Initier à l’art contemporain les culs-de-plomb qui peuplent la planète, c’est-à-dire l’incommensurable majorité d’entre vous, est une mission titanesque. Cette tentative, entreprise sous acide dérivé de l’ergot de seigle, a demandé plusieurs années de préparation (des versions anglaise, rotokas, arabe, tuyuca et chinoise sont prévues).
En démontrant par un exemple saillant à quoi correspond cette profonde révolution artistique, cette subversion du binôme pensée-regard, cette transgression des canons passéistes, fossiles, voire oligophrènes, je me sens accomplir un acte à la fois salvateur, philanthrope, uberisateur, planéotique et of course mystique.
Le paradigme des œuvres originales ci-dessous est une allégorie de l’âme. Il pointe les stratégies dénominatives avant d’affronter, fleur au fusil, l’analyse des stratégies discursives. Comme le dit très justement l’immense sociologue Nathalie Heinich : « L’art contemporain ne se reproduit pas mais se raconte. » Dieu soit loué et avec lui toutes les vierges du paradis, l’herméneutique intervient en bas de chaque mémorial pour traduire sans trahir, en éclairant au mieux Béotiens et Ignares. Un encouragement suprême. La démarche est généreuse et grandiose mais le combat n’est pas gagné…
Œuvre numéro 1 : Détrusor en action extatique
Par ce geste ancestral, l’artiste renoue à la fois avec Dieu et avec lui-même, comme une incursion mystique dans les entrailles de la terre nourricière. Il tente, par la germination de l’humeur, jaunâtre humus de son moi profond, une passerelle entre l’homme et le divin. Chair, viscères irrévérencieux dans l’irradiation de l’être suprême et sublimé. Un sentiment de libération aqueuse venu du nouveau Réalisme qui, tout en dédramatisant, opère un va-et-vient constant entre corps matière en tant que tel et divinité objectivée dans la jouisseuse perspective de ce qui adviendrait, c’est-à-dire partie active à part entière du phénomène céleste et immortel qui l’héberge. Cette tentative d’inondation onirique de ses tripes à travers l’élément translucide, amniotique et purificateur donnerait naissance, essence de ses sens, à la communion kantienne, paradoxe, à la recherche d’une résurrection dans la métamorphose de la substance constitutive. Cet acte téméraire de remise en question radicale sonde, sans transmutation, un langage improbable pour imposer sa vocation d’indépendance sémantique avec une puissance métaphorique inouïe. Une démarche mûrement réfléchie dans laquelle l’artiste se pose en virtuose de la verticalité, de la perfection du jet comme un mirage évanescent, et force à l’humilité. Un art parfois nomade qui défie et déifie les codes de l’enfermement. Le Maître prouve enfin et de manière radicale que Art n’est pas synonyme de déchristianisation, de désacralisation : rencontre avec la transcendance.
En un mot : l’Artiste a pissé dans un bénitier.
CHARLIE
Œuvre numéro 2 : Au cœur des colonnes de Morgagni
L’artiste travaille à partir d’un matériau organique standard. En confrontant ce matériau à son origine naturelle, il tente d’interroger la relation que nous entretenons avec celui-ci. Tétrapode averti, il puise, tel un coprophage, sans documents d’archives, sans même pures modélisations scientifiques, dans l’antre exiguë, l’extraction partielle de substance où se mêlent harmonieusement fibres de celluloses en symbiose quasi parfaite avec saprophytes et autres chymotrypsines qui enrichissent la matière. Déplacement et renversement des espaces et des valeurs convoquent le chiasme, principe moteur de l’œuvre envisagée comme un rébus visuel à fort potentiel narratif. L’artiste, ici, se place non pas comme l’héritier d’un Piero Manzoni, encore moins comme celui d’un Wim Delvoye, mais plutôt en légataire ésotérique conceptualisant un art empirique dans la pure tradition d’un Bruegel lui-même. Cette introspection au cœur de téménos, ici son moi retranché, intime et obscur, le relie au commun des mortels par cette immuable gestuelle qui constitue un véritable langage universel si ce n’est culturel. Jusqu’au summum où l’accumulation de micro vibrations anarchistes entraîne des formes sonores qu’il qualifie de vivantes : énergie trublionne, enthousiasme survolté et transmissible aux effets innombrables qui contamineraient une vision nouvelle et jubilatoire de l’intelligence satirique voire parasitaire. Quarante ans et des brouettes après l’alunissage de la mission Apollo 11, à quels temps se conjuguent les questionnements philosophiques et l’évasion poétique autour de l’investissement humain d’un proche au-delà, échappatoire ultime. Même si ce Génie sanitaire ne répond encore que partiellement à nos légitimes interrogations, il rejoint d’ores et déjà la pensée nietzschéenne. L’homme du futur sera Homo ludens… Osons le croire !
En un mot : l’Artiste s’est mis un doigt dans le cul.
CHARLIE
Notule :
Notre commissaire-priseur La Cornette des Seins Cirés, qui n’a pas senti comme mézigue la nécessité d’adopter une louche de C20H25N3O, a adjugé via Christby’s ces deux performances, œuvres majeures dans la carrière de Charlie, à deux milliardaires cacophages. Les prix de vente aérodynamiques ont provoqué une onde de choc et défoncé le mur du con.
Olivia Koudrine
Par Olivia Koudrine