La lutte contre le réchauffement climatique est structurellement complexe car le problème est mondial alors que les solutions sont locales, voire individuelles. Si, dans le principe, un large consensus peut être recueilli, sommes-nous tous prêts à modifier nos comportements en profondeur ? C’est une question de sciences sociales ! Les chances de succès sont liées à la conjonction des efforts. Les politiques publiques vont jouer un rôle clé, mais jusqu’où les responsables politiques accepteront-ils de s’engager ?
Pour les pays émergents, la priorité, c’est le développement, même s’ils ont conscience que la meilleure voie n’est pas nécessairement celle que les pays développés ont suivie. Quant à ces derniers, la conjoncture économique ne leur est pas favorable : la lutte contre le changement climatique a un coût et, en période de crise, il n’est pas facile d’imposer des mesures dispendieuses et contraignantes. Les accords internationaux ont le mérite d’exister, mais ils ont montré leurs limites. Ceci étant, le rapport du GIEC a confirmé qu’il y avait urgence à agir. S’agissant de la gouvernance mondiale, les positions sont assez mitigées ; les instances multilatérales ne disposent pas de la légitimité démocratique directe que peuvent avoir les gouvernements. Il est donc très difficile d’instaurer des normes contraignantes dans ce contexte. Sans doute est-il plus réaliste de tabler sur des acteurs nationaux ou régionaux dont le poids peut être décisif.
Cette question concerne surtout la production d’énergie électrique car c’est l’utilisation des combustibles fossiles à cette fin qui est responsable des deux tiers des émissions de GES. Même s’il est vrai qu’il ne faut pas se concentrer uniquement sur l’énergie, c’est une thématique importante. Les fondamentaux sont connus : l’énergie, c’est un besoin vital et un facteur de développement et de croissance. Il faut rappeler qu’encore aujourd’hui dans le monde il y a 1,2 milliard de personnes qui n’ont pas accès à l’énergie et 2,8 milliards qui utilisent le bois ou la biomasse pour cuisiner et pour se chauffer. Les contraintes sont fortes et, pour certaines, contradictoires : limitation des ressources en énergies fossiles, indépendance énergétique, coût…
Il faut donc faire les meilleurs choix en fonction de contraintes qui sont très différentes d’un pays à l’autre. Les paramètres sont multiples : géographiques, démographiques, historiques, sociaux, politiques. Tout ceci confirme évidemment que ce sont les acteurs nationaux ou régionaux qui auront le rôle majeur.
Les pays émergents figurent parmi les principaux émetteurs de CO2. En Inde et en Chine, le charbon occupe encore une place majeure dans le mix, surtout pour la production d’électricité. Ces pays développent la technologie nucléaire. La Chine a aujourd’hui un programme de construction très ambitieux de centrales nucléaires et le lancement de nouvelles tranches a été annoncé la semaine dernière. Cela va de pair avec les ambitions de développement des énergies renouvelables qui constituent le second pilier de la politique énergétique du pays. Quant aux pays de l’OCDE, le nucléaire a pour eux une importance stratégique considérable.
Les problématiques de l’énergie restent nationales ; c’est le cas au sein de l’Union européenne. En apparence, l’UE a un très bon bilan global en matière d’émission de GES : grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables, 51 % de la production d’électricité en Europe ne génère pas de GES. Mais, dans l’analyse pays par pays, les situations sont beaucoup plus contrastées. Il y a eu une communication de la Commission sur une « Union de l’énergie », mais il est trop tôt pour savoir ce qui en résultera. Cependant, la question nucléaire, si épineuse au plan européen, y est à peine abordée.
Ce sont les stratégies nationales qui semblent constituer la meilleure solution, chaque pays participant à la lutte contre le changement climatique en fonction de ses spécificités. Il n’y a pas de solution unique ; les critères sont multiples en fonction des conditions géographiques, démographiques, politiques et culturelles. Il ne faut pas être dogmatique mais pragmatique, et il est indispensable d’agir vite. On peut attendre beaucoup du progrès technologique, sans s’en remettre totalement à lui car les dates auxquelles se produiront les ruptures technologiques sont empreintes d’incertitudes. Il faut dès à présent lancer les investissements nécessaires, au-delà des infrastructures dont nous avons beaucoup parlé. Les moyens dont nous disposons sont certes efficaces, mais ils ne sont pas suffisants : il faut les développer.
Anne Guichard
Direction de l’énergie nucléaire, CEA