Marqué par la guerre civile dans sa plus tendre enfance, le pianiste d’origine libanaise Omar Harfouch consacre son talent à une seule et unique cause : la paix dans le monde. Un appel que le musicien a retranscrit dans une composition originale, qu’il interprète en compagnie d’un orchestre sur de prestigieuses scènes internationales.
Tripoli, début des années 1980. La capitale libanaise est ravagée par la guerre civile. Les bombes pleuvent, les coups de feu résonnent. Les victimes se comptent par milliers. Entre deux affrontements entre factions rivales, un calme précaire se fait ; un silence s’abat sur les rues désertées ; et, dans ce silence aussi pesant que lourd de menaces, quelques notes de piano s’échappent, ricochent sur les murs criblés de balles. Blotti chez ses parents, enseignants de profession, un petit garçon parcourt de ses doigts un clavier. Comme pour échapper, par la musique, au chaos ambiant.
Un destin hors-norme
Ce garçonnet, c’est Omar Harfouch. Plus de quarante années plus tard, l’homme d’affaires accompli et pianiste émérite se remémore avec émotion ces années d’enfance, déchirées entre les affres de la guerre et l’apprentissage, autodidacte et solitaire, du piano. « Le piano a été mon refuge et m’a sauvé la vie », se souvient Harfouch, non sans émotion. A 17 ans, le jeune Libanais décroche un premier concours de piano et s’envole pour l’ex-URSS, où il parfait sa formation au sein du conservatoire de Moscou. Avant de rejoindre l’Ukraine nouvellement indépendante, où il entreprend des études de journalisme et lance, au coeur des années 1990, la première station radio FM d’un pays alors en pleine effervescence.
Le succès est au rendez-vous et Omar Harfouch devient riche, très riche. Parisien d’adoption, l’homme d’affaires s’impose au milieu des années 2000 comme une figure du petit écran, participant à plusieurs émissions françaises de télé-réalité. Succès, fortune, célébrité : à quarante ans à peine, Harfouch est un homme comblé. N’ayant plus rien à prouver ni à se prouver, l’entrepreneur se recentre alors sur sa passion première, la musique. Doté d’une solide culture musicale transmise par ses professeurs russes, le pianiste compose plusieurs pièces originales, souvent inspirées par son parcours personnel ou présentées comme une réponse, artistique, aux drames qui déchirent le monde.
« La paix devient urgente »
Ainsi, par exemple, de Beyrouth, ne meurs pas, composée au lendemain de la terrible explosion qui a, en août 2020, soufflé la capitale du Liban. Ou, plus récemment, d’un inédit Concerto pour la paix : une œuvre en un seul mouvement de 17 minutes, imaginée pour piano, violon et orchestre, composée avec la complicité de Houtaf Khoury, ami d’enfance d’Omar Harfouch. C’est ce Concerto que le pianiste défend, depuis plusieurs mois, sur les scènes du monde entier. Comme un cri, une supplique, une harangue : plus divisée que jamais, l’humanité doit urgemment aspirer à la paix, à la communion, à l’unité et à la fraternité.
« La paix devient urgente », argumente le pianiste dans les colonnes du JDD, et « il nous appartient à tous et en particulier à la communauté artistique et du monde du spectacle de faire en sorte d’éradiquer la haine qui conduit à l’escalade et rompt l’équilibre des relations internationales ». Et quel plus bel écrin, pour donner vie à cette composition, que l’enceinte même où se joue, précisément, ce fragile équilibre : le siège des Nations unies de Genève. C’est en effet dans le prestigieux Palais des Nations qu’Omar Harfouch donnera, en décembre, une représentation du Concerto pour la paix, quelques mois après une première prestation donnée, cette fois, au Théâtre des Champs-Élysées de Paris (le 18 septembre).
Des rues de Tripoli aux couloirs des Nations unies
Des rues dévastées de Tripoli aux dorures des Nations unies : le destin d’Omar Harfouch est exemplaire, inclassable, unique en son genre. De l’enfant caché derrière son piano pour échapper aux horreurs de la guerre aux concerts pour la paix dans le monde, le parcours du pianiste est synonyme de résilience. Véritables messages d’espoir universels, ses compositions illustrent le pouvoir unificateur de la musique, démontrant comment l’art a, parfois, le pouvoir de transformer, de transcender les expériences les plus douloureuses. « Mon Concerto pour la paix s’est construit au cours d’un voyage intérieur de plusieurs années », confirme d’ailleurs Omar Harfouch dans un récent entretien.
« J’ai pensé à cette musique comme un chemin vers la paix, qui prend la forme d’un dialogue entre le petit Omar, qui vit au milieu d’une guerre civile sans la comprendre, et Omar adulte, qui vit en paix mais voit le monde sombrer dans la guerre. Et ce petit garçon demande à l’adulte de ne pas laisser les hommes accepter cette folie ». Une « demande » qui a résonné auprès du public présent à la Commission européenne en décembre 2023, au Sénat français en 2020, ou encore à l’Institut du Monde arabe en février dernier. Un engagement constant, récompensé, en mars, par le Prix mondial de la Paix.