Deux auteurs égyptiens sous un seul nom. Un style vif et rigoureux. Une rencontre exceptionnelle pour le lecteur ! Il ne faut pas la manquer.
Pour le monde musulman actuellement verrouillé, il est urgent de penser et d’agir en comprenant exactement les messages du Coran. Or le Coran est long, complexe, contradictoire, enseigné surtout en répétant des réponses arrêtées une fois pour toutes. Sachons bien que le Coran est créé et non incréé, qu’il n’est pas Dieu lui-même. Donc Mahmoud Hussein s’est attaché après un long travail à y mettre clarté et « suite dans les idées » tout en restant objectif. Et à diffuser, malgré d’évidents obstacles, ce qu’il a vu comme l’essentiel. Cette besogne accomplie vient alors ce petit livre qui, comme son nom l’indique, se place dans l’actuel et dans le politique au sens noble du terme.
Après que l’ingérence occidentale du XXe siècle a accumulé les fautes et jusqu’à la guerre que nous connaissons, le camp de l’islam conservateur, soutenu par certains gouvernements, « prétend représenter l’islam vrai, celui des origines, et tient tous ceux qui s’y opposent pour des croyants perdus ». Ce camp veut instaurer un Califat conquérant la planète où les règles médiévales qu’il impose ouvrent aux pratiquant les portes du paradis et autorisent l’élimination des contrevenants… On verra que ce n’est pas là justement l’islam des origines…
L’autre camp, le plus nombreux, bien que discret, sait l’apport des « valeurs de l’humanisme moderne résolument inscrit dans le monde global du XXIe siècle »… On attend de lui qu’il contrattaque d’urgence ; qu’il démontre son attachement au temporel sans lequel le céleste n’a pas de sens. Qu’il admette qu’une lecture exacte de la parole de Mahomet est difficile à garantir. Donc qu’il faut la rechercher sans culpabiliser, voir les enseignements intemporels des textes comme bons et rejeter ceux qui sont circonstanciels. Et qu’il fasse donc « sauter le verrou » en trouvant sa liberté d’homme.
Un peu d’histoire : les musulmans entre 630 et 652 ont reçu en révélation des préoccupations métaphysiques qu’ils ignoraient, ne connaissant que les idoles des tribus. Des valeurs que le judaïsme et le christianisme avaient reçues déjà. Au début musulman veut dire adorateur du Dieu unique. Même si Dieu s’invite dans tout le quotidien, le Prophète ne demande pas un zèle intempestif. De plus c’est un chef spirituel avec les traditions du guerrier. Et les circonstances dictent son comportement. Ce qui va laisser des traces dans sa parole. De nombreuses citations de sourates dans le livre attestent que l’opportunité s’invite aussi. Mahmoud Hussein les explique.
Ainsi sont écrits à la fois des préceptes moraux et leur contraire. En ce qui nous occupe, tant la tolérance, la mansuétude que l’apologie de l’exclusion et de la violence. C’est de ces dernières que Daech retient les commandements. Il stigmatise ainsi les juifs et les chrétiens, soumet la femme et pratique l’esclavage. A la fin du IXe siècle déjà, ce courant traditionnel l’a emporté à nouveau sur celui de l’âge éclairé des califes de Bagdad. Ainsi, l’islam de la période médiévale, justement, est très dur. La fin du XIXe siècle connut l’éclosion d’une certaine réforme qui consiste seulement à admettre qu’il faut concilier Dieu et l’exigence de sa création.
L’homme d’aujourd’hui ne vit pas seul, il a des parents, des proches : il ne lui est pas facile de remettre en cause le dogme sans penser trahir les siens. Puissent nos contemporains être surs que la parole de Dieu n’est pas Dieu lui-même et un grand pas sera accompli dans le sens de la paix du monde…
Mahmoud Hussein
Gallimard
Jeanne Perrin