C’est le texte imprimé sur la bande qui enserre le livre de Christian Pierret et Philippe Latorre. Tout lecteur averti découvrira facilement la convergence des projets mais sera conquis par l’approfondissement que proposent nos deux auteurs. Refusant de nier le malaise français, ils prennent acte de ce que la mondialisation a conféré à la vie économique, une sorte de prééminence sur tous les autres aspects de la vie sociale. Mais, au lieu de l’accepter passivement, ils nous proposent de réhabiliter le politique en construisant un discours de sursaut pour que notre pays réapparaisse avec plus de force dans la compétition mondiale. Pour eux, comme pour Emmanuel Macron, le clivage gauche-droite doit être dépassé au profit d’une politique sociale et démocrate qui assume un libéralisme économique régulé et une exigence de solidarité.
Construire une social-démocratie qui mette l’État à sa juste place, tel est le projet. L’État doit donner sa chance au travail, au mérite, à la valeur personnelle, en multipliant les opportunités de rebondir pour les femmes et les hommes qui sont confrontés à l’échec sans que le contexte familial, l’origine ethnique, le genre ou l’orientation sexuelle soient des obstacles insurmontables. Et nos auteurs de plaider pour une « deuxième chance de réussite ouverte à tous », grâce à un État qui favorise plus qu’il ne répare, encourage plus qu’il ne console, en créant les conditions d’une plus grande justice sociale. Il ne s’agit pas de rêver à une égalité impossible mais d’inventer les mécanismes susceptibles d’aider chacun à user de toutes ces potentialités pour occuper la place qu’il mérite dans la société. Évidemment, certaines inégalités actuelles doivent être combattues comme celles qui concernent le système de santé. Qui sait qu’entre Paris intra muros et la banlieue, la mortalité peut varier du simple au double ? Le décalage sanitaire se retrouve entre les défavorisés qui résident dans les zones urbaines sensibles (ZUS) et les autres habitants ; d’où une défiance bien compréhensible envers un système dont le contrat social affirmé est couramment violé. Que dire des inégalités territoriales de toutes sortes ? Ainsi, les inégalités de logement font que plus d’un français sur cinq est touché par une situation qui maltraite les conditions de base de l’établissement d’une famille. L’équité – à savoir le traitement personnalisé des situations particulières individuelles ou collectives – est une solution pour atténuer les inégalités initiales et favoriser l’égalité des chances.
L’engagement européen des auteurs est affirmé avec force : « L’Europe est un destin et une chance historique » écrivent-ils, mais ils préconisent la souplesse pour gérer l’Union face aux coups de boutoir qu’elle subit aujourd’hui. Il faut s’appuyer sur le couple franco-allemand et sur les pays fondateurs de l’Union pour sortir des avatars d’une technocratie tatillonne qui fonctionne à vide, sans projet politique. Réenchanter la citoyenneté européenne passe par une régulation concertée de la mobilité des personnes, une incitation plus active à la découverte du continent par la jeunesse, une politique commune de l’énergie la moins carbonée possible, une homogénéisation des fiscalités et par une nouvelle Communauté européenne de Défense. L’euro est le pilier de la construction européenne, l’axe d’une croissance durable et saine. Il devrait être le moyen d’une double convergence des politiques budgétaires et des investissements productifs dont le marché devrait se traiter dans une Bourse européenne unique.
En matière de travail, si les auteurs plaident pour des conditions d’emploi plus souples, ils stigmatisent le contrat britannique « zéro heure » dont le coût humain et social est prohibitif mais ils refusent le « tout CDI » et se prononcent pour un contrat de travail unique dont les droits progressifs se renforceraient dans le temps pour établir une continuité. Ils proposent de mieux motiver les salariés peu qualifiés et de rendre l’initiative à tous, devenus de ce fait acteurs de leur travail.
Alors que la France est toujours un pays de rentiers, ils inventent plusieurs moyens pour transformer la rente en actions, en investissements, susceptibles de booster le développement de l’économie et d’affirmer le rôle social du capital qui, mobile, se distingue de l’ordre inféodé à la naissance. Ne reculant pas devant l’éloge de la richesse, ils soulignent que l’ascenseur social pourrait redémarrer si le travail devenait justement rétribué et honoré. À partir de là, tout un chacun devrait être convié à prendre un risque entrepreneurial raisonné pour viser à créer de la valeur .
Décidément il faut lire ce livre marquant par ses idées novatrices, parce qu’il traite de toutes les grandes questions posées par l’état actuel de notre pays. Grâce à lui, vous découvrirez que le problème de l’école n’est pas qu’une question de moyens, que laïcité et respect des religions peuvent faire bon ménage. Avec lui ce sont les valeurs fondamentales de notre société qui sont au centre de la réflexion la plus juste et la plus moderne sur l’avenir de la société française.
Antoine Spire
A propos de Réinventer la social-démocratie
Christian Pierret et Philippe Latorre
Préface de Hubert Védrine
éd. L’Archipel, 2017.
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- Préface de Hubert Védrine, édtions L’Archipe – 2017