Jean-Yves Le Drian a la confiance des Français, toutes tendances confondues. C’est même le ministre jugé le plus compétent du gouvernement Hollande. Son portrait est ici dressé par quelqu’un de son pays. Certes, vus de la Bretagne, Lorient et Brest sont éloignés, mais cette province particulière est connue par le ministre autant que le journaliste, directeur de l’information du Télégramme. Voyons donc l’enchaînement des faits personnels et de cette vie régalienne tellement compliquée, rapporté par Hubert Coudurier avec un grand souci de clarté, sans tomber dans l’agiographie.
Né de parents socialistes, Jean Yves Le Drian est vite appelé à se prendre en main : son père dont il « préserve la mémoire » puis sa mère qui lui donne par son amour une force morale décisive ne seront pas longtemps auprès de lui pour le soutenir. Son parcours se caractérise par ce qu’il étudie, réussit (agrégation d’histoire) puis entre dans la politique sans coup de force. Pour s’y trouver au premier plan, il a attendu patiemment les conditions favorables. A son poste, il n’a eu d’autre choix que de faire du bon travail : il n’a pas faibli malgré un climat de plus en plus tendu sur le plan géopolitique, des combats lointains, des attentats et une situation internationale « explosive ». Il est le premier à affronter à un tel point un ennemi du dehors et du dedans, énorme ou invisible, une nouvelle forme de guerre mondiale qui ne dit pas son nom. Et un des rares à gagner l’estime de son gouvernement et de ses contemporains…
Le ministre des Affaires étrangères ou le Président (lui-même « fou de défense ») ont parfois voulu remettre à sa place ce « ministre de l’Afrique » qui s’impose aussi au-delà de ce front. Par exemple, la confiance dont il est l’objet en Egypte et en Turquie lui vaut d’être sous le feu des querelles de palais. Il doit attaquer aussi les auteurs de révélations inopportunes sur l’action anti-Daesh. Coopérer avec les Américains à l’intérieur même du territoire qatari. Le triangle Arabie saoudite, Turquie, Egypte apporte-il un équilibre dans la région ? Quel camp choisir vis-à-vis d’un Iran sûr de sa suprématie ? Quel est le rôle des oppositions religieuses ? Et des énormes flux de capitaux ? On voit que la vie diplomatique est ardente et périlleuse, que si Le Drian n’y est pas toujours convié il réussit à s’y faire entendre. Son succès le plus connu est de conclure avec l’Inde l’interminable négociation de la vente de Rafales.
« L’armée française ne pourra éternellement être l’armée européenne », dit Manuel Valls. Avec des voisins tels que Poutine, tels les pays d’Afrique du Nord minés par de solides noyaux d’islamistes radicaux, il faut se montrer fort et souple à la fois. Le livre montre que le ministre garde le cap et il se termine sur une image de Jean-Yves Le Drian à la recherche d’une relance de la défense européenne. Un ouvrage à lire pour comprendre les « dernières guerres » de la France et l’action de son principal architecte.
Hubert Coudurier
Plon
Jeanne Perrin