Pour la France, pour la plus grande partie de l’Europe, c’est évidemment là, en Méditerranée, qu’est le lien prédominant avec une très grande partie de la planète.
La Méditerranée, jusqu’au xve siècle était notre seul lieu de développement. Jacques Cœur a assuré une grande partie du développement de la France grâce aux échanges économiques avec l’Égypte et avec le Proche-Orient. Aujourd’hui, bien sûr, les échanges existent avec l’ensemble du monde, mais la Méditerranée reste un lieu majeur.
L’énergie d’une part et l’eau d’autre part sont les domaines les plus importants dans l’évolution positive ou négative de ce secteur comme d’ailleurs dans le reste de la planète.
Et le lien entre eau et énergie, souvent peu mis en avant, est fort et essentiel pour aller dans un sens positif. On voit d’ailleurs cette faible mise en avant dans la négociation Climat où l’eau est peu présente.
L’eau, c’est la vie
Elle est à la base même de la planète, de l’espèce humaine, des espèces végétales et animales, et la moitié de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable ou à un assainissement.
Avec deux questions qui sont : la question de la quantité et celle de la qualité qui se heurtent à l’évolution démographique mondiale très forte aujourd’hui, en particulier en Afrique, et qui se heurtent aussi à l’évolution climatique.
L’énergie, quant à elle, est à la base du développement économique, elle est le véritable lien entre économie et écologie.
Sans l’énergie, pas d’économie. Mais selon le type d’énergie, elle est la base même de l’évolution du changement climatique avec ses conséquences majeures sur l’eau. Et qu’il s’agisse de la production d’énergie d’origine hydraulique, thermique ou nucléaire, l’eau s’avère toujours indispensable à l’énergie. Par ses aspects transfrontaliers, elle peut être une des sources de conflit. On voit bien les problèmes posés au Proche-Orient au niveau d’Israël, de la Jordanie, du Liban, de la Syrie.
L’énergie, quant à elle, est un besoin primaire à satisfaire sous peine de troubles politiques et économiques majeurs. N’oublions pas qu’environ 75 % de la population africaine n’a pas accès à l’énergie.
L’accès régulier à l’énergie (eau, électricité, gaz, pétrole, etc.) est indispensable à la stabilité d’un pays. Elle contribue à faire fonctionner les services publics (notamment écoles et hôpitaux) et le tissu économique. Elle est indispensable à la vie des populations. Sans cela, le secteur économique est nécessairement ralenti. Les populations qui en manquent, adoptent différentes stratégies pour se la procurer (marché noir, détournement, migrations), ce qui accroît encore le ralentissement. Et des tensions qui, une fois politisées, peuvent mener à des conflits et qui entraînent une destruction de l’infrastructure, plongeant la région concernée dans un cercle infini…
C’est là une approche traditionnelle des questions énergétiques abordées sous l’angle des conflits (armés ou non) que les individus déclenchent pour s’en emparer. Les ressources énergétiques sont alors des sources d’instabilités, de crises… Mais c’est également une vision limitée comme le montre le cinéaste et journaliste allemand, Carl Fechner dans son film Power to Change. Le réalisateur y montre comment « S’appuyer sur le vent et le soleil pour s’éclairer et se chauffer est un moyen de faire reculer les conflits. » Carl Fechner développe l’espoir d’une utopie moderne : acquérir l’indépendance énergétique grâce aux énergies renouvelables. Troquer un système énergétique fauteur de guerre contre une autonomie de production décentralisée d’éolien et de solaire facteur de paix et de développement. Cela ira dans le sens de la lutte contre le changement climatique.
Il y a bien sûr les énergies renouvelables : solaire et éolien mais il y a aussi l’énergie hydraulique avec des règles techniques particulières. Contrairement à de nombreux pays qui possèdent encore beaucoup de sites aménageables, la majeure partie des possibilités d’équipement des rivières a été utilisée en France.
Les effets d’un aménagement hydroélectrique sur l’environnement se manifestent en amont, dans la retenue et en aval. Un barrage en effet est un obstacle qui s’oppose au passage des particules transportées par le courant, à la migration des poissons et à la navigation. La retenue a aussi un impact physico-chimique et biologique sur les eaux emmagasinées dont elle fait évoluer la température, la teneur en oxygène, etc… Des dispositions compensatoires appropriées doivent donc être prises en contrepartie.
Mais dans tous les cas, neutraliser le caractère conflictuel de l’eau et de l’énergie pour en faire un facteur de paix et l’outil d’un développement économique responsable et durable est donc primordial.
C’est particulièrement important en Afrique, où les contrastes entre les formidables perspectives de développement économiques et la multiplication des zones de déstabilisation en font un foyer potentiel de crises majeures.
Et au-delà des investissements, nous devons confirmer nos liens, et le maintien de nos bases de Défense le permettra. Il faut en effet contribuer à la stabilisation de ces pays et à leur réel développement économique. Dans le cas contraire, les exodes massifs se poursuivront vers l’Europe en général et vers la France en particulier. C’est donc l’un des domaines les plus importants pour l’avenir à la fois de la France et des nombreux pays concerné.
En 2016, le ministre Jean-Louis Borloo expliquait déjà que : « 75 % des Africains et des Africaines n’ont pas accès à l’énergie. Or l’énergie, c’est le premier des droits fondamentaux puisque c’est l’accès aux autres droits, à l’eau, à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à la sécurité, à l’équilibre des territoires. » Et il résumait : « L’énergie en Afrique, c’est la démocratie et la paix. »
Mais au-delà, l’eau et l’énergie, c’est aussi la démocratie et la paix tout autour de la Méditerranée.
Serge LEPELTIER