Le 4 mai dernier, c’est un petit événement de la musique classique qui avait lieu à l’opéra de Nur-Sultan, au Kazakhstan : une représentation des 4 Saisons de Vivaldi par la Première Violon de La Scala, Laura Marzadoni. La venue de l’artiste, de renommée mondiale, doit célébrer les 30 ans des relations diplomatiques entre le Kazakhstan et l’Italie et bénéficie du soutien actif de l’ambassade italienne. L’opération, qui tient tant du dialogue culturel que de l’évènement diplomatique, n’est pas anodine. EIle témoigne de l’influence diplomatique grandissante du Kazakhstan, qui s’est fait une spécialité de la diplomatie culturelle et notamment musicale.
La culture, pilier des relations italo-kazakhestanaises
Comme l’évoquait à cette occasion le directeur de l’Opéra d’Astana Galym Akhmediyarov, pour Astana Times, « la culture est un élément clé dans le renforcement des relations entre les pays ». Un adage particulièrement vrai au Kazakhstan, qui s’est fait une spécialité d’organiser très régulièrement des tournées de ses compagnies artistiques en Europe et qui accueille régulièrement des artistes de renommée mondiale.
Laura Marzadoni avait ainsi déjà représenté le Falstaff de Verdi et la Symphonie n°9 de Beethoven en 2017, en compagnie de l’orchestre et de la troupe de La Scala dans le cadre de l’Exposition Internationale EXPO-2017. A contrario, les troupes musicales kazakhes se produisent régulièrement en Italie et plus largement dans toute Europe. La représentation de la Symphonie numéro 8 de Gustave Malher par les 1200 musiciens de l’Opéra de Nur-Sultan sur la chaîne française Mezzo lors du réveillon 2021 avait notamment attiré plus de 40 millions de téléspectateurs à travers 38 pays européens.
Enclavé au cœur de l’Asie centrale, le Kazakhstan a donc réussi le tour de force de s’imposer sur la scène culturelle mondiale en se faisant connaitre des mélomanes russes, européens ou américains, et ce, en quelques années.
Le renouveau du rayonnement international kazakhstanais
Cette politique de rayonnement international est activement soutenue par les autorités kazakhstanaises, qui ont su en tirer profit diplomatiquement. Celle-ci est mise au service de la politique de dialogue revendiquée par le pays, qui se targue de son héritage de passerelle entre l’Europe et l’Asie. Comme l’évoque Alberto Turkstra, chercheur en géopolitique de l’Asie Centrale au Diplomatic World Institute de Bruxelles, la diplomatie kazakhstanaise se distingue par un « engagement ferme en faveur d’une politique étrangère multisectorielle, quel que soit l’environnement géopolitique extérieur, qui fluctue rapidement. ». Dans cette tradition de dialogue diplomatique, la musique joue un rôle essentiel.
Car tout en conservant des relations fortes avec ses partenaires historiques chinois et russe, le Kazakhstan souhaite se rapprocher des pays de l’Union Européenne, qui sont progressivement devenus les plus grands investisseurs dans le pays, avec 160 milliards USD (sur 370 milliards investis internationalement dans le pays). Le Kazakhstan est ainsi devenu le principal partenaire commercial de l’UE en Asie centrale, avec des flux d’échanges bilatéraux atteignant 24 milliards annuels en 2021.
Une réussite rendue possible en partie grâce à sa diplomatie culturelle qui permet au pays de se distinguer sur la scène internationale. Une approche qui passe par la musique classique, mais aussi par la culture du sport, des religions ou des sciences : la visite du Pape au Kazakhstan en 2001, l’entrée dans l’UEFA en 2002, les VIIe Jeux asiatiques d’hiver en 2011, la présidence de l’OSCE en 2010, de l’Organisation de la coopération islamique en 2012 ou l’exposition internationale en 2017 et les réguliers congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles (dont le prochain sera organisé à Nur-Sultan en septembre 2022) sont autant de facettes de ce « soft power » kazakhe.
Loin d’être un simple événement musical destiné aux aficionados du « prêtre roux », la représentation des quatre saisons de Vivaldi à Nur-Sultan s’inscrit donc dans une politique diplomatique beaucoup plus large, dans laquelle la musique classique joue un rôle essentiel pour accroître la renommée du Kazakhstan.