L’œuvre du peintre Avigdor Arikha trouve qualité en sa part de silence, celui du cri sourd d’un journal intime et l’écho d’une blessure collective. Né en Roumanie Bucovine, il incarnait le souffle de ceux qui connurent les déchirements du siècle dernier : subissant la persécution antisémite nazie, ce sont ses dessins auxquels il dut la vie sauve, libéré d’un camp de concentration par les membres d’une délégation de la Croix-Rouge ayant repéré ses planches sur la vie d’un déporté.
Rescapé du lieu où il vit son père mourir, il suivit ensuite des études d’art successivement à la Bezalel School of Arts de Jérusalem et aux Beaux-Arts de Paris, ville dans laquelle il s’éteindra en 2010. Cette histoire se ressent dans son œuvre, d’abord en ses gravures sombres, au plus profond de l’abstraction de ses natures mortes et dans le trait frénétique de ses figurations à l’huile. De 1973 à la fin de sa vie, Avigdor Arikha livre la puissance galvanique des visages qu’il capte dans la profondeur du réel. A recenser les autoportraits qu’il réalisa tout au long de sa carrière, on s’incline devant une palette sobre, un voyage introspectif à la hauteur de ses pères de l’école de la Sécession viennoise (Gustav Klimt, Egon Schiele, Oskar Kokoschka…) et dans le spectre de Lucian Freud (1922-2010), son contemporain. Seul face à sa toile, le peintre possédé par son art réunit l’humain face à la trace de la mémoire, la pérennité du souvenir pour atteindre la célébration, éphémère, de la vie.
« La peinture commence là où les mots s’arrêtent. Je ne peins pas à partir de la peinture, je peins de la vie. » (Avigdor Arikha, 1985)
En 2008, Avigdor Arikha a fait don d’un grand nombre de ses estampes à la BnF qui lui consacre ensuite une rétrospective inédite de son œuvre gravée. Ses peintures font actuellement l’objet d’une exposition à la Malborough Gallery de Londres. De 1983 à 2010, son art traverse les plus grands lieux de l’art : Madrid, New York, Tokyo, Tel-Aviv, Venise, Paris (notamment au Grand Palais en 1983 et au Centre Pompidou en 1997), ce qui lui vaut une reconnaissance internationale.
Aurélie Caillard