Chaque année, plus de 650 000 accidents du travail sont recensés en France, dont bon nombre concernent des entreprises prestataires ou sous-traitantes. Pour en réduire la fréquence, les pouvoirs publics appellent à renforcer la prévention, à l’image des démarches déjà mises en place dans certains grands groupes.
En 2019, le nombre d’accidents du travail a continué à augmenter en France, d’après le bilan annuel de l’assurance-maladie rendu public le 6 octobre 2020. La branche de la sécurité sociale dédiée aux risques professionnels en a reconnu 656 000, soit 0,6 % de plus que l’an dernier. Cette légère hausse est toutefois beaucoup moins marquée qu’en 2018 (2,9 %). « Attribuable » à la progression du nombre de salariés dans l’emploi national (+ 2 %), elle serait même synonyme de baisse de la fréquence des sinistres, passée de 34 à 33,5 pour 1 000 travailleurs. Il s’agirait, selon l’assurance-maladie, d’« un niveau historiquement bas » qui s’expliquerait grâce au recul des accidents dans les secteurs les plus exposés comme le bâtiment, la chimie ou l’industrie. A contrario, les professions tertiaires ont été davantage touchées (+ 4 %) qu’en 2018. Mais cette tendance à l’amélioration pourrait être remise en question en 2020 avec la pandémie de coronavirus. Suite au déconfinement et à la reprise de chantiers à l’arrêt pendant plusieurs mois, les entreprises doivent répondre au défi de respecter le protocole sanitaire en vigueur sans occulter les autres risques propres à leur activité.
Hauts-de-France : l’inspection du travail appelle à la vigilance
Dans les Hauts-de-France, l’inspection du travail a ainsi tiré la sonnette d’alarme le 3 juillet face à la « recrudescence » des chutes mortelles au travail après la reprise d’activité. Au mois de juin, elles ont entraîné la mort de trois travailleurs, contre huit sur toute l’année 2019. L’instance régionale pointe du doigt les « délais de réalisation impératifs » et le « retard » pris sur les chantiers pendant le confinement. Un constat partagé par la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), qui alerte elle aussi sur « la forte recrudescence du nombre d’accidents du travail graves et mortels dans la région […] depuis la fin du mois de mai, […] en particulier lors de travaux exécutés pour le compte et au sein d’une autre entreprise ». « Le relâchement dans le respect des mesures de prévention, la tendance à la désorganisation (matériel temporairement indisponible, approvisionnements décalés…), les délais de réalisation impératifs et le retard pris en raison du ralentissement de l’activité favorisent les situations à risques. Il est impératif d’appeler les entreprises, employeurs, responsable de la santé et de la sécurité de leurs travailleurs et les salariés à une plus grande vigilance. » Mais aussi à « évaluer les risques propres à chaque situation de travail » et à « prendre les mesures permettant aux salariés de travailler en sécurité en tenant compte du risque nouveau lié au Covid-19 et du contexte de la reprise ».
EDF et Bouygues sensibilisent aussi leurs prestataires et sous-traitants
Entre les lignes, la Direccte et l’Inspection du travail s’adressent tout particulièrement aux entreprises utilisatrices, soit celles faisant régulièrement appel à des sociétés prestataires ou sous-traitantes pour exécuter des travaux ou des prestations de service. « Les salariés de l’entreprise extérieure sont alors amenés à travailler sur des sites qu’ils ne connaissent pas, et où l’entreprise utilisatrice exerce des activités qui leur sont inconnues, parfois en présence d’autres entreprises intervenantes, souligne l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité au travail). Cette multiplicité d’acteurs et cette méconnaissance des situations de travail sont donc susceptibles d’aggraver les risques existants et d’en créer de nouveaux. » Parmi ces sociétés, de grands groupes comme EDF et Bouygues ont pris les devants pour prévenir les risques et réduire la fréquence des accidents au sein des entreprises extérieures avec qui elles travaillent, comme pour leurs propres salariés.
Cette année, avec pour objectif d’améliorer ses résultats, l’énergéticien a associé davantage ses entreprises prestataires à sa démarche de prévention appelée « vigilance partagée ». Avec un focus en octobre, ces actions ont pris notamment la forme de journées « Stop sécurité », dans toutes les entités. Salariés et prestataires du groupe ont travaillé de concert pour s’approprier les règles vitales de la sécurité et surtout les intégrer à chaque intervention. « Les salariés du Groupe EDF et nos partenaires ont été invités à marquer un temps d’arrêt pour échanger ensemble sur les enjeux de sécurité et éradiquer les accidents, explique Christophe Carval, directeur des ressources humaines d’EDF. Nous devons nous mettre ensemble en ordre de bataille. C’est tout l’enjeu de la certification Mase, vers laquelle nous encourageons nos prestataires à s’orienter pour développer une approche commune de la prévention, via notamment le partage de bonnes pratiques. »
Chez Bouygues, la lutte contre les accidents du travail se matérialise également par de « Safety Days » pour sensibiliser salariés et sous-traitants sur ses 600 chantiers européens, mais aussi par la formation d’ambassadeurs des bonnes pratiques, la création de trophées de la sécurité ou encore la signalisation des dysfonctionnements sur une plateforme numérique. « Pour qu’une politique de sécurité soit efficace, il faut […] éviter le double discours, notamment avec les sous-traitants, où d’un côté on demande de réduire les coûts, et de l’autre d’être au top question sécurité, plaide Valérie Koïta, directrice prévention santé chez Bouygues. Au contraire, on essaie aussi d’aider nos sous-traitants à se former, à s’équiper. On monte des partenariats avec certains d’entre eux pour améliorer aussi leurs conditions de travail et leur culture sécurité. » Un investissement visiblement payant puisque 94 % des chantiers se dérouleraient déjà sans accident, selon le groupe.