Emmanuel Macron a brillamment remporté l’élection présidentielle face à une Marine Le Pen déconfite. L’élan venait d’En Marche et M. Macron a surpris, moins par sa victoire qui était annoncée, que par la force de caractère de ce nouveau venu à la politique qui défia le microcosme et les situations acquises. Pour en faire quoi ? C’est ce que nous nous emploierons à montrer après avoir analysé ses prouesses électorales.
Nous savons, que la cuvée électorale 2017 était fermentée. Depuis six mois, on annonçait chaque jour les progrès du Front national et le risque que ferait courir au pays la victoire du camp nationaliste. D’autant plus que Marine Le Pen séduisait des foules grandissantes en exhortant à la rupture radicale : sortie de l’euro, de l’Union européenne, de l’OTAN, réorientation diplomatique vers la Russie, démagogie sociale (retraite à 60 ans…). Symétriquement, l’extrême gauche habilement monitorisée par Jean-Luc Mélenchon semblait à l’unisson de cette rhétorique de rupture mais en l’agrémentant de fioritures révolutionnaires. Emmanuel Macron osa affronter sans ménagement et l’une, et l’autre, en montrant l’inanité, l’incongruité et l’anachronisme d’un catalogue de propositions séduisantes pour tous les laissés-pour-compte, mais qui auraient durablement ruiné la France. Comme dans une épreuve sportive, le plus osant conserve l’avantage : Macron a fait la course en tête du début à la fin, ruinant les arguments de ses adversaires tout en sachant que la révolte populaire exprimée par les extrêmes – et qui avoisine 40 % de la population – demeure et constitue une force politique d’inertie et d’instabilité sociale.
L’autre pari gagnant d’Emmanuel Macron résulte de la stratégie perdante des deux grands partis, le PS et Les Républicains, qui gouvernent le pays depuis la victoire de François Mitterrand en 1981. Le nouveau Président avait prédit un peu hâtivement la fin du clivage gauche/droite pour lui substituer une dichotomie nouvelle entre progressistes et conservateurs. À la vérité, et quoique ce pronostic macronien puisse être affiné, les deux grands partis ont failli du fait que leurs candidats issus des primaires ne pouvaient pas concourir valablement : François Fillon avait un programme cohérent, il fut lesté par des affaires personnelles en série et se montra inconséquent dans sa volonté d’élargir une base électorale trop restreinte ; Benoît Hamon était sincèrement engagé à promouvoir des avancées sociales mais il manquait de légitimité pour le faire et sa représentation politique au sein du PS était plus frondeuse qu’en instance d’exercer le pouvoir. Bref, les primaires si chéries des Français ont consacré la fin de la Ve République et emportent avec elle les deux principaux partis de gouvernement, plus pour l’heure le PS que LR. Pour avoir osé les défier ouvertement, Emmanuel Macron a raflé la mise électorale. Mais son assise politique, malgré la prime électorale qui s’offre au vainqueur, demeure fragile, sinon aléatoire. On ne se débarrasse pas facilement d’un héritage politique forgé par des siècles de monarchie et de révolutions, même si notre jeune Président s’est donné une posture de gravité en arpentant majestueusement les pavés de la cour intérieure du Louvre.
Les observateurs avertis n’ont pas manqué d’observer que le mouvement En Marche correspondait en termes de génération au jeune âge (39 ans) de celui qui postula à l’Élysée avec un enthousiasme juvénile et une certaine gaucherie politique. Attirer les jeunes sur les tréteaux électoraux, personne n’y croyait parce qu’on pensait, dans notre pays corseté de traditions, que la politique côtoyait exclusivement l’âge mûr et que les jeunes générations demeuraient pour un quart d’entre elles – le chômage des jeunes – en marge de la vie active.
Macron suscita une formidable espérance parmi cette jeunesse qui se reconnut pour « marcher » avec lui jusque dans ses élans plus affectifs que politiques. En somme, le nouveau Président était perçu comme l’un des « leurs », mais cette confiance a un prix : il faut réaffilier socialement et économiquement les millions de jeunes chômeurs, qui proviennent pour la plupart d’une classe moyenne durement frappée par les effets délétères et inégalitaires de la mondialisation.
Triple pari gagnant, donc. Mais pour quelle politique ? Celui qui a osé à la fois affronter ses adversaires et adouber l’enthousiasme d’une jeunesse perplexe soulève un espoir qui ne saurait être déçu, sous peine d’accroître le malaise français. Il a essentiellement pour noms : le chômage de masse et la baisse de compétitivité de notre économie, en découle une perte d’influence de la France en Europe et dans le monde. Le quinquennat de François Hollande fut une plaisanterie politique et un échec pitoyable pour corriger la courbe ascendante du chômage et redonner un souffle vivifiant à notre économie – hormis les grandes enseignes du CAC 40, dont la bonne santé économique ne dépend pas de l’Élysée. En décidant de ne pas se représenter, le bilan du Président sortant a été escamoté et cela contribua à une joute électorale sans prise sur les problèmes économiques et la réalité sociale. Sinon, la démagogie des extrêmes.
Emmanuel Macron, installé au pouvoir, ne saurait par ailleurs faire l’impasse sur les difficultés qui tétanisent la société française. Notre société est couturée de cicatrices identitaires et socioculturelles, les migrations internationales et le terrorisme ont mis en exergue la vétusté de notre justice, l’insuffisance de notre appareil sécuritaire, la difficulté à trouver une voie consensuelle pour un patriotisme de bon aloi. Au centre de cette fracture socioculturelle, il y a une école déstabilisée et instrumentalisée à des fins idéologiques et pédagogiques, devenue inopérante, comme base de l’acquisition de connaissances et comme fabrique de citoyenneté.
De tout cela, Emmanuel Macron et son gouvernement devront s’atteler à la tâche pour redonner l’espoir et si possible corriger le cours politique invertébré de son prédécesseur. La continuité, en l’occurrence avec le quinquennat précédent et au regard d’un FN qui a amassé dans sa cagnotte électorale dix millions de voix, serait une erreur et une faute. Notre jeune Président arrive au pouvoir sans état de grâce, mais son capital d’empathie est majoritaire dans le pays et il pourrait en user pour réformer en profondeur tout ce qui entrave une prospérité à recouvrer et une cohésion nationale à refonder. Enfin, dernier atout, et qui tranche avec la mièvrerie politique ambiante, Emmanuel Macron semble avoir compris qu’on n’habite pas le pouvoir avec des paillettes multiculturelles, une fausse transparence démocratique et du régalien à bon marché.
Émile H. Malet
Il me semble que cet article a été écrit en mai 2017 et non en mai 2019 (?)
Si oui, l’auteur écrirait-il encore aujourd’hui « Emmanuel Macron semble avoir compris qu’on n’habite pas le pouvoir avec des paillettes multiculturelles, une fausse transparence démocratique et du régalien à bon marché » ?
Il me semble que cet article ait été écrit en mai 2017 et non en mai 2019 (?)
Si oui, l’auteur écrirait-il encore aujourd’hui « Emmanuel Macron semble avoir compris qu’on n’habite pas le pouvoir avec des paillettes multiculturelles, une fausse transparence démocratique et du régalien à bon marché » ?