« Cette Jérusalem d’entre les Jérusalem où j’avais décidé que j’irais parce que je ne voulais surtout pas m’y trouver. » Avec « une ferveur familière », Hélène Cixous médite devant « le mur du Mur ». Sa pensée, subversive, déconstruit le religieux pour en reconstruire la substance : « Le miracle, c’est de faire des signes d’alliance malgré l’absence de croyance. » Recréant, de page en page, une généalogie de la vie, « une croyance croisée d’incroyance », Hélène Cixous, fidèle à « l’esprit d’héritage » élabore « l’archéologisme de la réflexion ». Devant le Mur, Hélène déploie dans leur complexité, leurs contradictions et leur précision les allégories des racines. Elle lit dans le Mur « un message d’une autorité absolue » qu’elle complète, humanise. L’antique, le patriarcal Mur se transfigure, se féminise, s’adoucit, avec le style d’Hélène Cixous, en « une sorte de sourire très doux, comme l’éclat aube qui émane d’une sollicitude maternelle ». Le Mur se métamorphose sous la puissance poétique de « ces sucs et ces miels spirituels » dont l’écriture d’Hélène se régale, « sa vision troue en profondeur le Mur », remplit tout le monde de surprise, car il n’y avait jamais eu plus homme, plus pour homme, plus décidé homme, croyait-on jusqu’ici, à tort, alors. « En se rendant à Jérusalem, Hélène Cixous a fait le voyage du symbole qu’elle ouvre à une symbolisation élargie. L’écriture de celle qui se sait native du « pays de l’Écriture » écrit les dimensions simultanées de l’Histoire proche et lointaine, « l’immense famille déchiquetée, et dispersée sur cinq continents » qui « a tendu la main vers le ciel ». Le Mur spirituel renouvelé par l’inspiration, par le Souffle, est là, il se rappelle à nous, intériorisé par la modernité de Correspondance avec le Mur. Ce Mur transcende tous les murs matériels superposés les uns sur les autres en masses de guerre, de haines qui séparent, tuent. Effaçant par la littérature les frontières de murs, et leur antilumière, Hélène Cixous surélève le Mur de Jérusalem, le Mur des Correspondances, elle érige un intime, un universel accord avec le mystère à la fois terrestre et céleste de l’Absolu et le questionne, interrogeant notre conscience contemporaine.
Chantal Chawaf
Hélène Cixous
Galilée, 2017
prix Marguerite Yourcenar