La mondialisation des biens, des services et la libre circulation des hommes et des femmes est une réalité incontournable. Coronavirus ou pas, en témoigne ce qui s’est passé avec les précédentes épidémies ou presque rien n’a changé dans les comportements. Qu’observe-t-on aujourd’hui : la Chine initialement vouée aux gémonies pour son marché à bestiaux de Wuhan générateur de la Covid-19 et dans le même temps un retour de l’Empire du milieu appelé à la rescousse par l’Europe, les États-Unis ou l’Afrique pour combler leur déficience chronique en équipements sanitaires. L’attitude de Donald Trump n’est pas moins symptomatique : les États-Unis sont durement frappés avec des conséquences de morbidité sans précédent, le Président américain s’en émeut et dans le même temps paraît obsédé par le maintien de la puissance économique US pour ne pas déchoir de sa domination mondiale. La Russie et l’Arabie saoudite n’ont aucun scrupule pour manipuler le marché des hydrocarbures à leurs fins mercantiles.
Ainsi va le monde, pourrait-on dire par fatalité consumériste et il en sera probablement ainsi pour le commerce mondial, le tourisme à grande échelle, les ventes d’armes et l’errance des flux financiers mondiaux. Toutefois, cette crise assimilable à l’une des plus grandes catastrophes planétaires par les milliards de gens confinés, la nouvelle armée des chômeurs, les dizaines de millions de personnes contaminées, les morts par centaines de milliers, sans oublier le ralentissement dramatique de toutes les activités, ne saurait se solder à l’aune d’une mondialisation heureuse. Il faudra donc soigner, réparer, redistribuer… retrouver un élan.
Remondialiser, oui, mais comment? Il n’y a pas de recettes miracles, pas plus en économie qu’ailleurs. Simplement et sans tarder, le bon sens socio-économique oblige à relocaliser les domaines de production essentiels à la nation. Il est anormal et combien préjudiciable que la France se soit trouvée dramatiquement sous-équipée en masques, tests et autres respirateurs. Plus globalement, les pays européens devront procéder à une réindustrialisation pour fabriquer à demeure de nombreux produits indispensables à nos usages quotidiens. Ce qui est vrai pour la santé, vaut pour l’agriculture, les machines-outils et tout le secteur tertiaire. Sans chercher à toucher du doigt là où ça fait mal, comment ne pas observer que le bilan sanitaire de l’Allemagne au regard de cette crise est meilleur que celui de la France, de l’Espagne ou de l’Italie, parce que ce pays a su préserver des pans industriels dans les secteurs jugés prioritaires à la consommation.
Autre leçon de cette crise, à placer cette fois à l’avantage de l’Asie, notamment de la Chine, l’économie de marché ne doit pas fonctionner en érigeant une frontière étanche entre le public et le privé. Ce libéralisme intégral montre rapidement son inadaptation dans les situations de pénurie comme de pandémie. L’État providence qui est au cœur l’économie politique – un héritage des Lumières ! – doit conserver ses prérogatives dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité des populations. C’est un horizon indépassable pour maintenir une part d’humanité dans une mondialisation bien souvent égoïste. À ce niveau, les pays riches ont judicieusement redistribué une manne fi nancière pour soutenir les secteurs de l’économie en difficulté et les gens privés de travail et de ressources. Il faudra encore aller plus loin en direction des pays en développement et à bas revenus en épongeant leurs dettes pour éviter la ruine et l’amplification des violences collectives. C’est dès maintenant qu’il faut s’atteler à la stabilité future du concert des nations.
Interrogeons-nous aussi sur cette inconnue stratégique qui taraude les princes qui nous gouvernent et dont dépend le sort des populations : qu’en sera-t-il demain de la démocratie ? Des libertés publiques et privées ? De la tentation autoritaire, du nationalisme et du populisme ? Toutes interrogations préoccupantes et sur lesquelles il faudra bien se pencher à la sortie de la pandémie.
Émile H. Malet