C’est là une question cruciale pour la France, l’Allemagne et l’Europe car elle recèle des enjeux essentiels pour l’avenir.
Il s’agit de parvenir à allier deux impératifs : d’un côté protéger l’environnement et le climat, et de l’autre garantir la compétitivité technologique et industrielle, et ainsi la souveraineté de l’Europe.
L’attente des populations
Les récentes élections européennes ont mis en lumière l’importance que revêt désormais la question climatique. Selon un sondage publié début mai 2019, les électeurs allemands considèrent aujourd’hui que la protection de l’environnement et du climat représente le plus grand défi que devra relever l’Union européenne. Pour 34 % des personnes interrogées, les questions environnementales priment. À titre de comparaison, le thème des migrations qui a dominé pendant plusieurs années n’est cette fois arrivé qu’en deuxième position avec 32 %.
En France également, le poids politique du climat et de l’environnement s’est nettement accru ces dernières années, et pas seulement depuis l’Accord de Paris sur le climat en 2015.
Les États-Unis ont annoncé leur retrait de cet accord. Il est donc encore plus urgent que la France et l’Allemagne coopèrent en matière de protection climatique et que l’Europe adopte une approche concertée sur la scène internationale.
Car nos deux pays sont eux aussi encore loin d’atteindre les objectifs de l’accord sur le climat. Le secteur des transports en particulier peut et doit contribuer à la réduction des émissions de CO2.
Objectifs 2030
Je rappellerai ici l’objectif du gouvernement allemand pour le secteur des transports : d’ici 2030, les émissions de CO2 doivent diminuer de 40 à 42 % par rapport à 1990. Or, 60 % des émissions de CO2 dues aux transports proviennent des véhicules de tourisme. Seule une augmentation massive du nombre de véhicules personnels dotés de nouveaux types de motorisation permettra d’atteindre l’objectif visé.
Ces dernières années, il a beaucoup été question, à juste titre, de promouvoir les véhicules électriques alimentés par batterie. Mais nous ne devons pas nous limiter à une seule technologie en Europe. Ce qui est la bonne réponse technologique dans les mégapoles chinoises ne l’est pas forcément dans les provinces européennes. Éviter les émissions locales ne revient pas forcément à améliorer le bilan carbone mondial.
C’est pourquoi le gouvernement allemand est convaincu qu’il faut développer les infrastructures pour les véhicules électriques, mais aussi atteindre les objectifs de réduction des émissions de manière technologiquement neutre.
Vous le savez, il y a également débat sur le bilan carbone global des véhicules électriques, par exemple par comparaison avec un moteur diesel moderne. Il semble donc judicieux que les constructeurs automobiles travaillent à plusieurs concepts en même temps. Certains constructeurs allemands misent beaucoup sur les batteries, d’autres également sur la pile à combustible et l’optimisation de la combustion.
Le contrat de coalition gouvernementale intègre d’ailleurs cette diversité : le gouvernement allemand s’est fixé pour objectif d’encourager la mobilité électrique mais aussi la propulsion à l’hydrogène et la pile à combustible.
À l’avenir, nous aurons donc plusieurs types de moteurs en parallèle.
Le secteur des transports : un enjeu majeur
Le secteur des transports est à l’aube de grands bouleversements. Conduite automatisée et en réseau, moteurs alternatifs, enjeux de politique environnementale et nouveaux comportements des utilisateurs sont les principaux facteurs de cette mutation.
Face à ces transformations, les gouvernements ont un rôle clé à jouer pour promouvoir les innovations et fixer des normes. La France et l’Allemagne sont d’importants sites industriels et d’innovation, en particulier dans le domaine de la mobilité.
Toutefois, si nous voulons rester compétitifs à l’échelle internationale, nous devons encore intensifier notre mutation structurelle.
Les États-Unis et quelques pays d’Asie ont créé un cadre juridique qui ne prévoit quasiment aucun obstacle réglementaire à l’utilisation de véhicules autonomes. Nous parlons beaucoup avec la Chine, avec raison. Mais d’autres pays en Asie font partie de l’avant-garde mondiale. À Singapour, des véhicules autonomes sont en circulation depuis 2017. À partir de 2022, des bus autonomes seront intégrés dans la flotte de transports en commun du pays.
Les choses avancent aussi chez nous. Depuis 2017, une loi allemande réglemente la conduite automatisée jusqu’au niveau 4. En matière de brevets, les entreprises françaises et allemandes restent à la pointe, y compris au niveau mondial. Mais dans le domaine des essais, nous sommes clairement à la traîne. J’ai l’impression que cela va évoluer dans les années à venir. En février 2019, Daimler et BMW ont annoncé vouloir coopérer étroitement dans le domaine de la conduite autonome. Ensemble, Daimler et Bosch prévoient de mettre en circulation des véhicules autonomes dans la Silicon Valley. Depuis quelques semaines, Volkswagen teste des véhicules autonomes à Hambourg. À Rouen, Transdev et Renault mènent également des essais avec des bus autonomes.
Il y a donc des premiers pas. Mais pour ne pas être distancée, l’Europe doit encore davantage mutualiser ses ressources.
Cela m’amène à un dernier point : l’importance de la coopération franco-allemande.
Le traité d’Aix-la-Chapelle signé le 22 janvier 2019 est un texte porteur d’avenir. Il traduit la volonté de la France et de l’Allemagne de dessiner l’avenir des relations bilatérales et de l’inscrire dans une dimension européenne. Ce traité veut donner aux relations franco-allemandes une nouvelle envergure.
Ce n’est donc pas un hasard s’il consacre tout un chapitre au climat, à l’environnement et à l’économie. Et un autre à la coopération transfrontalière. Strasbourg est sans aucun doute le lieu idéal pour aborder ces questions.
En effet, les solutions innovantes qui fonctionnent dans une région frontalière fonctionneront ensuite dans une Europe sans frontière. Les projets tels que le centre d’essais transfrontalier pour véhicules autonomes dans la région Sarre-Lorraine-Luxembourg ou l’Initiative Smart Border d’Enedis et Innogy destinée à développer des solutions de mobilité et des réseaux d’électricité intelligents dans la région frontalière sont donc déterminants.
Aussi suis-je très heureux de voir que les responsables politiques et économiques français comme allemands sont venus particulièrement nombreux cette année à Strasbourg. La présence d’un haut représentant de la Commission européenne témoigne aussi de la portée européenne de cette conférence.
Je tiens à remercier très chaleureusement la région Grand Est, pour sa générosité et à son soutien de longue date, qui permet à cette conférence de s’être tenue cette année encore dans les splendides locaux du conseil régional.
Mes remerciements vont également à Émile H. Malet et son équipe pour leur implication sans faille dans l’organisation de cette importante série de conférences franco-allemandes.
Thomas Lenk, Ministre conseiller et directeur des affaires économiques, Ambassade de la République fédérale d’Allemagne en France