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Arikha et la France

Revue Passages Publié par Revue Passages
24 juin 2018
dans Non classé
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Arikha et la France
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Les talents de dessinateur d’Avigdor Arikha furent reconnus alors qu’il n’était âgé que de douze ans. Il était alors interné dans un camp de concentration en Ukraine. On lui avait trouvé du papier, des pinceaux faits avec des cheveux, et un ami de son père (qui avait été battu à mort), présent également dans le camp, lui avait fabriqué une reliure. En 1944, alors qu’il avait 14 ans, il fut l’un des quelque 1 500 enfants sauvés par l’Aliyat Hanoar et la Croix-Rouge ; sous un autre nom, Arikha put fuir en Palestine et il fut établi dans un kibboutz à Jérusalem où, là aussi, son talent de dessinateur fut rapidement reconnu. Il travaillait le matin dans le kibboutz, allait à l’école, et étudiait l’après-midi à l’Ecole des Beaux-Arts de Bezalel de Jérusalem (Bezalel étant le peintre mentionné dans la Bible). Par la suite, après la fin de la guerre de 1948 et la naissance officielle de l’Etat d’Israël, il put envisager de partir pour la France grâce à une bourse d’étude établie par la fondatrice de la Youth Aliya, Henrietta Szold – en effet, en 1949, la France semblait être encore la capitale de la peinture, qui avait accueilli quantité de peintres des quatre coins du monde. A l’école de Bezalel, la première année était consacrée exclusivement au dessin. Son enseignant, le peintre Mordecai Ardon, issu du Bauhaus, disait à ceux qui s’impatientaient de se tourner vers la peinture à l’huile : « Quoi, vous voulez dépenser ce que vous ne possédez pas encore ? »

Dans le cursus de Bezalel, où l’on apprenait ce qui éventuellement pourrait servir à gagner sa vie, les professeurs, beaucoup d’entre eux comme Ardon ayant fui l’Allemagne et étant imprégnés de la méthode du Bauhaus, enseignaient les arts graphiques, l’art de l’affiche, la calligraphie, la lithographie et les techniques de la gravure telles que l’eau-forte et le burin. Arrivé à Paris, où il rencontra de nombreux peintres, écrivains, philosophes et historiens d’art, Arikha fut en fait déçu par l’enseignement académique qu’il rencontra aux Beaux-Arts. Les professeurs ne venaient que deux fois par semaine, faisant simplement quelques corrections et quelques critiques. La seule chose qu’Arikha apprit durant cette période fut l’art de la fresque. La technique de l’affresco imposait une exécution rapide de la composition, puisqu’il fallait terminer le plâtre en une seule séance avant qu’il ne sèche, selon le dessin sous-jacent tracé au préalable au charbon sur le plâtre frais. Cette technique servit de base à Arikha lorsqu’il commença à dessiner et à peindre : il adopta le principe de finir tout en une seule séance, qu’il appliqua dès lors comme un mantra.

C’est encore à Bezalel qu’Arikha découvrit les grandes œuvres des peintres espagnols, français, italiens, allemands, hollandais, ainsi que celles de Cézanne, Picasso, Kandinsky – mais uniquement en reproduction. Cézanne était considéré comme l’incarnation par excellence du grand peintre, de même que Picasso, avec son Guernica accroché aux murs. Ainsi, tout juste débarqué à Paris de Marseille, Arikha déposa sa valise dans la chambre que l’organisation de l’Aliyat Hanoar, qui l’avait sorti des camps, avait réservé pour lui et alla droit au Louvre. Il était 7 h 30 du matin et le Louvre n’ouvrait ses portes qu’à 9 h. Il s’allongea alors sur les marches du Louvre et s’endormit. Une fois les portes ouvertes, il racontait qu’il courut comme une animal, ne sachant pas sur quel tableau – vu seulement en reproduction en Israël – se concentrer le premier. Il observa Giovanni di Paolo, puis Patinir, puis les Raphaël, etc. Il était, selon ses propres termes, presque ivre de peinture. Dès lors, il fréquenta tous les musées du matin au soir et commença à copier les maîtres.

Il voyagea en Italie, dormant sur les bancs quand c’était nécessaire, et en Scandinavie. Il se fit connaître des magasins de couleurs (Sennelier, Gattegno, Académie de La Grande Chaumière, etc.), ainsi que des ateliers de gravure comme Franck Bordas, qui se souviennent encore de lui 50 ans après. Les galeristes commencèrent à le reconnaître, les collectionneurs aussi. Il obtint la citoyenneté française grâce à l’initiative de quelques conservateurs avec lesquels il travailla au Louvre. Dans cette institution, ces derniers l’acceptèrent comme l’un des leurs. Il prépara deux grands dossiers : un sur Poussin, sur lequel il travailla durant trois ans, et un autre sur Ingres, qui lui prit deux ans. D’Ingres, il retint les paroles sur le dessin toute sa vie : « Le dessin est la probité de l’art. » Michel Laclotte, alors conservateur en chef et directeur du département des peintures, lui demanda pourquoi son choix s’était porté sur Ingres et sur Poussin, des peintres si distants de ses principes, et non pas sur Velázquez ou Caravaggio. Il répondit alors : « Parce que les Français ne les aiment pas assez, ils ne figurent pas au hit-parade de leurs artistes favoris. »

On lui donna un bureau au Louvre pour achever ses études. Il contribua aux projets en cours dans presque tous les départements du Louvre, ainsi qu’à la restauration des peintures au C2RMF. Il donna des conférences au musée, à l’initiative de Françoise Viatte, alors conservatrice du département des arts graphiques, sur la sanguine et autres techniques du dessin. Il donna également des conférences à la Frick Collection de New York, à Princeton, à Yale, à Houston, à Londres, au Prado à Madrid. Ses dessins furent exposés au musée de Lille et au British Museum de Londres.

Devant un tableau de maître, Arikha jugeait si le peintre savait dessiner une main, un pied, un pétale. C’est la vision des pieds sales peints par Caravaggio dans la Résurrection de Lazare (1609, Musée régional de Messine), à l’exposition Caravaggio au Louvre en 1965, qui convainquit Arikha d’abandonner l’abstraction pour se tourner vers la peinture d’après nature. Une nuit, alors que nous nous promenions avec Beckett, nous rencontrâmes Giacometti à 3 h du matin devant Le Dôme de Montparnasse, et Giacometti, qui avait essayé pendant des années de convaincre Arikha de retourner au dessin, lui demande alors : « Tu ne devrais pas faire de l’abstrait. Puisque tu sais dessiner, pourquoi ne dessines-tu pas d’après nature ? Et pourquoi ne dessines-tu pas davantage ? » Par la suite, Arikha fit son portrait (collection inconnue) et Giacometti lui offrit alors un portrait de son choix en échange. En 1965, année phare dans le parcours d’Arikha, il rencontra Giacometti dans la même rue (même scénario, mêmes acteurs) et lui dit : « Alberto, tu avais raison ! Plus d’abstraction, je dessine maintenant, d’après nature ! » Mais Alberto, qui était déjà faible et malade, mourut en 1966, soit un an plus tard, sans avoir vu ses dessins.

Les critiques d’art de toutes ses périodes – figurative, abstraite, d’après nature – ont admiré son travail : Pierre Cabanne, André Fermigier pour Le Monde, John Ashberry, Robert Hughes pour Time, Barbara Rose, etc., et ce bien qu’ils fussent proches de la tradition picturale de leur temps.

Que ce soit pour dessiner à la pointe d’or, d’argent, au graphite, au charbon, Arikha mettait des gants spirituels, tout comme le faisaient les maîtres du sumi chinois et japonais avant de poser le pinceau sur le papier. Et il aimait tous les papiers : papiers velours, papier gras, Arches, Fabriano, parchemin pour lequel il avait des pinceaux spéciaux, comme d’autres artistes de tous temps, comme l’a démontré Nathalie Coural dans son exposition Le papier à l’œuvre.

C’était pour Arikha une nécessité de finir une œuvre en une seule fois. Durant la guerre, entre deux explosions, il dessinait des soldats dans différentes positions. A ses côtés se trouvait un enseignant de Bezalel. Il regardait la rapidité avec laquelle Arikha dessinait durant les pauses et il lui disait, d’un ton ferme et très grave, ce qu’il avait déjà dit à d’autres élèves : « Pense que tu risques de mourir avant de finir le trait, que ce trait sera peut-être le dernier que tu feras, donc il doit être parfait. » Arikha avait alors à peu près 17 ans. C’est précisément la leçon que les maîtres chinois et japonais enseignent dans le sumi : une fois que le pinceau touche le papier, on ne peut pas reprendre le trait. Cette leçon, il l’a portée en lui toute sa vie, même dans sa pratique de la peinture à l’huile : ne jamais se raviser. Pour cela, il fallait apprendre et maîtriser le matériel, respecter le papier, objectif qu’il n’a jamais abandonné. C’était la même contrainte qu’il s’imposait au quotidien : finir un tableau avant que l’esprit ou l’inspiration faillisse, que le chi pâlisse, avant que les bombes n’explosent et, quant à la peinture, avant que la lumière tombe.

 

Anne Atik Arikha, février 2015, dans Avigdor Arikha, Catalogue n° 644, Malborough Fine Art (London) Ltd, Salon du Dessin Paris 2015, p. 13.

 

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