais peu parler du Brésil. Pourtant, nous avons beaucoup travaillé ; nous avons amélioré de 70 % l’efficacité énergétique, avons réduit les émissions de GES d’environ 40 % par rapport à 1990. Tout cela, c’est sur Internet. Je voudrais plutôt mettre l’accent sur six points :
1/ Je n’étais pas inquiet sur le fait qu’il y aurait un accord en décembre dernier à la COP21, du fait des acquis technologiques et du travail des diplomates. C’est une très bonne chose pour tous et notamment pour la Présidence française.
2/ Cet accord sera-t-il efficace ? On ne peut qu’émettre des sérieuses réserves sur la possibilité de maintenir la hausse des températures en dessous de 2 °C, mais l’importance de cet objectif ne doit pas être surestimée. Nous devons prévoir un mécanisme évolutif permettant à la communauté internationale de prendre les engagements adéquats à mesure que le sentiment d’urgence touchera la conscience des sociétés, les opinions publiques et les responsables politiques. C’est pourquoi nous avons proposé à Lima un mécanisme dit de « différenciation concentrique » dans lequel les pays se rapprocheront librement et progressivement de démarches contraignantes.
3/ Il faut de l’ambition, en dépassant les objectifs liés à la carrière de chacun ou à la réélection des responsables politiques. L’intérêt de nos enfants, de nos petits-enfants et des générations suivantes doit primer. Ainsi, il faut laisser le charbon et l’énergie fossile dans le sol, même si le charbon, par son abondance et son faible coût, est économiquement rentable. Arrêter le nucléaire pour le remplacer par du charbon et du gaz, c’est suicidaire. La régulation des marchés n’est pas suffisante à cet égard. C’est pourquoi il faut changer de modèle énergétique, voire de modèle de société, en dépassant le consumérisme et la financiarisation de l’économie.
4/ Les pays développés, notamment l’Occident, doivent éviter la posture moralisatrice de donneurs de leçons, de ceux qui ont compris les problèmes et savent ce qu’il faut faire pour les résoudre. Cela ne marche plus ! Cela a donné Copenhague 2009 ou Rio de Janeiro, où certains s’acharnaient à mettre en place une organisation mondiale de l’environnement dont la majorité des pays ne voulaient pas : ni la Chine, ni les Etats-Unis, ni les pays émergents, ni le groupe des 77. Il faut cesser de perdre ainsi du temps et aller directement vers les vrais sujets de négociation.
5/ En ce qui concerne la « mitigation », il faut d’abord remarquer qu’il s’agit d’un terme souvent mal compris ; j’ai rencontré des spécialistes qui ne savaient pas exactement ce dont il s’agissait. On peut aussi parler d’adaptation. Il s’agit de prendre conscience que le climat va se réchauffer et que de nombreux pays, notamment parmi les plus pauvres, vont en souffrir, surtout si les mesures nécessaires n’ont pas été prises en temps utile et si les outils leur permettant de s’adapter ne sont pas disponibles. Un exemple intéressant est aujourd’hui fourni par Haïti, qui a été presque totalement déboisé pour permettre à ses habitants de faire la cuisine. La surface du sol, c’est du silex à 90 % ; les pluies entraînent des ruissellements rapides qui aggravent l’appauvrissement du sol. Si l’action internationale ne permet pas de proposer des solutions efficaces à de tels pays défavorisés, on voit mal ce qui pourrait inciter leurs habitants à participer à l’effort de maîtrise du réchauffement climatique.
6/ Gardez l’universalité. Ne succombez pas à la tentation de faire un petit cercle restreint de sages. Une telle démarche renforce inévitablement les inégalités et ne peut pas donner des résultats satisfaisants. Le principal problème du réchauffement climatique, ce n’est pas la technique qui permettra de compter les particules de carbone, c’est de venir en aide à ceux qui sont les plus fragiles, à ceux dont le sol est dégradé. Et puis, il faut arrêter de prendre les habitants des pays pauvres pour des imbéciles. Rappelez-vous les débats sur le traitement du sida. Le Brésil a toujours défendu l’idée que la trithérapie devait être diffusée dans tous les pays. Mais de nombreux experts voulaient réserver la trithérapie aux pays riches, considérant que les habitants du Sud étaient incapables de gérer des traitements aussi complexes et que l’existence d’une thérapie efficace allait les dissuader de prendre les mesures préventives, y compris au moment où existerait un vaccin. Or tout montre aujourd’hui qu’il faut combiner la prévention et la thérapie et que l’une et l’autre se renforcent mutuellement car chacune est porteuse d’espoir. Pour le climat, c’est la même chose : il faut combiner la prévention, l’adaptation et la mitigation.
Achilles Zaluar
Ministre-conseiller, Ambassade du Brésil à Paris