Bien sûr, il y a les lieux mythiques comme la Cour d’honneur du palais des Papes et le cloître des Célestins, mais les petits théâtres d’Avignon-Festival Off constituent une grande partie du charme du Festival. Dans ces salles secrètes situées dans toute la ville, les spectateurs échappent au soleil de plomb pour voir des acteurs dotés d’un vrai talent habiter la scène. Comme dans La Main de Leïla, les spectateurs sont transportés vers l’Algérie dans les années 1980, au moment où le pays subit de nombreuses convulsions. Dans le village de Sidi Fares, près d’Alger, le charismatique Samir (Kamel Isker) gère Harem Cinéma, un cinéma clandestin, un espace réservé aux hommes où les films ne sont pas censurés par le FLN. Un soir, la jeune Leïla (Aïda Asgharzadeh), la fille d’un général de l’armée, se glisse dans le théâtre déguisé en homme pour voir l’un des films interdits au grand public algérien. Samir découvre sa présence, et cela marque le début de leur romance. Sur la toile de fond de leur bonheur, on constate une pénurie constante de nourriture, des coupures d’eau et l’impossibilité de leur romance. Un compatriote dit à Samir, « Tant que tu cherches du sucre, tu ne cherches pas à faire la révolution. » Par ailleurs, il faut mentionner la performance d’Azize Kabouche, un peu comme un caméléon qui alterne les rôles d’un Humphrey Bogart algérien, d’une grand-mère algérienne (Ima), d’un professeur savant et d’un général effrayant, avec fluidité et bonne humeur.
Quand la nuit tombe, les ombres des amateurs de théâtre semblent immenses contre les murs des rues étroites d’Avignon, et certains sons comme le vent qui brosse les feuilles d’arbres énormes sont magnifiés à grand effet. Pascal Kirsch, le réalisateur de La Princesse Maleine, du poète belge Maurice Maeterlinck, choisit d’utiliser cette ambiance pour amplifier l’émotion de son spectacle. Dans le cloître des Célestins, l’un des plus beaux endroits du Festival, la scène est encadrée par deux grands arbres. La mort est omniprésente dès le début de la pièce. Une fête de mariage se déroule, mais le public sent que quelque chose de terrible est sur le point de se produire. De grands blocs de glace glissent sur la table et se cassent comme du verre contre le sol. Le public verra la princesse Maleine rencontrer sa terrible fin. La seule partie regrettable était d’entendre les membres de l’audience rire à la fin en raison de la coquetterie appliquée à l’interprétation des rôles. Il est dit que Maeterlinck est extrêmement difficile à représenter et que les acteurs ont eu du mal à trouver le bon ton qui préserverait la nature venimeuse de la pièce.
Une des pièces les plus ambitieuses du Festival était Les Parisiens d’Olivier Py. Adaptée du roman de 600 pages du réalisateur, pour quatre heures de spectacle impliquant dix acteurs jouant vingt rôles différents, la pièce était comme un défilé sans fin mais amusant, axé sur les thèmes de l’homosexualité, de la religion et de la politique. « Vous vivez mieux les évangiles que moi », dit un prêtre dominicain à une jeune lesbienne transsexuelle qui lutte avec passion et sans vergogne pour des causes sociales. Son commentaire est une référence à l’hypocrisie des groupes catholiques intégristes influents à Paris, dont les membres prétendent maintenir la vertu mais ciblent les homosexuels et les prostituées avec de la violence. Dans l’audience, l’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira était présente. Cela lui a sûrement rappelé l’année 2013, quand elle réveilla la colère des groupes de l’extrême droite et d’autres entités, en déposant devant le Parlement la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Enfin, il faut signaler le beau spectacle de Daniel Mesguich, Au bout du monde sur un texte d’Olivier Rolin, interprété avec le talent du metteur en scène et une Sterenn Guirriec malicieuse de charme et de séduction.
The Days and Nights of Avignon (Festival 2017) –
Of course there are the mythic places like the Cour d’honneur du palais du Papes and the Cloître des Célestins, but the smaller theatres of Avignon-Festival Off constitute a large part of the charm of the festival. In these secret rooms located throughout the city, audiences escape the blazing sky and the sun to see actors with real talent inhabit the stage. Like in La Main de Leïla, the spectators are transported to Algeria in the 1980s, at a time when the country was undergoing numerous convulsions. In the village of Sidi Fares, close to Alger, the charismatic Samir (Kamel Isker) manages Harem Cinéma, a clandestine cinema, a space reserved for men where the films are not censured by the FLN. One evening, the youg Leïla (Aïda Asgharzadeh), the daughter of a general of the army, slips into the theatre disguised as a male in order to see one of the films forbidden to the mainstream Algerian public. Samir discovers her presence, and it marks the beginning of their romance. In the backdrop to their happiness are constant food shortages, water supply cut offs, and the impossibility of their romance. A compatriot tells Samir, “Tant que tu cherches du sucre, tu ne cherches pas à faire la revolution”. Not be left unmentioned, the chameleon-like Azize Kabouche alternates between playing the roles of an Algerian Humphrey Bogart, an Algerian grandmother (Ima), a scholarly professor, and a terrifying general, with fluidity and a good sense humour.
When night falls, the shadows of theatre-goers appear immense against the walls of the narrow streets of Avignon, and certain sounds like the wind brushing through the leaves of enormous trees are magnified to great effect. Pascal Kirsch, the director of La Princesse Maleine, by Belgian poet Maurice Maeterlinck, choose to use this ambiance to amplify the emotion of his spectacle. In the Cloitre des Celestins, one of the most beautiful places of the festival, the stage is framed by two large trees. Death is omnipresent from the beginning of the piece. A wedding party is taking place, but the audience senses that something terrible is about to happen. Large blocks of ice slide off the table and shatter like glass against the ground. The audience will see Princesse Maleine meet her terrible end. The only regrettable portion was hearing audience members laugh at the end because of the coquetterie applied to the interpretation of the roles. It is said that Maeterlinck is extremely hard to represent and the actors experienced difficulty in finding the right tone that would preserve the venomousness nature of the piece.
One of the most ambitious pieces of the festival was Olivier Py’s Les Parisiens. Adapted from the director’s 600 page novel, lasting fours hours and involving ten actors playing twenty different roles, the piece was like an endless but amusing parade centered upon the themes of homosexuality, religion and politics. “Vous vivez mieux les évangiles que moi” says a Dominican priest to a young trans-sexual lesbian who passionately fights for social causes. His comment is a reference to hypocrisy of the influential Catholic groups in Paris whose members are shown claiming to uphold virtue but targeting homosexuals and prostitutes for beatings. Witnessed in the audience was the former minister of justice, Christiane Taubira.
Sonya Ciesnik, envoyée spéciale