Le Pass Culture, dispositif gouvernemental destiné à promouvoir les pratiques culturelles chez les jeunes de 15 à 20 ans, suscite de vives critiques. Entre accusations de creuser les inégalités sociales et constats d’un usage transformateur, cet outil soulève des débats sur la véritable démocratisation de la culture en France.
Une remise en question croissante
En cette rentrée, le Pass Culture se retrouve sous les projecteurs, notamment à travers un éditorial du Monde et des émissions critiques, comme celle de Frédéric Martel. Les détracteurs soulignent que la répartition de l’utilisation de l’application varie significativement en fonction du niveau d’éducation des parents. Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), 87 % des jeunes issus de parents diplômés du supérieur utilisent l’application, contre seulement 67 % pour ceux issus de familles moins éduquées. Cette constatation soulève des questions sur l’efficacité réelle du Pass dans la lutte contre les inégalités sociales en matière d’accès à la culture.
Les inégalités persistantes
Les critiques du Pass Culture ne manquent pas de rappeler que les institutions culturelles traditionnelles, comme les musées ou l’Opéra, peinent également à attirer un public diversifié. En 2018, les diplômés représentaient 3,8 fois plus de visiteurs dans ces établissements que les moins diplômés. Ainsi, les institutions elles-mêmes affichent des inégalités d’accès, remettant en cause l’argument selon lequel le Pass Culture serait particulièrement discriminant.
Un succès mesuré
Malgré ces critiques, le Pass Culture a réussi à séduire les jeunes. En effet, 81 % des jeunes de la génération 2004 ont utilisé une partie de leur crédit de 300 €, et 3,2 millions de jeunes ont recouru à ce dispositif. Le coût total de 260 millions d’euros, représentant environ 6 % du budget du ministère de la Culture, est justifié par son impact sur un large éventail de jeunes, notamment en région. Ce succès financier est d’autant plus notable comparé aux précédents dispositifs qui semblaient favoriser principalement les Franciliens.
Un impact positif sur la lecture
Le Pass Culture se distingue par son influence positive sur la pratique de la lecture. D’après les données de l’IGAC, 71 % des sélections effectuées par les jeunes concernent des livres, et 54 % des dépenses se concentrent sur cette même catégorie. Bien que certains rapports évoquent un effondrement de la lecture chez les jeunes, le Pass semble au contraire rendre ce support attractif, permettant d’accéder à des lieux d’achat comme les librairies.
Une nouvelle forme de pouvoir
Le Pass Culture représente une révolution dans les politiques culturelles en France, en permettant aux jeunes de choisir eux-mêmes les œuvres qu’ils souhaitent découvrir. Ce changement de paradigme a suscité des réticences chez les institutions culturelles, qui se voient dépouillées de leur pouvoir de définition de la culture. Les jeunes se tournent vers des œuvres qui leur ressemblent, manifestant un désir de redéfinir leur rapport à la culture, en s’éloignant de l’influence parentale et scolaire.
Vers une redéfinition des politiques culturelles
La remise en cause du Pass Culture ne devrait pas conduire à son abolition, mais plutôt à une réflexion sur la manière d’améliorer l’accès à la culture. Plutôt que de revenir à une politique d’offre traditionnelle, il serait judicieux d’adopter un dialogue plus inclusif entre les jeunes et les institutions culturelles. Les libraires, par leur proximité avec les jeunes, pourraient jouer un rôle clé dans cette nouvelle médiation, aidant ainsi à réinventer les pratiques culturelles et à construire une culture qui leur est propre.