La transition énergétique, dans laquelle nous sommes, est très fortement liée à une transition démographique, à une transition industrielle et à une transition démocratique. Elle frappe l’ensemble des continents, chacun à son rythme, à son degré d’amplitude, mais elle est inéluctable.
Il y a eu longtemps une corrélation entre l’évolution de la population et l’évolution de la consommation énergétique ; on l’a constaté tout au long des XIXe et XXe siècles. Mais cette corrélation est en train d’évoluer puisque, même dans les pays qui connaissent une nette augmentation de la population, nous avons une modération de la consommation énergétique, du fait notamment de l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Nous connaissons incontestablement une transition industrielle. Nous passons à des méthodes et à des processus de production différents qui sont moins consommateurs d’énergie. L’apport de l’efficacité énergétique, l’apport de la numérisation et de la digitalisation permettent de réduire notablement la consommation d’énergie pour une même production industrielle.
La transition démocratique a touché favorablement un certain nombre de pays, notamment en Amérique latine dans les années 1980, en Europe de l’Est dans les années 1990 et elle s’étendra peut-être en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Cette transition apporte un véritable changement dans les modes de consommation car les consommateurs sont mieux informés, beaucoup plus avisés et ce sont parfois aussi eux-mêmes des producteurs.
La transition énergétique est sans doute l’aboutissement de l’ensemble de ces trois types de transitions. Le résultat, c’est que les populations, notamment les populations urbaines, sont aujourd’hui beaucoup plus sensibilisées ; une conscience environnementale émerge et se renforce dans la société civile. Les exemples ne manquent pas :
Après Fukushima, il y a quatre ans, nous avons assisté à une véritable révolution sur le marché de l’énergie nucléaire et cela n’est pas terminé.
En dépit du succès du gaz non conventionnel (le gaz de schiste) aux Etats-Unis, son expansion est très difficile sur les autres continents, particulièrement en Europe et en France.
Même dans le secteur des énergies renouvelables, il y a des oppositions qui commencent à apparaître contre l’éolien, notamment offshore…
La négociation (COP21) au Bourget fut d’autant plus importante qu’elle entre pleinement en phase avec cette évolution, avec cette transition énergétique. C’est le grand changement par rapport aux exercices précédents (Protocole de Kyoto, Copenhague et même Rio + 20) : la conscience de la transition énergétique est beaucoup plus forte aujourd’hui dans l’ensemble des pays. C’est la raison pour laquelle il y a eu des accords entre la Chine et les Etats-Unis. GdF-Suez est très actif sur les marchés, notamment en Chine où il y a une forte volonté des autorités, notamment des municipalités, pour passer d’une production électrique à partir de charbon à une production à partir de gaz, nettement moins polluante.
Cette transition offre beaucoup d’opportunités aux pays émergents. D’abord parce qu’ils vont pouvoir bénéficier des expériences des pays développés en matière de transition énergétique et se garder de faire les mêmes erreurs. A cet égard, on peut évoquer l’Allemagne ; évidemment, elle est en train de réussir sa transition énergétique au plan des énergies renouvelables… mais à quel coût pour les consommateurs et pour les entreprises ! Plusieurs de celles qui étaient des leaders du marché européen (comme E.ON et RWE) souffrent aujourd’hui considérablement. Mais la préoccupation majeure de nombreux pays émergents, c’est tout simplement l’accès à l’énergie. Ainsi, sur le continent africain, près de la moitié de la population n’a pas cet accès aujourd’hui et nous avons là une problématique particulière. Mais des solutions peuvent être élaborées en partant des éléments que j’ai mentionnés précédemment et en se fondant sur les infrastructures énergétiques et sur des productions décentralisées dans les zones rurales.
Il y a aussi d’autres pays qui engagent cette transition énergétique de manière très active. Les cas de la Chine, des Etats-Unis et du Brésil ont été illustrés par des intervenants précédents. Je prendrai trois autres exemples :
– le Costa Rica, qui vise 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 ;
– l’Inde, dont le nouveau gouvernement de Narendra Modi s’est fixé pour objectif de produire 100 000 MW d’énergie solaire pour 2020, et de construire une centaine de villes connectées ;
– le Maroc, qui a développé un plan comportant de nombreux projets solaires et éoliens.
La transition énergétique est engagée partout. C’est une fantastique opportunité pour les entreprises qui ont développé des activités non seulement de production d’énergie mais surtout de services énergétiques et c’est le cas d’ENGIE.
Denis Simonneau
Directeur des relations européennes et internationales,
ENGIE