Tous les amis de Passages ont été profondément affectés par la triste disparition, le 5 janvier dernier, de Rolf Linkohr, personnalité éminente de la vie politique européenne, qui nous avait fait l’honneur d’intervenir ces dernières années à la faveur de nombreux colloques organisés à Paris ou Strasbourg.
Né à Stuttgart en 1941, Rolf Linkohr y fit des études brillantes de physique et de chimie, qu’il prolongea à Munich et Aberdeen. Après des stages industriels chez Bosch (Stuttgart) et Lavalette (Paris), il intégra les équipes de recherche de la Deutsche Automobil GmbH (DAUG) à Esslingen (où il se consacra au développement des nouveaux systèmes de batteries).
Mais, très vite, Rolf Linkohr mit ses compétences d’ingénieur et son expertise au service de ses engagements, tant syndicaux que politiques, et devint à 38 ans l’un des plus jeunes députés européens, représentant le SPD à Bruxelles et Strasbourg durant un quart de siècle, jusqu’en 2004. De 1989 à 1994, il fut aussi Président du STOA (European Parlement Scientific and Technological Options Assessment) ; et de 1994 à 2004, il présida la Fondation européenne de l’Energie, devenu Forum européen de l’Énergie, succédant dans ses fonctions au sénateur français Jean-François Pintat.
Au terme de ce quart de siècle de parlementaire européen, il deviendra Conseiller spécial du Commissaire européen pour l’Énergie, Andris Piebalgs, puis Président du « Centre for European Energy Strategy ».
Rolf Linkohr était une personnalité attachante, marquée par un profond humanisme et une vraie ouverture d’esprit ; brillant polyglotte, pratiquant couramment l’anglais, le français, l’italien, l’espagnol et le portugais, il était reconnu par tous pour son sens de l’écoute, sa capacité à comprendre par-dessus les frontières nationales les points de vue des différents pays de l’Union, ce qui l’amena lors des débats (souvent passionnés) sur la construction du marché intérieur de l’énergie, à être l’« architecte », avec Claude Desama, d’amendements de compromis, portant haut et fort le point de vue du Parlement européen.
Lors d’autres discussions parlementaires, souvent homériques, portant sur le nucléaire en Europe, sa constance à défendre cette filière, argumentant avec compétence et technicité, en étonna aussi plus d’un. Mais ce n’était que l’incarnation d’un homme indépendant, sachant dépasser son « drapeau » national, libre à la fois de ses convictions et de ses choix, même au-delà de l’« Energiwende », en 2011, mais cherchant à expliquer les différences culturelles, afin de mieux rapprocher les points de vue.
Intervenant en octobre 2010, à la faveur d’un grand colloque marquant les 200 ans d’histoire du corps des Mines, il évoquait justement « le monde comme volonté et imagination », ou en allemand Die Welt als Wille und Vorstellung, le chef-d’œuvre d’Arthur Schopenhauer (1788-1860), publié en 1819, en insistant sur le fait que les Allemands ne sont pas connus pour le pragmatisme d’autres Européens, mais préfèrent suivre leurs rêves, qui grâce à leur volonté deviennent parfois réalité.
Il notait aussi que ce que nous appelons la réalité, dans les langues latines et en anglais, n’a pas la même connotation en Allemagne. Il rappelait que « Die Wirklichkeit », c’est ce qui « wirkt », qui a une conséquence, qui produit un effet, ce que nous voulons. Et que les Allemands veulent les renouvelables comme Martin Luther voulait la Réforme !
Il fut justement distingué à la fin des années 90 des insignes d’Officier de la Légion d’honneur par le ministre de l’Economie et des Finances ; il était aussi Gran Cruz d’Al Mérito de Chile.
Toutes nos condoléances vont à la famille de Rolf, son épouse, ses deux filles, ses trois petites-filles et son petit-fils, et à toutes celles et ceux qui ont apprécié cet Européen engagé, qui aura à jamais marqué plusieurs décennies de politique européenne.
Hommage an Rolf Linkohr
Michel Derdevet
Alle Freunde von „Passages“ trauern zutiefst um den am 5. Januar verstorbenen Rolf Linkohr, der uns als herausragende Persönlichkeit der europäischen Politik die Ehre erwiesen hatte, in den letzten Jahren an zahlreichen Kolloquien in Paris und Straßburg teilzunehmen.
Der 1941 in Stuttgart geborene Rolf Linkohr absolvierte dort ein Studium der Physik und Chemie, das er in München und Aberdeen fortsetzte. Nach Industriepraktika bei Bosch (Stuttgart) und Lavalette (Paris) kam er zu den Forschungsteams der Deutschen Automobil GmbH (DAUG) in Esslingen (wo er sich mit der Entwicklung neuer Batteriesysteme beschäftigte).
Aber schon bald stellte Rolf Linkohr seine Ingenieurkompetenzen und sein Fachwissen in den Dienst seines gewerkschaftlichen und politischen Engagements und wurde mit 38 Jahren einer der jüngsten Europaabgeordneten. Ein halbes Jahrhundert lang, bis 2004, vertrat er die SPD in Brüssel und Straßburg. Von 1989 bis 1994 war er auch Vorsitzender von STOA (European Parlement Scientific and Technological Options Assessment). Von 1994 bis 2004 führte er den Vorsitz der Europäischen Energiestiftung, des späteren Europäischen Energieforums, und übernahm dabei die Nachfolge des französischen Senators Jean-François Pintat.
Nach diesem Vierteljahrhundert als Europaabgeordneter wurde er Sonderberater des EU-Kommissars für Energie, Andris Piebalgs, und dann Vorsitzender des „Centre for European Energy Strategy“.
Rolf Linkohr war eine sympathische Persönlichkeit, geprägt von einer tiefen Menschlichkeit und einer wahren Offenheit. Er sprach fließend Englisch, Französisch, Italienisch, Spanisch und Portugiesisch, seine Aufgeschlossenheit und seine Fähigkeit, die Standpunkte der verschiedenen Länder der Union über ihre Grenzen hinweg zu verstehen, war allseits anerkannt. Dies veranlasste ihn bei den (oft leidenschaftlichen) Debatten über den Aufbau des Energiebinnenmarkts dazu, zusammen mit Claude Desama Kompromissänderungsanträge einzubringen, mit denen er den Standpunkt des europäischen Parlaments vertrat.
Bei anderen, oft gewaltigen parlamentarischen Diskussionen über die Kernenergie in Europa, überraschte seine konstante Verteidigung dieses Sektors so manchen Zuhörer, wobei er mit Kompetenz und technischem Sachverstand argumentierte. Er war die Verkörperung eines unabhängigen Menschen, der über den eigenen Tellerrand hinaus sehen konnte, der auch nach der Energiewende 2011 frei in seinen Überzeugungen und Entscheidungen war, aber immer danach strebte, die kulturellen Unterschiede zu erklären, um die verschiedenen Standpunkte besser einander anzunähern.
Bei einem Vortrag im Oktober 2010 anlässlich eines großen Kolloquiums zur Feier der zweihundertjährigen Geschichte des Corps des Mines erwähnte er „Die Welt als Wille und Vorstellung“, das 1819 veröffentlichte Meisterwerk von Arthur Schopenhauer (1788-1860). Dabei betonte er, dass die Deutschen nicht für den Pragmatismus anderer Europäer bekannt sind, sondern lieber ihren Träumen folgen, die dank ihres Willens manchmal Wirklichkeit werden.
Er merkte auch an, dass das, was wir in den romanischen Sprachen und im Englischen als Realität bezeichnen, im Deutschen nicht die gleiche Konnotation besitzt. Er erinnerte daran, dass „Die Wirklichkeit“ das ist, was „wirkt“, was eine Folge hat, was eine Wirkung erzielt, das, was wir wollen. Und dass die Deutschen die erneuerbaren Energien wollen, wie Martin Luther die Reformation gewollt hatte!
Am Ende der 90er Jahre wurde er vom französischen Wirtschafts- und Finanzminister mit dem Orden des Officier de la Légion d‘Honneur ausgezeichnet. Er war auch Träger des Ordens Al Mérito de Chile: Gran Cruz.
Unser Beileid gilt der Familie von Rolf, seiner Gattin, seinen beiden Töchtern, seinen drei Enkeltöchtern und seinem Enkelsohn und allen, die diesen engagierten Europäer, der mehrere Jahrzehnte europäischer Politik für immer geprägt hat, geschätzt haben.
Michel Derdevet