sous la direction d’Henri Leridon,
aux éditions INED, les Manuels.
Aussi loin que l’on regarde, la fécondité va de soi (la mortalité infantile faisant le reste), la procréation est une pratique religieuse, la descendance une assurance pour l’avenir. Il a fallu attendre le XVIIe siècle et le pragmatisme britannique pour que William Petty crée l’« Arithmétique politique ». Il fut le premier, suivi de quelques-uns de ses compatriotes, à penser que les variations de la population en Europe méritaient de sortir des considérations de la morale ou de la philosophie… Les sciences sociales naquirent ainsi. Même si l’on n’est pas près de considérer la vie hors le champ des valeurs, on a créé de nombreux modèles mathématiques estimables. Ils ont des sujets plus vastes, souvent en relation avec l’économie : la croissance, la démographique, l’optimum de population, le vieillissement, les migrations et l’évolution des mœurs… En arriver là demanda du temps, la plupart des résultats utiles nous sont à peu près contemporains.
Ce livre donne la parole en 23 chapitres à presque autant d’auteurs différents (beaucoup sont anglophones donc traduits). Il expose des points de vue très variés que l’auteur, aidé de plusieurs autres, réussit à mettre en ordre. La dernière partie se veut de les rassembler. Pour donner un exemple simple de théories controversée rappelons celle des « populationnistes » (multiplier les hommes équivaut à multiplier les richesses), opposée au malthusianisme…
Beaucoup de travaux ont abouti à des diagrammes qui donnent la corrélation (sinon la relation de cause à effet) entre différentes variables. Pour la société occidentale, par exemple, la cohabitation hors mariage, l’acceptation de celle-ci par la société, ou la consommation du couple influent sur la fécondité dans les pays considérés.
Il est intéressant en particulier de lire que l’émancipation des femmes est la conséquence et non la cause d’une variable appelée la diminution relative des revenus du « chef de famille », quand ce n’est pas son absence pendant les deux guerres mondiales. Celles-ci ont entraîné l’arrivée des femmes sur le marché du travail, donc la possibilité pour elles de subvenir à leurs besoins. Cette diminution relative reste vraie un siècle plus tard avec les aspirations à plus d’aisance de la classe moyenne. Ce changement de comportement se poursuit : moins d’enfants qu’il faudrait confier à quelqu’un d’autre, désir de carrière chez les femmes plus âgées, moindre volonté de fonder une famille chez les femmes jeunes. Ce qui s’appelle une modification de la structure d’âge (les femmes qui travaillaient « à l’extérieur » jeunes ne travaillaient plus une fois mariées, d’autre part les jeunes hommes travaillent plus tard).
En conclusion, personne dans cet ouvrage, malgré des exposés très documentés, ne prétend avoir trouvé la clé de la fécondité présente et future. La place dans l’échelle sociale, les politiques d’Etat, les croyances, la situation géographique sont autant de discriminants. Reste le choix personnel d’avoir un ou des enfants à un moment donné. Mais la tendance est nette d’une diminution générale de la fécondité ; heureusement sans doute pour la planète !
Jeanne Perrin