L’un des enjeux cruciaux pour le développement d’un réseau électrique européen optimisé est la mise en œuvre de coopérations techniques transfrontalières en matière de distribution. La complémentarité entre le marché français, dont la forte concentration favorise la recherche et développement, et le marché allemand, dont la décentralisation encourage l’innovation et les initiatives locales, offre de réelles opportunités à cet égard et devrait permettre aux deux Etats d’être moteur d’une intégration européenne dans ce domaine.
Les transitions énergétiques en cours dans les différents pays de l’Union européenne modifient profondément le fonctionnement des réseaux énergétiques.
Le premier enjeu résultant de l’accroissement de la part des énergies renouvelables dans les mix énergétiques est l’intermittence (ou variabilité) de ces sources d’énergie, dont les modèles de prévision diffèrent assez fortement de l’une à l’autre (entre énergies solaire et éolienne d’une part, et énergies hydraulique et hydrolienne d’autre part).
Le second enjeu est lié à l’accroissement des flux bidirectionnels sur les réseaux, résultant de la multiplication et de la décentralisation des lieux de production.
Le premier est pallié, en l’état, par un recours aux énergies hydrauliques, notamment en France, ou fossiles, notamment en Allemagne. A cet égard, les centrales à cycle combiné gaz constituent vraisemblablement, à court et moyen terme, un complément de réponse crucial, compte tenu de la rapidité de leur montée en puissance, mais aussi de leur compatibilité avec les biogaz, peu émettrices de gaz à effet de serre. Il reste néanmoins à établir de véritables marchés de capacités, afin de garantir la viabilité économique de ces moyens de production. A long terme, à l’horizon 2030, un autre complément de réponse prend la forme du stockage de l’énergie, notamment sous forme d’hydrogène ou de batteries.
Au-delà des adaptations technologiques en matière d’équipements des postes électriques, le second enjeu exige une gestion intelligente des réseaux, qui soit en mesure d’assurer prédictibilité, adaptabilité et réactivité des réseaux. Maîtrisant toute la chaîne de valeur de l’électrification, Siemens propose des solutions qui répondent aux besoins croissants de planification, d’analyse, de simulation en temps réel, de sécurité, de protection et de contrôle des réseaux, exprimés par les des exploitants et gestionnaires de réseaux.
Le développement de la part des énergies renouvelables dans les mix énergétiques exige un accroissement des échanges transfrontaliers.
L’un comme l’autre de ces enjeux exige aussi un accroissement des échanges transfrontaliers, par le développement des interconnexions à haute puissance entre Etats européens. En effet, si les réseaux de transport sont connectés, le volume des échanges, notamment électriques, est amené à progresser.
La liaison Inelfe très haute tension, qui porte de 1,4 à 2,8 GW la capacité du réseau France-Espagne et dont Siemens fournit les stations de conversion courant continu/alternatif, a valeur d’exemple. La capacité accrue d’échange d’électricité entre les deux Etats apporte au développement des énergies renouvelables une plus grande sécurité et renforce leurs sécurités d’approvisionnement respectives. De la même façon, la liaison entre la Grande-Bretagne et la Belgique permettra de diversifier les débouchés pour l’énergie éolienne produite en mer du Nord.
Une véritable programmation pour la mise en place d’un réseau intégré est nécessaire, compte tenu des délais de réalisation des projets d’interconnexion.
Un approfondissement des échanges transfrontaliers permettrait une allocation plus efficiente des moyens d’exploitation des énergies renouvelables sur le territoire européen.
Une étude de Siemens de 2013 souligne le caractère sous-optimal de l’exploitation des énergies renouvelables et plaide pour une allocation des moyens de production en fonction des conditions climatiques et géographiques, notamment en termes d’ensoleillement, de régime des vents ou des courants marins.
Une telle spécialisation énergétique des Etats permettrait de maximiser le rendement des moyens de production et de réduire les coûts d’exploitation et ce faisant les subventions publiques : en postulant que 50 % des projets couverts par l’étude répondent à cette spécialisation, 30 Mds d’euros d’économies pourraient être réalisés sur la période 2010-2030. Par ailleurs, cette spécialisation permettrait une meilleure stabilisation de la tension sur les réseaux de transport et de distribution.
Il importe de créer un cadre favorable aux coopérations industrielles et de recherche et développement, afin de soutenir les investissements nécessaires au développement des réseaux.
Les coopérations sont cruciales pour favoriser la transition énergétique de l’Union européenne et elles doivent s’accompagner du décloisonnement du marché européen de l’énergie et d’une unification des règlementations.
Cette harmonisation des règlementations permettrait aux différents industriels européens de disposer d’un marché plus important, de se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs, et ainsi de générer des économies d’échelle permettant de faire baisser les coûts des projets. La réalisation récemment mise en service à Westermost Rough au Royaume-Uni dans le domaine de l’éolien offshore démontre que les réalisations industrielles conjointes le permettent. En effet, de nombreux acteurs complémentaires interviennent : l’énergéticien est danois, la plate-forme est fournie par STX de Saint-Nazaire, les postes blindés sont fournis par Siemens.
Une vraie coopération s’est mise en place côté réseaux de transport avec l’ENTSOE (association de gestionnaires européens de transport), interlocuteur de référence auprès des institutions européennes, qui a lancé de multiples projets en matière de coopération, d’infrastructures et de R&D. Ce modèle pourrait être dupliqué pour les réseaux de distribution, sur lesquels se concentrent dorénavant une grande partie des enjeux liés aux énergies renouvelables, par l’intermédiaire d’associations comme l’EDSO4SG (European Distribution System Operators for Smart Grids). De même, se constituent en France de véritables pôles de réflexion regroupant les acteurs de cette évolution, à l’instar de REI (Réseaux électriques intelligents).
Christophe de Maistre
Président de Siemens France